EN EUROPE LE PIRE
N’EST JAMAIS CERTAIN
de Jean-Dominique Giuliani(*)
Président de la Fondation Robert Schuman
En se rendant aux urnes plus massivement que prévu et en votant à plus de 50% les Européens ont lancé un démenti vibrant à ceux qui annonçaient, une fois encore, le « désamour » présumé des citoyens envers la construction européenne. Un espace public européen se crée, curieusement sous la poussée des nationalistes qui, joli paradoxe dû à leur progression limitée, ont besoin de s’épauler par-delà les frontières. Contenus à l’étiage de 27% des membres du Parlement et divisés, ils n’influeront que peu sur les politiques européennes, même s’ils déstabilisent plusieurs scènes politiques nationales.
Les partis traditionnels sont en recul, mais au profit de centristes et d’écologistes pro-européens. Il se pourrait bien qu’Emmanuel Macron réussisse son pari de mettre fin au condominium des deux grands partis (PPE et Sociaux-démocrates), en envoyant à Strasbourg la plus forte délégation de députés modérés qui lui permettra de diriger un groupe central indispensable à la constitution d’une majorité. Celle-ci pourrait même vouloir s’étendre aux écologistes. Des négociations vont donc s’ouvrir qui détermineront l’orientation des politiques européennes pour les 5 ans qui viennent. Espérons qu’elles ne surestimeront pas l’expression des votes populaires et resteront raisonnables dans son interprétation.
Car jamais depuis les années 1980 le soutien des peuples à la construction européenne n’a été aussi fort : 68% des Européens estiment que leur pays a bénéficié de l’appartenance à l’Union et, en cas de référendum, la même proportion voterait pour y demeurer. Leur attachement à l’euro est encore supérieur (75% pour ceux qui y participent). Une étude récente faite à la demande du Sénat « Les attentes des citoyens à l’égard de l’Union européenne » démontre aussi de fortes attentes de politiques européennes plus efficaces pour maîtriser une immigration nécessaire, pour garantir une croissance économique indispensable, pour mieux prendre en compte la défense de l’environnement et pour assurer ensemble la sécurité et la défense du continent.
Les citoyens ne veulent pas remettre en cause l’unification européenne qu’ils considèrent comme un acquis ; ils en attendent beaucoup. Espérons que leur message sera enfin compris sur des scènes politiques nationales perturbées, il est vrai, comme dans toutes les démocraties du monde.
C’est donc un message de confiance en l’Europe et un appel positif au rebond qu’ils ont lancé. Ils s’adressent à leurs dirigeants et au-delà au monde entier. L’Europe existe et les Européens y croient. En Europe le pire n’est jamais sûr même si le meilleur n’est jamais certain.
Notes de lecture :
Résultats des élections européennes
LES PARTIS EUROPEENS ET LES PARTIS FRANÇAIS :
Le Parti populaire européen (PPE) accueille les eurodéputés des Républicains. Il possède 179 sièges.
Le groupe S & D a en son sein les élus du Parti socialiste et Radicaux de gauche. Il s’agit du deuxième groupe du Parlement avec 153 sièges.
L’Alliance des démocrates et libéraux en Europe (ADLE) est le groupe centriste de l’hémicycle et accueille notamment dans ses rangs les élus de LREM et du Modem et de l’UDI. Ce groupe compte 105 sièges.
Les Verts (Verts-ALE) accueillent en son sein autant les élus écologistes de EELV.Ce groupe compte 69 sièges.
Les Conservateurs et Réformistes européens (CRE, 63 sièges) ont principalement les élus conservateurs britanniques et les ceux polonais du PiS de Jaroslaw Kaczynski. Nicolas Dupont-Aignan, de Debout la France, a annoncé un accord avec ce groupe durant la campagne ( mais il n’a aucun député).
Le groupe de la Gauche unitaire européenne est allié à la Gauche verte nordique (souvent eurosceptique) et est connu sous le signe GUE/NGL. Au sein de ses 38 élus, on compte les eurodéputés espagnols de Podemos, grecs de Siriza (parti du Premier ministre grec Alexis Tsipras) ou les représentants du Parti Communiste et de la France insoumise. ( mais ils n’ont aucun député).
L’Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) a pour principale figure l’europhobe britannique Nigel Farage, un des chefs des partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le Brexit. Les eurodéputés français issus des rangs des Patriotes de Florian Philippot ( mais il n’a aucun député).auraient pu faire partis des 54 membres de ce groupe.
Europe nation et liberté (ENF) accueille les formations d’extrême droite de La Ligue de Matteo Salvini en Italie, du parti de la liberté aux Pays-Bas. Il a été créé au cours de la mandature 2014-2019 à l’initiative du Rassemblement national, dirigé par Marine Le Pen. Il compte 58 parlementaires
Enfin, les 8 eurodéputés qui ne sont pas dans un groupe politique officiel siègent tous ensemble dans ce qui est appelé les « non-inscrits ».
La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d’utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l’organisation de conférences.
La Fondation Robert Schuman est répertoriée dans la rubrique THINKTANKS de la « Communauté Défense et Sécurité » d’ESPRITSURCOUF.fr
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