Chine, États-Unis,
et conquêtes spatiales
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Pauline Rouquier (*)
Étudiante en relations Internationales
Si la compétition entre l’URSS et les États-Unis a longtemps marqué la conquête spatiale, un nombre croissant de nouveaux acteurs investissent désormais l’espace. La Chine affiche dans ce domaine de grandes ambitions. L’espace est devenu le terrain de plusieurs enjeux : économique, scientifique, géopolitique, militaire.
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En 1967, avant même que le premier homme ne pose un pied sur la Lune, un traité international a été signé : le Traité de l’Espace, pour garantir un usage pacifique de l’espace extra-atmosphérique. Principe fondateur, l’article II précise que l’espace, comme les corps célestes, ne peuvent faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, par utilisation ou par occupation. Néanmoins, avec l’épuisement des ressources terrestres, les puissances se tournent vers celles de l’espace encore très peu connues … De fait, l’exploitation des ressources des astéroïdes fait l’objet d’études dans le monde entier, que ça soit en Europe, en Chine, ou aux États-Unis. La machine de la conquête spatiale est relancée …
Le discours médiatique dominant présente une nouvelle « course à la Lune » entre les États-Unis et la puissance géopolitique ascendante : la Chine. Les États-Unis imaginent un retour aux années glorieuses du programme Apollo tandis que la Chine est plus déterminée que jamais à asseoir sa domination sur les États-Unis en devenant son rival dans tous les domaines, donc aussi dans le domaine spatial.
États-Unis, première puissance spatiale
La position dominante de la puissance américaine est bien connue et se traduit par l’évaluation des budgets spatiaux publics globaux en 2019 : 50 milliards de dollars pour les États-Unis et 8 à 10 milliards pour la Chine. Malgré le fait qu’ils occupent de très loin la place de première puissance spatiale, les États-Unis s’inquiètent des progrès chinois. Il est vrai que la Chine rattrape son retard technologique et technique et a clairement fait part à la communauté internationale de sa volonté de peser dans la communauté spatiale internationale.
De ce fait, Washington investit de nouveau dans le spatial pour conserver sa position dominante.
En avril 2019, à quelques mois du cinquantième anniversaire de la mission Apollo 11 qui avait permis au premier homme de fouler le sol lunaire, le vice-président américain Mike Pence annonçait le souhait du président de l’époque, Donald Trump, qu’un premier équipage soit déposé dès 2024 à la surface de la Lune. Appelé Artemis, ce programme de la NASA a également pour but de rendre possible des missions dites « durables » pour permettre à des astronautes américains d’explorer la Lune puis Mars. Ce souhait de Trump révèle une nouvelle compétition, puisque la Chine conduit également un projet d’envoi d’astronautes sur la Lune, à un horizon plus éloigné toutefois : 2030 au plus tôt.
Les États-Unis redoutent particulièrement que leur rival parvienne à poser un pied sur la Lune avant leur grand retour. La Chine est le second pays à avoir planté son drapeau sur la Lune à la fin de 2020. Cependant, elle l’a fait grâce à un robot et non par une présence physique, questions d’ambitions technologiques. Aussi la puissance américaine veille-t-elle à garder son leadership sur trois axes principaux.
Un leadership civil : la NASA est doté du budget le plus important de toutes les grandes agences, environ 22 milliards de dollars par an. Et les États-Unis sont leader dans la plupart des coopérations de recherches fondamentales et d’exploration, en particulier pour l’ISS (la station spatiale internationale).
Un leadership commercial : le gouvernement américain apporte un fort soutien public à l’industrie spatiale et aux nouveaux acteurs comme SpaceX ou Blue Origin, qui développent des fusées réutilisables, ce qui pourrait être un tournant stratégique de l’industrie spatiale.
Un leadership militaire : l’administration Trump a créé une sixième branche au sein du Département de la Défense : l’US Space Force, distincte de l’US Air Force. C’est la plus importante décision en matière de politique spatiale de l’Administration Trump. Les États-Unis demeurent également à ce jour le seul pays à posséder la capacité d’utiliser l’espace à des fins militaires de manière poussée.
Vers la militarisation de l’espace
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La Chine, qui s’’est lancée dans l’aventure spatiale vingt ans après les États-Unis et la Russie, rattrape désormais son retard avec méthode et efficacité. Elle a notamment débuté en 2021 la construction de sa station spatiale orbitale, et envoyé une sonde sur Mars. Elle a déjà placé en orbite de nombreux satellites d’observation. Les États-Unis voient dans le déploiement de moyens de contrôle, de surveillance et de renseignement dans l’espace, une menace directe pour leur sécurité nationale.
La militarisation de l’espace est de plus en plus perçue comme une réalité à venir, ce que le Traité de l’Espace avait prévu en interdisant les armes de destruction massive en orbite terrestre. Cependant, il n’interdit formellement pas l’usage d’autres armes comme des lasers, des missiles anti satellites, etc.
Considérée comme une puissance offensive, la Chine produirait des technologies susceptibles de mettre en péril les moyens spatiaux américains. La destruction, le 11 janvier 2017, de l’un de ses propres satellites météorologiques Feng-Yun 1C avec un missile Dong Feng-21 a semblé donner raison aux inquiétudes américaines sur la menace spatiale que représente la Chine.
Cette mise en avant de la vulnérabilité américaine ne doit cependant pas faire oublier que la Chine reste loin derrière les États-Unis ; Le rapport de force entre Pékin et Washington demeure encore largement en faveur de cette dernière.
Les volontés chinoises
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C’est depuis 2013, sous la direction de Xi Jinping, que la Chine se montre déterminée à rivaliser stratégiquement avec les États-Unis et à devenir la première puissance économique et militaire dans le monde. L’espace est manifestement l’un des domaines où la puissance chinoise veut établir un jour sa suprématie. Cette volonté s’illustre notamment par le nombre de lancements spatiaux, qui a été le plus important dans le monde en 2018 et 2019. Mais quantité ne veut pas dire qualité !
Le dimanche 31 juillet 2022, la fusée chinoise Longue Marche-5B, utilisée pour lancer le deuxième module de la station spatiale Tiangong, a entamé une descente incontrôlable et s’est désintégrée au-dessus de l’océan indien lors d’un retour non maitrisé. Cet évènement démontre que la Chine ne maitrise pas encore tous les savoir-faire. En dehors de l’exploitation robotique, la technologie spatiale chinoise parait encore loin de se situer au niveau de celles des grandes puissances telles que les États-Unis, l’Europe, le Japon ou même la Russie laquelle, bien qu’en déclin, garde des capacités importantes.
Cela étant, les progrès chinois sont réels et rapides, et la situation pourrait beaucoup évoluer d’ici 2030 avec la mise au point d’un lanceur lourd, de la classe d’Ariane 5 et d’Ariane 6 : le Longue Marche 5 (LM-5). Il a notamment été utilisé pour le lancement de la première sonde martienne chinoise Tianwen-1 dont le rover a été déposé le 22 mai 2021 sur la surface de Mars. La Chine est devenue le second pays au monde, après les États-Unis, à déposer un rover à la surface de Mars, ce que même les russes n’ont pas réussi à réaliser, en dépit d’énormes efforts.
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(*) Pauline Rouquier est actuellement étudiante en Bachelor 2 à l’Institut Libre d’Études des Relations Internationales et de Sciences Politiques ( ILERI ) de Paris. Elle est secrétaire et chargée de communication de l’association ILERI Défense pour l’année 2022-2023; Elle participe à la rédaction de la revue Grand Jeu portant sur l’Espace. Elle collabore à ESPRITSURCOUF. |
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