TALIBANS,
NOUVEL ARSENAL,
NOUVELLES DONNES

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Jean-Pierre Ferey (*)
Journaliste
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n quittant le territoire afghan, dans la nuit du 30 au 31 août, les soldats américains ont laissé sur le tarmac de KIA (Kaboul International Airport) des avions, des blindés et des véhicules. Ils affirment les avoir rendus hors d’usage avant de partir. Il faut les croire, aucun argument nous permet d’en douter.

Mais qu’en est-il de l’ANA, l’Armée Nationale Afghane ? Elle avait été entièrement équipée par les USA. Dans sa débâcle, elle a abandonné une quantité incroyable de matériels. Pas une seule déclaration des ex-autorités, pas une seule information, pas un seul témoignage ne fait état de la destruction de ces équipements. Il est donc légitime de penser que les Talibans les ont récupérés. Ils ne se privent d’ailleurs pas de se pavaner à bord de Humvees ou de blindés qui arborent encore les emblêmes de l’ANA.

En juillet 2021, les forces armées afghanes comptaient officiellement 300 699 hommes, dont 182 071 militaires des armées de terre et de l’air, et 118 628 policiers ou miliciens de divers unités de sécurite para-militaires. Ces chiffres sont à relativiser, car nombre d’officiers gonflaient artificiellement leurs effectifs, afin d’augmenter les subventions que leur versaient les Américains, des subventions qui allaient évidemment dans la poche de ces officiers.

L’Afghanistan avait une armée de l’air, qui mettait en œuvre 154 aéronefs (45 avions et 109 hélicoptères, dont 33 d’origine russe). Il est vraisemblable que les Talibans ne savent pas piloter ces engins. Mais les terroristes qui ont perpétré les attentats sur les Twin Towers de New-York prouvent que les islamistes intégristes apprennent vite.

Le tableau ci-dessous recense en détail les matériels fournis par les Américains à l’armée afghane. Ce comptage a été publié par le Times et le Sunday Times.

Ces chiffres nous laissent pantois. Il est ahurissant que les Américains n’aient pas veillé à la destruction de ces équipements avant leur départ. C’est une preuve irréfutable de la précipitation et de l’improvisation qui ont marqué leur abandon. Et une belle épine qui reste dans la gorge des Occidentaux. Les informations en provenance de Kaboul ne vont certes pas apaiser l’amertume.

Le Qatar et la Turquie à la manœuvre 

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Après le départ des derniers Américains, le premier avion à se poser à Kaboul, le 1er septembre, a été un C-17A des forces aériennes qataries. Il transportait, à la demande des talibans, des militaires et des techniciens chargés d’aider à la réouverture de l’aéroport.

Le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, a confirmé l’information dans une interview accordée au quotidien italien La Repubblica : « Le Qatar et la Turquie vont travailler au redémarrage de l’aéroport », a-t-il déclaré. « Dans les trois prochains jours, tout sera enfin propre et dans peu de temps, tout sera reconstruit. J’espère qu’il sera de nouveau opérationnel en septembre ».

La Turquie entend bien garder une influence en Afghanistan, et du même coup en Asie centrale. Pour cela, elle compte sur l’entremise d’un de ses plus proches alliés, le Qatar, lui-même interlocuteur privilégie des talibans. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, ne s’en cache pas : «  Maintenant, les talibans et certains pays demandent à coopérer avec nous. Nous évaluons tout cela », a-t-il précisé.

Un C 17 Globemaster III
aux cocardes qataries.
Photo DR

Pascal Lagneau, dans la lettre Opex 360 , livre une information sensible. Le 3 septembre, via les sites de suivi du trafic aérien, deux avions de transport militaire turcs A400M [indicatifs : TUAF740 et TUAF741] ont été repérés en direction de Kaboul. Même chose pour un autre C-17A qatari.

Si l’on en croit le même Zabihullah Mujahid, c’est Pékin qui va sortir gagnant du grand « chamboultout » afghan : « La Chine est notre principal partenaire et représente pour nous une opportunité fondamentale et extraordinaire car elle est prête à investir et à reconnaître notre pays. Nous sommes très attachés au projet des nouvelles routes de la soie. Nous avons aussi des mines de cuivre qui, grâce aux Chinois, vont pouvoir reprendre vie et se moderniser. Enfin, la Chine est notre passeport vers les marchés du monde entier », a-t-il dit sans fard.

La Russie ne sera pas en reste, toujours selon le porte-parole taleb, décidemment très bavard : « nous continuons d’entretenir d’excellentes relations avec un partenaire aussi important et fondamental pour la région qu’est la Russie. Les relations avec Moscou sont principalement politiques et économiques », a-t-il souligné.

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(*) Jean-Pierre Ferey a mené pendant quarante ans une carrière de journaliste de télévision, où il a longtemps été spécialisé sur les questions de géopolitique et les affaires militaires. Auditeur de l’IHEDN (42° session nationale), il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « les héros anonymes de l’été 44 » aux éditions du Rocher. Il est secrétaire de la rédaction d’ESPRITSURCOUF.

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