La Chine :
Croissance en panne

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Alexandre Mirlicourtois (*)
Directeur de la conjoncture et de la prévision, groupe Xerfi

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Dans ce même numéro d’espritsurcouf, Tom Dash, qui nous livre son analyse de la Chine d’aujourd’hui, évoque en un paragraphe la baisse de croissance du pays. Alexandre Mirlicourtois s’y intéresse ici plus en détail. Pour lui, il ne s’agit pas d’un ralentissement, mais d’une panne. 
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La Chine accumule toutes les difficultés. Elles sont liées à des aléas climatiques comme la sécheresse qui a entrainé des coupures d’électricité, et a notamment entravé la production industrielle dans l’ouest du pays. Mais elles sont aussi la conséquence de l’erreur stratégique majeure de la politique « zéro Covid », qui pousse ponctuellement à maintenir sous cloche des parties du territoire. Elles sont enfin le résultat de problèmes structurels liés au vieillissement de la population, à la faiblesse des politiques de redistribution et à l’hypertrophie de l’immobilier. Il faut d’abord s’arrêter sur les témoins de ses difficultés. Inutile de les prendre tous, cela ressemblerait à un inventaire à la Prévert. Trois suffiront.

Politique économique inadaptée

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Il y a d’abord, à rebours des politiques moins accommodantes des grandes banques centrales dans le monde, la décision dans l’urgence à la mi-août de de la Banque centrale chinoise d’abaisser ses taux directeurs pour soutenir l’activité en favorisant le crédit. C’est bien l’indice d’un ralentissement économique qui s’aggrave.

L’abaissement du taux de réserve obligatoire en devises des banques chinoises de 8 à 6% (qui correspond à la part de monnaies étrangères que les banques doivent posséder dans leur coffre) à compter du 15 septembre s’inscrit dans cette même logique de soutien. Plus précisément, il s’agit de venir au chevet du yuan, une monnaie dépréciée par la dégradation des perspectives de croissance et de rendement du pays.

Même ce qui pourrait être analysé comme une bonne nouvelle, en fait ne l’est pas. A près de 900 milliards de dollars en cumul sur 12 mois à la fin août, jamais les excédents extérieurs chinois n’ont été aussi pléthoriques. Des excédents records, certes, parce que le « made in China » reste compétitif, mais bien plus encore en raison du plafonnement des importations.

Il serait possible d’y voir une cause plus nationale, les entreprises investissant les segments à plus forte valeur ajoutée et ne se contentant plus d’assembler des pièces ou des modules venus de l’extérieur avant de les réexpédier. Mais ce processus de long terme est à diffusion lente et ne cadre pas avec la rapidité du décochage. En revanche, cela colle beaucoup mieux au recul des ventes du commerce de détail depuis mars dernier, signe d’une demande domestique en manque de carburant à court terme, car empêchée en raison des poussées épidémiques. Ce déficit de consommation porte aussi la marque d’un autre, celui du déficit redistributif.

Les conteneurs s’entassent par milliers dans le port de Qingdao, province du Shandong. Des exportations record, mais une consommation domestique à la peine.
Photo Pixabay

Partage des richesses insuffisant
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La réduction des inégalités durant les années 2000 est totalement liée à la croissance rapide de l’économie, et non pas à la mise en place d’un système de redistribution et de protection. Maintenant que l’économie cale, les bas revenus souffrent en première ligne. Se pose en plus le problème du vieillissement démographique. Au-delà même de la part des plus des 65 ans qui représentaient à peine plus de 7% de la population en 2005, 12% aujourd’hui et près du quart demain, le regard doit se porter à court terme sur la classe d’âge des 50-60 ans, celle qui approche du retrait de la vie active et qui se voit contrainte d’épargner beaucoup en prévision de la leur maigre retraite et des dépenses de santé à venir en hausse.

A plus long terme, le recul de la population en âge de travailler va se traduire par une réduction de la capacité du pays à créer de la croissance car les gains de productivité ne compensent pas la baisse de la population active d’autant qu’avec la fin de la modernisation des entreprises le filon du rattrapage de la productivité s’épuise. Enfin, il y a le coût de la transition énergétique voulue par Pékin.

La bulle immobilière

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Reste un dernier écueil de taille : l’immobilier. C’est une bonne synthèse de l’impasse du modèle chinois. Faute de filets de protection et afin de préparer leur retraite, les ménages épargnent beaucoup, et l’immobilier est leur placement favori. Ils achètent sur plan, y placent l’essentiel de leurs économies et s’endettent lourdement. Un investissement longtemps encouragé par les autorités, la construction de nouveaux logements étant l’un des leviers le plus facile à actionner pour atteindre les objectifs de croissance. Et qui a débouché sur une véritable frénésie immobilière, les promoteurs construisant à tout va sans toujours se soucier de la localisation des biens.

Or la crise de la Covid-19 agit maintenant comme un détonateur. La demande à l’achat comme à la location sombre. Certains se retrouvent avec un bien sans locataire sûr et des prix en baisse. A tel point que, dans certains cas, des destructions d’immeubles neufs sont ordonnés par les autorités pour tenter d’inverser la tendance.

D’autres font les frais de grands conglomérats mal gérés, surendettés, incapables de payer leurs dettes et même de trouver l’argent nécessaire pour finaliser la construction des appartements qu’ils avaient déjà vendus à des clients toujours contraints de rembourser leurs emprunts.

Bref, la Chine est confrontée à de multiples vents contraires. Non seulement l’objectif de Pékin d’une croissance à 5,5% cette année est hors de portée, mais la récession n’est plus très loin, l’appauvrissement de la population aussi.

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(*) Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision du groupe Xerfi depuis 2006, est en charge de la direction économique et quantitative des études sectorielles et responsable des scénarios macro-économiques. Il est également responsable de la lettre de conjoncture Xerfi-Previsis.

 

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