Le droit européen
au secours des djihadistes

.Christian Fremaux (*)
Avocat honoraire

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Le conseil de l’Europe, créé le 5 mai 1949, est une organisation intergouvernementale qui réunit désormais 46 Etats, et qui s’appuie sur la déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre 1948. La cour européenne des droits de l’homme est une juridiction internationale basée à Strasbourg. Elle a été saisie par les familles de femmes djihadistes et de leurs enfants retenus en Syrie, que l’exécutif français refuse de rapatrier.  Son verdict a enflammé les humeurs de l’auteur
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Mercredi 14 septembre 2022 la cour européenne des droits de l’homme a rendu une décision innovante voire historique concernant le rapatriement de familles de djihadistes actuellement parquées dans des conditions déplorables dans des camps kurdes de la Syrie.  D’autres pays européens, concernés par la même problématique et observateurs attentifs, sont intervenus dans la procédure. Jusqu’à présent la France s’est hâtée lentement pour faire revenir femmes et enfants, examinant les demandes au cas par cas et sans motiver particulièrement les refus. Ce qui priverait lesdits français de toute possibilité de recours judiciaire et de la protection de l‘Etat, due à chacun de ses ressortissants à l’extérieur quelles que soient leurs activités, criminelles ou non.   

L’arrêt de la cour a électrisé le débat. Elle n’a pas reconnu un droit général au rapatriement automatique. Elle n’a pas condamné la France sur le fond. Elle lui a demandé de revoir sa copie, car un citoyen français, malgré son comportement anti-France, ne peut être privé unilatéralement du droit d’entrer sur son territoire (article 3.2 du protocole n°4). Les concernés doivent pouvoir examiner la décision du pouvoir, les motifs et les contester devant une juridiction, et désormais devant une autorité indépendante de l’exécutif. C’est nouveau et ce n’est pas prévu dans notre organisation diplomatique et juridictionnelle que l’on doit redéfinir. La cour semble l’exiger ? Le gouvernement va y songer. 

L’opinion publique
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Certains pensent qu’ainsi la France a perdu sa souveraineté juridique et judiciaire au profit d’un gouvernement de juges internationaux qui imposent leurs visions du monde et des textes légaux, y compris en matière de terrorisme. Les grands principes universels et l’humain l’emporteraient alors sur le droit positif actuel, sur le sentiment national, sur la voix des victimes françaises des attentats.

Les autres se réjouissent qu’il y ait un contrôle sur les choix de l’exécutif de ne pas rapatrier femmes et enfants de djihadistes, sans dire pourquoi, sans verser aux débats les preuves des craintes que l’on a et que l’on doit discuter contradictoirement. Ils mettent en avant le sort désastreux des présumées coupables et l’intérêt supérieur des enfants qui sont innocents et que l’on ne peut priver d’une vie et d’une éducation en France comme tous les autres. Ils savent qu’à leurs retours les mères seront incarcérées, on examinera leurs responsabilités et elles seront jugées par un tribunal français. On verra si des remords sont formulés, si l’engagement militant est abandonné, s’il y a un risque de récidive ou de propagande négative insidieuse, si  le coran reste leur bible, si la loi islamique est la règle, si la laïcité est comprise. On ne se fait aucune illusion sur l’amour retrouvé de la nation, mais pourquoi pas ! Le juridisme domine le bon sens et l’émotion.  

Le palais de la cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.
Photo EU

L’opinion publique, qui ne doit jamais entrer dans le prétoire et se transformer en tribunal médiatique, est archi défavorable. Ces dames qui vivent sans eau ni électricité, qui sont méprisées et ont peur de la justice Syrienne ou Irakienne, sont parties volontairement combattre auprès de Daesch. Il parait un peu facile, voire scandaleux, de réclamer de meilleures conditions de vie et l’application de textes légaux fondés sur les droits de l’homme, comme le droit à une vie privée et familiale ou l’application des garanties de l’Etat qui l’on combattait et haïssait. Mais ce raisonnement serait subjectif et tout individu aurait droit à une deuxième chance, même si on est dans le terrorisme ! Chacun appréciera. La veuve de Samy Amimour l’un des principaux acteurs du massacre du Bataclan a été rapatriée récemment. 

Les victimes des attentats n’aiment pas ces revendications, et les français qui craignent d’autres actes sanglants, y compris par des actes individuels, ne souhaitent pas que l’on soit laxiste sinon compassionnel dans le cadre de notre état de droit. Certes celui- ci prévoit des textes que l’on a ratifiés et la France doit respecter ses engagements dans la protection des français qui sont à l’étranger.  On ne peut cependant périr de nos propres principes.

Mesures à prendre

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La loi protège mais il y a des circonstances exceptionnelles (ordre public, respect des victimes, défense préventive, menaces …) qui doivent permettre au pouvoir de dire non. Il faut simplement les expliciter noir sur blanc. Et à défaut saisir le parlement pour qu’une loi compatible avec la convention européenne fixe les conditions.  Nous devons avoir la maitrise de notre destin et le devoir de nous défendre collectivement. Notre droit national doit être déterminant quand nos intérêts vitaux sont en jeu, ce qui est une composante de notre souveraineté. La sécurité globale en fait un impératif.

S’il faut créer une autorité administrative indépendante de plus allons- y (on n’est pas à un machin près), elle sera dédiée notamment au rapatriement des terroristes. Il en resterait plus de 100, qui ne sont pas en odeur de sainteté.  Les citoyens qui paient l’impôt et font des économies comme on leur demande seront ravis. Il faudra faire preuve d’humanisme pour les enfants qui ne sont pas comptables des actes de leurs parents.

La justice du conseil de l’Europe ne nous a pas sanctionnés pour décision « arbitraire » contre de pauvres familles innocentes parties faire le djihad en Syrie. Elle demande que l’on démontre que les refus de rapatriement sont motivés, qu’il ne s’agit pas de positions de principe injustes, pour complaire aux électeurs. Le gouvernement a annoncé qu’il continuait sa politique actuelle de rapatriement et qu’il allait examiner comment donner des garanties. Les autres pays européens concernés par les mêmes difficultés vont réfléchir. En attendant les requérants ont obtenu 18.000,00 euros et 13.000,00 euros au titre des frais de procédure. C’est le contribuable qui paie. Merci les djihadistes.

(*) Christian Fremaux, avocat honoraire du barreau de Paris, est diplômé de CEDS (centre d’études diplomatiques et stratégiques), auditeur de l’IHEDN, et président d’honneur, après en avoir été président actif pendant douze ans, de l’association des auditeurs de l’INHESJ (Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice). Il a enseigné jusqu’en 2005 à HEC et dans plusieurs universités parisiennes. Il a été élu à l’Académie des Sciences d’Outre-mer et est actuellement président de séance auprès du Conseil des Prudhommes de Paris.  Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « les Français victimes de leur administration » aux éditions Michel Lafon.


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