Des espions bien visibles
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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
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Difficile d’échapper à l’affaire des ballons chinois, l’un au-dessus de l’Amérique du Nord, l’autre au-dessus de l’Amérique centrale, mais qui tient plus d’une non-affaire montée en épingle…Washington crie à l’espionnage chinois : c’est possible. Est-ce une nouveauté ? Absolument pas. Est-ce unilatéral ? Encore moins.
Le vendredi 3 février, le secrétaire d’Etat Anthony Blinken s’entretenait avec son homologue chinois, Wang Yi, pour souligner l’irresponsabilité des autorités chinoises, tout en laissant entendre que la question du ballon devait être réglée posément. Mais, dans le jeu de la diplomatie des outrés, il ne pouvait que reporter son séjour en Chine.
Aux Etats-Unis, on hurle alors à la violation de l’espace aérien du sacro-saint territoire. Sauf, que techniquement et juridiquement, c’était loin d’être le cas. Le ballon évoluait dans la stratosphère, au-dessus des 20 kilomètres d’altitude qui marquent les limites de l’espace aérien contrôlé (Classe G).
Toujours est-il que l’affaire s’est conclue manu militari. Un F-22 Raptor de la 1ère escadre de chasse de la base aérienne de Langley-Eustis, en Virginie, a tiré un missile air-air AIM-9X Sidewinder pour abattre le ballon de la largeur de trois bus (25 mètres de large), au-dessus des eaux territoriales américaines, au large de la Caroline du Sud. Et les services de renseignement américains de récupérer les débris pour analyse…
Voici donc deux Etats, Chine et Etats-Unis, qui s’enlisent dans leurs démonstrations de puissances et qui rivalisent de jeux d’espionnage depuis des décennies. Les Américains sont des habitués historiques du recours à des avions espions survolant les pays au-delà des espaces aériens. On se souvient des affaires d’avions espions U2 de l’US Air Force, de leur obsession pour la situation prévalant en Russie, en Amérique latine, au Proche-Orient… Et que dire de leurs centaines de satellites du réseau Echelon, cher à la National Security Agency, qui permet, à l’échelle mondiale, l’interception des communications privées et publiques. Interceptions, hier, des fax, télex, écoutes téléphoniques, aujourd’hui des mails et courriels.
Quant aux Chinois, ils sont aussi très puissants en la matière. Ils font généralement dans la discrétion, mais ils peuvent agir sciemment, comme ils le démontrent dans le ciel taïwanais. Peut-on vraiment croire à ce ballon espion qui, logiquement, défiait toute furtivité ? À moins que les Chinois, sachant qu’il serait abattu, s’offrait l’opportunité de reprendre la main pour porter un coup en guise de rétorsion ? Car nous en sommes là, dorénavant…
On regarde cette (non ?) affaire avec lassitude, tant on a le sentiment d’un petit monde enferré dans un sempiternel recommencement de sous-politique internationale qui n’élève pas le monde…
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En Europe, l’heure est aux questions et appréhensions, ce qui incite Jean-Dominique Giuiliani à rappeler l’impotence de renforcer – ou reconstituer – le couple franco-allemand (rubrique Humeurs).
Sur le champ à la fois stratégique et tactique, Xavier Guihlou souligne l’importance de changer les paramètres des armées, dont on doit pouvoir disposer dans le contexte d’un retour brutal à la guerre de haute intensité, dévoreuse d’hommes, de munitions et de moyens (rubrique Défense).
Si la notion de cohésion nationale peut permettre un sursaut face à des menaces protéiformes, le constat en France, pour Éric Stemmelen, est préoccupant, en raison d’une insécurité grandissante dont il identifie les raisons (rubrique Sécurité).
La guerre se porte aussi avec force dans le domaine économique. Elle est même intense et soutenue. Christian Harbulot nous en explique les caractéristiques (rubrique Economie).
Dans la rubrique Livre, nous attirons votre attention sur un roman de Thierry Battmann, Le rescapé de Coc Xa, récit situé au cœur de la guerre d’Indochine, au plus près des Hmongs, ethnie montagnarde qui finit abandonnée par la France, mais pas par certains combattants français, dans un combat ultime.
Dans la rubrique Vidéo, nous présentons les perspectives 2023 telles que les imagine, Pascal Boniface, le directeur de l’IRIS ; des hypothèses parfois pleines de promesses, mais , hélas pas toujours.
Enfin, comme à l’accoutumée, vous retrouverez la revue d’actualité d’André Dulou.
Bonne lecture.
(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Conférencier et chargé de cours dans l’Enseignement Supérieur, il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. |
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