LE PARTI
DU DÉSORDRE 

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Christian Fremaux (*)
Avocat honoraire
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Nos lecteurs connaissent bien cet auteur, et ils ont compris depuis longtemps qu’il n’était pas un « gauchiste ». Mais ses « coups de gueule » méritent attention, car ils révèlent toujours une foi inébranlable dans la Justice et le Droit. Bien évidemment, ses propos n’engagent que lui-même.
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On entend tout et son contraire dans ces pré-débats présidentiels. Les repères politiques classiques volent en éclats. Au-delà de l’étiquette affichée on ne sait plus bien qui est vraiment de gauche et qui est à droite, puisque chaque candidat déroule son catalogue de mesures et qu’elles sont souvent semblables, avec des nuances dans la méthode ou les effets. Comme au patinage artistique, il y a des figures imposées pour causes budgétaires et citoyennes, et des figures libres où l’imagination est au pouvoir. Le citoyen sceptique notera et décidera du vainqueur.

Une proposition fait cependant l’unanimité : il faut augmenter le Smic, le porter à 1400 ou 1500 euros selon la majorité des candidats, voire plus s’il faut faire payer les riches, notamment les employeurs. Mais l’Etat ne peut obliger les patrons à payer et il doit, lui-même employeur, commencer par augmenter ses fonctionnaires. Il y a aussi des divergences connues. Pendant le débat animé par monsieur Hanouna, Eric Zemmour a parlé de grand remplacement et Jean-Luc Mélenchon a évoqué la créolisation. Puis ils se sont insultés. Bravo à tous les deux en matière d’exemplarité, de modération et d’éducation eux qui veulent rassembler les français et apaiser les esprits.

Un autre sujet sensible est abordé curieusement : vivre en paix partout et pour tous. On parle de sécurité et justice. Dès qu’un candidat dénonce la délinquance qui grandit et pourrit la vie des braves gens, demande des sanctions fermes pour l’exemple, que les coupables exécutent leurs peines même de courte durée et indemnisent les victimes, c’est l’indignation de prétendus tolérants et bien-pensants, outrés que l’on ne fasse pas confiance à l’individu. Si on ajoute que l’on souhaite que la justice soit moins laxiste et tienne moins compte de fumeuses excuses sociologiques, sociales ou raciales, on passe ipso facto dans le camp des méchants. Mais la société a évolué et le comportement des individus portés à la violence aussi. Il va falloir adapter notre législation et notre philosophie de l’humain à l’état réel de la société et des conduites individuelles quelles qu’en soient les raisons. L’autorité n’est pas un gros mot y compris dans la sphère privée et familiale. Le sentiment d’insécurité est un leurre. L’insécurité est. Les bons sentiments peuvent tromper.

Dès l’instant où l’on réclame non de l’idéologie mais du bon sens, on s’expose à être catalogué comme liberticide, d’attenter aux libertés fondamentales. On se voit ranger dans le parti « de l’ordre », donc de la contrainte, de la force, ce qui contrarie ceux qui doivent obéir, les « pauvres », forcément des dominés. Comme si l’électeur qui est d’abord un citoyen ne comprenait rien et votait bêtement. Il approuve d’ailleurs majoritairement les restrictions collectives. 

Photo Pixabay

Par opposition y aurait-il donc un parti du « désordre », qui serait composé par les libertaires, tous ceux qui sont contre quelque chose, qui combattent l’Etat qui pourtant leur garantit leurs libertés, qui n’acceptent la loi que si elle les arrange, qui ne voient aucune limite aux libertés individuelles et aux demandes des minorités, heurteraient-elles le plus grand nombre et seraient-elles contraires à l’intérêt général ?

La question est de savoir où mettre le curseur entre les nécessités de l’ordre public qui protège et le respect des libertés de toute nature. Il ne s’agit pas de sacrifier les droits au profit de devoirs et d’affaiblir les principes universels de la république. Nous sommes dans un état de droit avec des élections à tout niveau, politique comme professionnel, des comités citoyens pour tout problème, des recours possibles contre toute décision publique, un conseil constitutionnel et de nombreux tribunaux, même si ceux- ci ont quelque peu perdu la confiance des justiciables pour diverses considérations. Certes l’état d’urgence et les lois votés après les attentats de 2015 ont été plus ou moins intégrés dans le droit commun. Certes encore, en raison du virus, des mesures exceptionnelles ont été prises dans notre arsenal juridique. Il faudra les démanteler dès la fin de l’épidémie.

 Mais ces circonstances conjoncturelles ne caractérisent pas la volonté de nos politiques, quel que soit leur camps, d’en venir à un gouvernement à poigne, pour ne pas écrire autoritaire voire dictatorial. Qui y aurait intérêt ? Pas le peuple évidemment. Avec son bulletin de vote le citoyen recherche la tranquillité y compris d’esprit. La chienlit ne la favorise pas. La souveraineté populaire a besoin de stabilité et de débats publics sereins.   

Le parti de l’ordre a existé en 1848 sous la IIème république avec Adolphe Thiers, Odilon Barrot, Alexis de Tocqueville. Leur slogan était « ordre, propriété, religion » et ils voulaient le retour de la monarchie. Ils ont été battus puis ont disparu politiquement. Personne ne mène plus ces combats, car la société de 2022 a d’autres préoccupations. Il est donc ridicule d’insulter un adversaire en l’accusant d’être un candidat d’ordre ce qui sous-entend qu’il est dangereux. N’est pas « Big Brother » qui veut.  A rebours tout candidat qui ne se préoccuperait pas de ce sujet régalien ou qui serait dans le déni ou avec des explications alambiquées serait défaillant.

« Ordo ab chao », selon la vieille formule latine, oblige en cas de désordre ou de désorganisation de la société à remettre les choses dans le droit chemin. Rappelons-nous la certitude du père Henri Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Ordre et libertés sont compatibles et l’humanisme en découle.  Désordre et libertés illimitées ne peuvent que conduire à l’échec et à fracturer la nation.      

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(*) Christian Fremaux, avocat honoraire du barreau de Paris, est diplômé de CEDS (centre d’études diplomatiques et stratégiques), auditeur de l’IHEDN, et président d’honneur, après en avoir été président actif pendant douze ans, de l’association des auditeurs de l’INHESJ (Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice). Il a enseigné jusqu’en 2005 à HEC et dans plusieurs universités parisiennes. Il a été élu à l’Académie des Sciences d’Outre-mer et est actuellement président de séance auprès du Conseil des Prudhommes de Paris.
Il a publié de nombreux articles dans la presse régionale, nationale ou spécialisée. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « les Français victimes de leur administration » aux éditions Michel Lafon en 2002.


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