LE CAMOUFLET
DE LA VILLA BONAPARTE
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Vincent Gourvil (*)
Docteur en sciences politiques
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Dans nos deux précédentes publications, à propos de la tension en mer de Chine et de l’affaiblissement de la France en Afrique, l’auteur ironisait sur la diplomatie d’Emmanuel Macron. Il revient ici à la charge, avec pour cible l’affaire des sous-marins australiens. Et comme toujours, bien évidemment, ses propos n’engagent que lui-même.
Sur la scène internationale, les déconvenues françaises s’ajoutent aux déceptions en cette fin de mandat. Crise avec l’Algérie, avec le Mali (se rapprochant des terroristes et des mercenaires russes du Groupe Wagner), différend franco-britannique sur la pêche et sur le contrôle de l’immigration illégale. L’apothéose de cette déroute restera l’annulation de dernière minute du contrat de sous-marins australiens couronnée par la conclusion du pacte tripartite Aukus (Australie, États-Unis, Royaume-Uni). Sans en informer au préalable Paris, il va sans dire. Et pour conclure cette mauvaise passe, campagne du Conseil de l’Europe (cofinancée par l’Union européenne) pour le hijab et pied de nez de l’ex-otage Sophie Pétronin à ses libérateurs français avec son retour au Mali. Les touchants adieux d’Angela Merkel à Beaune (3 novembre 2021) ne permettront pas d’effacer cette mauvaise passe.
Humiliation en rase campagne
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Le président de la République ne pouvait pas laisser passer l’affront, la trahison américano-australienne, sans obtenir un minimum d’excuses, de repentance, principalement de Washington et, accessoirement, de Canberra. Il prend acte de cette mauvaise manière en rappelant, pour quelques jours, nos deux ambassadeurs concernés à Paris.
Du côté franco-américain, la première prise de contact a lieu le 22 octobre 2021 sous forme d’un entretien téléphonique Biden-Macron au cours duquel est évoquée la question de la défenseeuropéenne et celle de l’accord Aukus. Le président français déclare vouloir plus que des gages, à savoir des actes. Comme il se plait à la souligner, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Allaient-elles arriver en marge du G20 à Rome ?
La cellule diplomatique de l’Élysée prépare activement cette rencontre avec son homologue de la Maison Blanche pour remettre les pendules à l’heure. Les retrouvailles ont lieu, le 29 octobre 2021, en territoire (diplomatiquement) français, à savoir dans la Villa Bonaparte, siège de notre ambassade auprès du Saint-Siège. Et cela à la demande expresse de la partie française. Les poignées de main furent longues et chaleureuses. Joe Biden évoque des « maladresses » et « un manque d’élégance », soulignant « sa grande affection à l’égard de la France, le plus vieil allié des États-Unis ». La suite des propos de Biden relève de la pure hypocrisie, du passage de pommade après la fessée.
Emmanuel Macron, plus sobre, appelle à se « tourner vers l’avenir », évoquant « l’amorce d’un processus de confiance ». Mais, ses communicants se rengorge du succès du chef de l’Éta, qui aurait contraint son homologue américain à faire le premier pas vers une réconciliation, et aurait « conforté l’agenda porté par la France ».
Pour sa part, le premier ministre australien reste droit dans ses bottes, n’ayant cure des admonestations de Paris (Élysée et Quai d’Orsay) après l’annulation du contrat du siècle (50 milliards d’euros) et du rappel de notre ambassadeur à Canberra. Il martèle que la France était parfaitement informée des hésitations australiennes et ne pouvait donc feindre la surprise. Qui dit vrai dans ce poker menteur ?
On attendait des excuses, on n’a pas été servi !
Les mots d’un côté, la puissance de l’autre
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Une interprétation à froid de cette séquence diplomatique démontre que les choses sont moins claires, et mettent en évidence la faiblesse croissante de la France sur le grand échiquier international. Outre quelques banalités diplomatiques de circonstance (renforcement de la coopération antiterroriste dans le Sahel, approfondissement de la coopération dans les énergies renouvelables, le nucléaire, le spatial, les exportations stratégiques…) et l’expression du désir d’Emmanuel Macron d’être consulté quant aux discussions américano-russes sur l’arms control, que peut-on lire d’intéressant dans le communiqué commun ? « Les États-Unis reconnaissent l’importance d’une défense européenne plus forte et plus opérationnelle, qui contribue positivement à la sécurité mondiale et transatlantique et soit complémentaire avec l’OTAN ». Le texte appelle « au renforcement du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’OTAN ».
On l’aura compris, la souveraineté européenne et l’autonomie stratégique de l’Union n’existent que par et à travers l’Alliance atlantique. Tout change pour que rien ne change ! L’Europe restera l’idiot utile de l’Amérique. Pour faire court, le chef de l’État avale quelques couleuvres, ravale ses idées européistes sur la défense européenne, bénit l’OTAN et repart bredouille après Rome et Glasgow. Lorsque l’on veut jouer dans la cour des grands, il faut en avoir les moyens et la volonté, comme le fit le général de Gaulle en quittant l’organisation militaire intégrée de l’OTAN en 1966.
Tant en marge du G20 (Rome) que de la COP26 (Glasgow), le premier ministre australien parade devant le petit coq gaulois (courtisant les États asiatiques), soulignant qu’il a « les épaules larges ». Il fait manifestement fuiter dans la presse australienne le contenu d’un texto que lui avait adressé Emmanuel Macron (en anglais) deux jours avant la rupture du contrat. Son contenu laisse penser en filigrane que la conclusion du contrat du siècle était loin d’être acquise : « Dois-je attendre de bonnes ou de mauvaises nouvelles pour nos ambitions communes en matière de sous-marins ? ».
Ça sonne faux
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Au fil du temps et du déroulement de son quinquennat, le discours diplomatique d’Emmanuel Macron sonne faux au regard des réalités du terrain, des rapports de force qui ne sont malheureusement pas en faveur de notre pays. Il fait preuve d’une certaine candeur dans la mêlée mondiale, dans l’ensauvagement de la planète. Son réel attrait pour la méthode Coué ne cesse de lui jouer des mauvais tours. Sans parler de sa diplomatie du « en même temps » qui nuit à la cohérence de son action internationale, à la crédibilité de la parole de la France et à son crédit sur la scène internationale. La séquence de la rencontre romaine Biden-Macron restera sans doute un moment d’humiliation pour notre pays. Pour faire sobre, nous pourrions parler du camouflet de la Villa Bonaparte.
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(*) Vincent Gourvil est le pseudonyme d’un haut fonctionnaire, par ailleirs Docteur en sciences politiques. |
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