CYBER, ENERGIE, CLIMAT
TOUT SE TIENT
Jamel Metmati (*)
Ingénieur
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……….L’emploi des technologies numériques entraine un effet direct et indirect sur les mécanismes climatiques. Ces nouvelles techniques nécessitent de l’énergie, pour fabriquer le matériel informatique et pour le faire fonctionner. Mais en fonctionnant, elles émettent elles-mêmes de l’énergie. C’est donc un système énergétique complexe qui s’est mis en place, et qui se trouve confronté à la stratégie française du bas carbone, qui anticipe une baisse de 50% de toutes les énergies confondues.
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L’offre de la technologie numérique s’appuie sur une énergie qui doit être créée ou transformée, afin de pouvoir stocker ou échanger des données exponentielles sur de grandes distances, à la vitesse de la lumière. Ce besoin d’énergie augmente sans cesse, car les utilisateurs réclament toujours plus de puissance de calcul. Le calculateur « Pangéa » de Total consomme 4 500 000 watts pour effectuer ses flops (mesure de performance d’un système informatique).
Les ressources énergétiques.
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L’énergie provient du sol, de l’air, de l’eau et des particules de la matière. La cyberguerre consomme des ressources énergétiques qui peuvent être classées en deux catégories : celles provenant de la nature et celles produites par des dispositifs mécaniques industrialisés. Combinées les unes aux autres, elles proposent un système énergétique.
Les premières fournissent les composants utiles pour construire les équipements nécessaires. Le socle commun de ces composants est la matière la plus abondante sur la planète après l’oxygène : le silicium. Il n’est pas présent sous la forme de corps simple, mais sous la forme de composés (dioxyde de silicium), sous une forme amorphe (dans le sable) ou sous forme de silice minérale. Le silicium est complété par d’autres matériaux comme le plastique dur, le saphir, le verre, etc…Un ordinateur de base concentre 40 types métaux.
Les secondes assurent le fonctionnement. Pour obtenir des effets à distance, la cyberguerre s’appuie sur les propriétés de la lumière permettant aux utilisateurs d’envoyer et de recevoir des données en instantanés. Cette transmission s’opère dans les airs, dans l’eau, ou à travers des câbles aux propriétés conductrices différentes. Cette lumière qui peut être naturelle ou artificielle est portée par des champs électriques naturels ou produits par différents équipements. Les données, ainsi émises et reçues, s’échangent sous l’aspect d’impulsions électriques dans des formats de codage correspondants à l’énergie émise nécessaire à leurs transmissions et à leurs réceptions.
L’échange de données signifie également des capacités de stockage et de transmission à partir des propriétés des matériaux : atomiques, physiques, électriques et thermiques. Le type ferromagnétique se caractérise par des piles de plateaux formés chacun d’un support en aluminium ou en verre. Ils prennent la forme de disques durs ou de puces avec un rapport entre la taille et une concentration de données enregistrables sur le matériel.
A l’échelle atomique, l’avènement des technologies quantiques par Microsoft et Google permettent un échange de données à travers une animation des particules de la matière. Ainsi, par exemple, il est techniquement possible de transmettre des informations entre deux puces informatiques sans qu’elles soient reliées physiquement, ou de maitriser par une onde électrique le mouvement des particules à l’intérieur d’un matériel informatique.
Il apparait donc que les technologies numériques ne sont pas sans conséquences sur l’environnement. L’extraction de la matière (terres, charbon, pétrole, gaz) et leurs transformation en matériaux ou en énergie (électricité, lumière) se traduisent inévitablement par des émissions de CO² et une modification des territoires.
Et comme la consommation d’Internet, support de la cyberguerre, est en phase exponentielle (en France, aujourd’hui, les datacenters représentent 10 % de la consommation totale d’électricité), l’impact de ces technologies sur le climat est de moins en moins négligeable.
La transformation du climat
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Les énergies libres, eau, vent, utilisées par les anciennes civilisations ne servent plus aujourd’hui qu’après transformation par des processus industrialisés. Autrefois, l’eau de la rivière faisait tourner la roue du moulin, aujourd’hui l’eau est transformée en électricité qui fait tourner les roues des moulins industriels.
La matière est devenue également source de production (une goutte d’eau produit une tension de 140 volts capable d’alimenter une centaine de LED). L’électricité, élément énergétique de base de la « cyber-guerre », est produite et utilisée selon des procédés différents, mettant en valeur des méthodes d’ingénierie qui influencent les mécanismes climatiques.
Un exemple avec le centre de données de Rennesoy, dans le comté de Rogaland, en Norvège. Il utilise l’eau pompée au fond d’un fjord, en moyenne entre 5° et 8°, pour alimenter le système de refroidissement des équipements informatiques (celui-ci représente au moins 50 % de l’énergie consommée par le data center). L’eau de mer est ensuite rejetée à 18° dans le fjord à 30 mètres de profondeur, à raison d’un mètre cube par seconde La circulation océanique va répartir la chaleur en d’autres endroits selon un système dynamique, mis en mouvement par les vents et les gradients de densité. Le différentiel chaud/froid provoque localement un changement climatique, avec ajout ou perte d’hygrométrie et modification des vents (5ème rapport d’évaluation du GIEC, 2014).
Une grande partie de l’énergie d’un datacenter est rejetée dans l’océan ou dans l’atmosphère sous forme de chaleur. En outre, le système climatique accumule de l’énergie du fait du rejet de gaz et de l’activité humaine dans l’exploitation de l’environnement fossile. 1 % de cette énergie additionnelle réchauffe l’atmosphère, 90% de cette énergie est absorbée par la mer. Cela entraine une modification du climat local (comme en Australie) et un réchauffement des océans.
Par ce biais, la cyber-guerre est un facteur de transformation des territoires, qui eux-mêmes, dans leurs formes nouvelles, contribue à la modification des équilibres naturels.
Avec des mécanismes climatiques qui modifient les environnements et une disponibilité énergétique discriminante, les ressources de la cyber-guerre seront plus exposées, sur fond de modification des écosystèmes et de perturbation des modes de production. Aussi, les sociétés dont le fonctionnement de base est lié aux ressources fossiles vont entrer en compétition pour des territoires à potentiels d’énergie stable.
La modification des écosystèmes artificiels construits par l’homme entraîne autant de déplacements potentiels (réfugiés climatiques) que de changement dans la gestion des infrastructures des sociétés numérisées. Celles-ci ont autant besoin de ressources naturelles pour survivre que d’individus pour gérer les machines qui les font fonctionner.
Au final, comme l’économie est un sous-ensemble de l’environnement, si ce dernier se trouve modifié, l’économie subit des troubles qui peuvent être violents.
L’Histoire nous a appris que le passage à l’acte d’un phénomène révolutionnaire s’appuie en partie sur la non-satisfaction des besoins primaires des individus. Le détournement d’un cours d’eau vers un barrage hydro-électrique provoque un assèchement de terres arables (l’Egypte, depuis la construction du barrage d’Assouan, est devenu le 1er importateur de blé au monde). La modification des territoires devient un enjeu stratégique, une cible, un paramètre de la sécurité des pays.
C’est à cause de tout cela que de nouveaux concepts de gestion émergent comme l’éco-TIC, l’éco-conception, le « Green IT », l’informatique durable. L’éco-TIC a été défini par le journal officiel du 12 juillet 2009 comme « éco-techniques de l’information et de la communication ». L’informatique durable est l’ensemble des techniques visant à réduire l’empreinte sociale, économique et environnementale du numérique, comme par exemple le recyclage de l’air informatique produit par les machines, sans appel d’air extérieur. Ces concepts intègrent, dans la conception et la réalisation d’outils et d’infrastructures de la cyber-guerre, des méthodes liées aux mécanismes naturels.
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Publié le 23 mars 2020
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(*) Jamel Metmati, auditeur de l’IHEDN, est ingénieur cybersécurité au sein de l’institut des mines Télécom Paris Tech. Il est membre de la « Science and Information Organization », de la « Neuroscience of Consciousness » et de la « Oxford Academic ». Il traite des méthodes d’ingénierie numériques appliquées au contexte politique, économique et social, dont les principaux thèmes apparaissent dans son ouvrage « la Force Numérique », aux éditions Harmattan présenté dans notre rubrique LIVRES
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