GRU :
Maladresses et lourdes menaces

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Etienne Durant (*)
Etudiant en Relations Internationales et Politique

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Il est rare de pouvoir étudier le GRU, le renseignement militaire russe, qui d’ailleurs s’appelle officiellement depuis 2010 le GU. Mais le nouveau nom n’est pas entré dans les mœurs. L’auteur nous dévoile ici un aperçu de ce GRU,  un organisme peu connu, dont les 104 ans d’existence ont été rythmés par les aléas de l’équilibre des pouvoirs, en Union soviétique comme dans la Russie d’aujourd’hui. Il semblerait que malgré bien des déconvenues, il demeure une incarnation fidèle du régime russe.
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La direction générale des renseignements russes (GRU) a récemment fait parler d’elle, en juin dernier, lorsqu’un de ces espions, sous la fausse identité d’un stagiaire, a tenté d’infiltrer la Cour Pénale Internationale, actuellement chargée d’enquêter sur les crimes de guerre en Ukraine. Ce n’est pas la première fois que l’organisation est démasquée en plein délit d’espionnage. Auparavant plus discrète que son grand frère le FSB, il lui arrive aujourd’hui d’occuper le haut de l’affiche.

Le GRU a été créé en 1918, pour assouvir la volonté de l’Armée Rouge de constituer une opposition à la Tcheka de Lénine. Sa mission était de défendre l’État et il a mené, dès sa création, des actions à l’internationale.

Des réformes, des hauts, des bas

Semyon Ivanovich Aralov a été le premier chef du GRU.
Cette photo date du 31 mars 1922

En 1942, Staline décide de réformer l’organisation en s’inspirant du modèle de la CIA. Le GRU a dès lors pour vocation de récolter des renseignements militaires. Mais le KGB effectue lui aussi ce travail de recherche, créant ainsi une rivalité entre les deux corps.

Le GRU est spécialisé dans l’espionnage, c’est lui qui a découvert les travaux américains sur la bombe atomique. Mais il serait également responsable de diverses tentatives d’assassinats, comme celle de Jean-Paul II en 1981. Le GRU se distingue des autres agences de renseignement par le fait qu’il s’agit de la seule organisation dont la structure est restée intacte après l’effondrement de l’URSS.

Dans l’ombre du FSB, le GRU est perçu comme plus discret, moins politisé mais aussi moins brutal dans sa manière d’agir. Il est organisé en plusieurs directions, dont quatre se focalisent dans le renseignement humain et s’attachent à suivre les centaines d’officiers de renseignement positionnés en Russie et à l’étranger. Il dispose en outre d’environ 200 agents de terrain (les espions), dont une vingtaine de tueurs. Il dispose également d’un corps de troupes d’élite appelé les « Spetznaz » (au moins 10 000 hommes selon plusieurs sources, répartis en plusieurs brigades). Le dirigeant du GRU possède un grade élevé (général d’armée le plus souvent).

Cependant, les desseins expansionnistes de la Russie ont favorisé un déclin puis une recrue de notoriété du GRU. Le manque d’anticipation sur la capacité de la résistance géorgienne, et plusieurs erreurs de jugement durant le conflit de 2008, l’ont mis en position de faiblesse. Puis, en 2014, le GRU est remonté dans l’estime du Kremlin en jouant un rôle déterminant dans l’annexion de la Crimée. Il dépasserait aujourd’hui les autres agences de renseignement en termes de crédibilité.

Le GRU montre qu’il a la  capacité de porter atteinte à la sécurité des autres pays, en étant présent sur leur sol. Mais il a également pour rôle de réparer les erreurs potentielles commises par la puissance Russe.

Méthodes, moyens et polémiques
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Le GRU s’est rendu célèbre à de nombreuses reprises pour ses actions en Occident, démasquées relativement facilement. De l’empoisonnement de l’ex-espion Sergeï Skripal au Royaume-Uni en 2012, au piratage du parti démocrate durant la campagne présidentielle de 2016 aux Etats-Unis,  en passant par le brigandage de l’Agence mondiale anti-dopage, les maladresses se sont enchainées. L’expert militaire russe Pavel Felgenhauer considère ces dernières comme le reflet d’un retard numérique de la Russie. L’Occident aurait donc davantage de moyens pour prévenir et dénoncer ces attaques. La dernière arrestation de l’espion stagiaire à la CPI le prouve. Le GRU se retrouve ainsi face à une forte exposition sur la scène médiatique, bien gênante pour la discrétion exigée dans un « service secret ».

Comme l’ensemble des agences de renseignements russes, le GRU a régulièrement recours à l’emprisonnement, au sabotage, à la désinformation, aux fausses identités à l’étranger et aux cyberattaques (il est accusé d’être derrière le groupe Fancy Bears). Il est également impliqué dans des conflits internationaux : par exemple, les Spetznaz étaient en première ligne lors de l’invasion de la Crimée en 2014.

Wladimir Poutine félicitant des vétérans du GRU, à l’occasion des cent ans de la « direction générale des renseignements de l’état-major des armée ».
Photo Kremlin RU

On note donc que le GRU est polyvalent, si bien que ses dirigeants ne s’accordent pas de manière linéaire sur les objectifs. Valentin Korabelnikov définit le GRU comme devant « résoudre des tâches purement pratiques en utilisant ses propres méthodes », tandis qu’Alexandre Chliakhtourov affirme qu’il doit « découvrir les menaces contre les intérêts nationaux et la sécurité militaire de la Russie ».

Le GRU présent à tous niveaux
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Les signaux lancés par le GRU à l’Occident démontrent une hostilité certaine et croissante, qui se caractérise par des piratages informatiques mais aussi par un rôle prédominant dans les guerres (Tchétchénie, Géorgie, Crimée et Ukraine). Les attaques se font de plus en plus directes, comme l’explosion d’un dépôt de munition tchèque à destination de l’Ukraine en 2014. Le sabotage politique, informatique et diplomatique oblige à plusieurs reprises les grandes institutions mondiales à révoquer des diplomates russes.

Au point qu’en 2021 les relations entre l’OTAN et la Russie sont complètement suspendues, coupant toutes voies de négociation. Et comme la politique d’élargissement de l’OTAN hérisse la Russie, qui cherche à conserver une influence au sein de son étranger proche, le GRU apporte toute son aide aux groupes séparatistes des anciennes républiques soviétiques.

Le GRU n’hésite plus à attaquer des ressortissants européens comme Emilian Guebrev, un marchand de canons bulgare qui cherchait à faire parvenir des armes à l’Ukraine. La réponse occidentale se manifeste par l’expulsion de diplomates russes, par la dénonciation publique du GRU, mais surtout par un investissement défensif afin de prévenir ces offensives devenues récurrentes.

Le GRU est passé depuis sa création du rôle de simple agence de renseignements à une institution qui a su devenir indispensable au Kremlin, notamment lors de ses expéditions militaires.

 

Légende bandeau de l’article : Le siège du GRU est situé à 11 kilomètres du centre de Moscou, dans le district de khoroskovsky ;


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(*) Etienne Durant est étudiant Relations Internationales et Politiques à Paris. 


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