Le transgenrisme
à l’étude
(2ème partie)
Paule Nathan
Docteur en médecine
Karine Vuillemin
Docteur en droit
Cet article fait suite à un premier volet paru dans le N°223, en octobre dernier. Les auteurs insistent, ici, sur les dangers de l’autodétermination du genre chez les enfants.
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Au-delà de la vision de l’humanité augmentée prônée par les transhumanistes, le principe quasi universel de l’autodétermination sert de base aux personnes qui pensent que le changement de sexe leur sera favorable.
Quid de cette autodétermination quand il s’agit d’enfants prépubères, donc d’êtres humains en cours de maturité qui, par définition, doivent être protégés, d’une part, par la loi et notamment par leur statut juridique de mineur, et d’autre part, en principe par le monde des adultes : parents, famille, éducateurs, enseignants, médecins, ce qui ne semble plus toujours le cas ?
Du néolibéralisme à la société de consommation des possibles
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Dans son livre « La société de régression : le communautarisme à l’assaut de l’individu » (éditions de l’Aube) le Professeur Aimar explique qu’« Il y a un communautarisme religieux, mais aussi un communautarisme familial, de genre, un communautarisme national, etc. (…) Les motivations, les goûts, les valeurs, les trajectoires individuelles sont aussi divers à l’intérieur qu’à l’extérieur de ces prétendues « communautés ».
De leur côté, la médecine et la science ont fait des pas de géant sur la connaissance du corps humain permettant des greffes d’organes au prix d’un traitement à vie de médicaments anti-rejet, que les patients acceptent en connaissance de cause, pour éviter une destruction du greffon. Se pose donc toujours la question du consentement, sauf cas d’urgence vitale.
De nos jours, le marché néo libéral pourrait soi-disant combler tous les désirs, y compris celui impossible de vouloir changer de sexe dès le plus jeune âge. Les progrès médicaux ont rendu possible la prise de bloqueur de puberté, d’hormones ou/et la chirurgie mutilatrice.
Le philosophe Dany-Robert Dufour alerte sur le fait que le changement de genre, cheval de Troie du sexe, devient une offre marchande. Si on peut osciller d’un genre à un autre comme Simone de Beauvoir, aucun traitement ou acte chirurgical ne peut véritablement changer le sexe chromosomique d’un humain, contrairement au changement de sexe à l’état civil, possible plusieurs fois dans une vie, à commencer par le changement de prénom facilité depuis la loi du 22 mars 2022.
Les personnes transsexuelles d’hier le savent bien : sans nécessairement regretter leurs opérations, elles ne se sentent pas forcément mieux dans leur nouvelle identité. Les transformations physiques et la stérilité sont souvent irréversibles, ce que témoignent les jeunes qui tentent de faire le chemin inverse, regrettant leur transition. Ils commencent à parler pour alerter la société[i].
Malgré ces alertes, on note une demande exponentielle des transitions de genre, sociales, administratives ou médicales. Entre 2013 et 2020, il y avait en France 37 fois plus de prises en charge médicale en affection de longue durée pour transidentité avec 100 % des coûts supportés par la sécurité sociale. La majorité des candidats à la transition sont des filles (FtoM) [ii]. Avant 2000, c’était majoritairement des garçons (MtoF). Le service spécialisé de la Pitié Salpêtrière a reçu, en 2016, 64 % de FtoM parmi les nouveaux patients[iii]. Or, 80 % des mineurs ne souffrent que d’une dysphorie du genre passagère.
Plus préoccupantes sont les demandes émanant d’enfants vulnérables, autistes[iv] etc. qui n’ont pas atteint la maturité de l’âge adulte et qu’on pousse sur le seul chemin de la transition, inconnu pour eux, risquant in fine d’obérer leur avenir et leur vie d’adulte.
L’autodétermination n’est pas consentie de manière éclairée à un changement degenre
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La notion d’autodétermination découle d’un principe de droit international, forgé lors des processus de décolonisation : les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes conformément à l’article 1-2 de la Charte des Nations Unies.
Or, la théorie de l’autodétermination de l’individu créée par Messieurs Deci et Ryan dans les années 1980 veut nous faire croire que chaque individu peut exercer un droit propre de gouverner sa vie sans influence externe et à la juste mesure de ses capacités. Ce qui dans les faits est irréaliste. La Haute Autorité de santé (HAS), pour sa part, reconnaît que pour les personnes présentant un trouble du développement intellectuel, l’autodétermination n’est pas innée et nécessite un accompagnement et un apprentissage sur ses caractéristiques et sur son application dans la vie quotidienne[v].
Depuis les années 2000, Judith Butler, professeure à Berkley, fer de lance de la théorie queer, défend la croyance quasi-religieuse que la construction sociale du genre supplanterait le sexe chromosomique dans la définition de l’identité d’une personne. Selon cette idéologie basée sur le psychisme, le ressenti et l’imaginaire, l’individu devrait s’autodéterminer, s’autodéfinir dans son genre dès la plus petite enfance dans un total déni scientifique des processus de développement psychique de l’enfant.
En droit français, tout acte d’un être humain doit être consenti librement et de manière éclairée, donc sans dol (mensonge ou supercherie), sans violence et même sans erreur (se tromper sur l’objet du consentement suite à une erreur ou incompréhension). Comment un mineur non émancipé, incapable juridiquement et sans droit civique, pourrait-il donc consentir seul à sa prise en charge médicale pour changer de genre (traitement, opération, etc)?
La Convention sur les droits de l’homme, celle de la biomédecine et l’article 3-2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne font expressément référence au consentement au titre des droits reconnus. Les articles 3 et 12 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant de 1989 reconnaissent à l’enfant le droit d’être écouté et de participer aux décisions qui le concernent. Ce droit doit être appréhendé in concerto, par rapport à la maturité intellectuelle, à la capacité de discernement de l’enfant et dans l’intérêt supérieur de ce dernier. Si tel n’est pas le cas, les titulaires de l’autorité parentale devront décider à sa place, ou, le cas échéant, l’aider à décider en toute liberté une fois les enjeux compris et assimilés par le mineur.
L’enfant a des droits qu’il faut respecter. Mais les sciences du corps et de la neurologie nous ont appris que l’enfant est « un être en construction » même au-delà de sa majorité jusqu’à 25 ans. Le statut de mineur comme celui de majeur protégé est un dispositif de protection et non de sanction. L’article 389-3 du code civil dispose que son administrateur légal le représente dans tous les actes civils, sauf pour les cas où la loi ou l’usage l’autorise à agir seul. Selon son âge et sa maturité, le mineur peut accomplir des actes de la vie courante comme acheter du pain ou prendre un transport en commun. Mais il n’est pas autorisé à agir seul pour souscrire un compte bancaire, acheter une voiture ou un appartement. L’autorité parentale mise en place par le législateur est donc là pour veiller à l’éducation mais aussi éviter les mises en danger de son enfant sur le plan financier, de la santé…
L’enfant, dans un corps sain qu’il n’aime pas, n’est pas en capacité juridique de consentir seul à une transition qui va impacter possiblement et négativement toute sa vie future. Des parents désorientés accèdent à la transition de leur enfant par méconnaissance et isolement et surtout, depuis la loi du 31 janvier 2022, par peur d’être sanctionnés pour entrave au ressenti de genre de leur enfant. Or, conforter son enfant dans une mauvaise décision, prise trop précocement est aussi punissable par la même loi, même si celle ci semble ambigüe dans son interprétation. Dans l’un et l’autre cas, on peut être en présence de conversion encouragée sinon forcée.
Les adolescents en mal d’être, à l’âge où la voix, le corps, la pilosité se transforment souffrent à l’évidence. Mais peu souffrent d’une véritable dysphorie du genre, qui se définit, comme la souffrance due à une incongruence très marquée du genre et mal vécue de se ressentir dans le sexe opposé à celui constaté à la naissance.
La pandémie de la COVID-19 a révélé la fragilité psychologique et psychique des mineurs, mettant en lumière les différentes causes de leurs souffrance. Selon la Direction de la recherche, des études de l’évaluation statistiques du ministère de la santé (20/06/2023), près d’1 enfant sur 6 a eu besoin de soins de santé mentale entre mars 2020 et juillet 2021 : 12% des 3-17 ans ont consulté pour motif psychologique.
Une transition de genre, en fait de sexe, comporte de nombreux risques chirurgicaux, pré et post opératoires. Ses effets peuvent être irréversibles et impacter durablement la santé, la vie sociale, sexuelle et affective du mineur devenu adulte. La HAS pointe aussi une plus grande fragilité des personnes transgenres (Infection sexuelles, addictions…)[VI].
Les dangers de transition précoces par bloqueurs de puberté ou chirurgie
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Les mineurs et leurs parents devraient être informés que les bloqueurs de puberté peuvent rendre plus difficiles les chirurgies de changement de sexe « notamment la reconstruction vaginale chez les filles trans par la technique d’inversion de la peau du pénis, technique actuellement la plus couramment utilisée pour la muqueuse vaginale, qui pourrait être compromise par l’arrêt de croissance du pénis et de son impact sur la fertilité et des possibilités de préservation de celle-ci. »
Les effets secondaires à long terme, contrairement aux indications de traitement pour puberté précoce, sont encore mal connus du grand public. Or, on sait désormais que l’hormonothérapie de transition, fréquemment dispensée hors Autorisation de Mise sur le Marché est partiellement irréversible et peut causer des dommages totalement irréversibles.
Pourquoi devrait-on priver ces jeunes du statut protecteur de la minorité, au nom d’une autodétermination jusqu’au boutisme, en mettant en œuvre la transition sociale et/ou médicale qu’ils revendiquent alors qu’ils n’ont pas la capacité de mesurer la portée de leurs actes? Bien qu‘inaudibles pour la communauté LGBT+, des jeunes disent regretter la transition qu’ils ont néanmoins réclamée, pendant leur enfance ou leur adolescence, avec force (jusqu’à menacer de se suicider pour arracher l’accord de leurs parents). Ces jeunes « détransitionneurs » appellent aujourd’hui les adultes à plus de prudence pour les nouvelles générations et à prendre en compte les retours en arrière des pays comme la Suède[vi].
Après 1968, les libertaires ont fait croire aux désirs individuels et à la chimère de « l’homme tout puissant » avec la sexualité des enfants. On a vu 50 ans plus tard les ravages sur les jeunes victimes devenues adultes de ce que l’on ose enfin nommer « pédocriminalité » et réprimée par la loi du 21 avril 2021.
Ces derniers mois, la Suède et la Finlande qui, dans les années 1970 ont inscrit le changement de sexe à l’état civil et des parcours très encadrés de transition jusqu’aux opérations pour les transsexuels, reviennent en arrière à propos des enfants. Face à la vague de demandes explosive d’adolescents dont plus des 2/3 sont des filles, ils ont changé leurs protocoles pour protéger cette jeunesse immature en la matière qu’on le veuille ou non.
En mars 2022, l’hôpital Karolinska de Stockholm, en pointe dans les traitements « transgenres », annonçait qu’il ne dispenserait plus de traitements hormonaux aux mineurs. La Finlande privilégie dorénavant la thérapie psychologique pour les mineurs, qui une fois adultes seront à même de savoir s’ils veulent ou non « transiter ». En Suisse le Grand Conseil bernois a décidé fin 2023 de n’autoriser « les interventions de nature irréversible destinées à un changement de sexe » qu’aux personnes majeures.
[i] Charlie Hebdo.fr Détransition : « Un tabou chez les militants LGBT ».Laure Daussy. Mis en ligne le 3 décembre 2021. Paru dans l’édition 1532 du 1 décembre 2021.
[ii] pour transition de Féminin vers Masculin.
[iii] N. Mendes, C . Lagrande, A. Condat, La dysphorie de genre chez l’enfant et l’adolescent : revue de littérature, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2016) 64, 240-254
[iv] « Nous sommes inquiets de la surreprésentation de jeunes autistes et TDAH se déclarant transgenres et souhaitant faire une transition ». Site Autisme Info Service. Transidentité, autisme et autres TND chez les mineurs : d’abord ne pas nuire. Samedi 18/02/2023
[v] HAS. Recommandation : L’accompagnement de la personne présentant un trouble du développement intellectuel. Volet 1. Autodétermination, participation et citoyenneté. 5 juillet 2022.
[vi] HAS. Parcours de transition des personnes transgenres. Septembre 2022.
[vii] Article publié sur le site de la RTS le 27 juin 2021 intitulé « La Suède freine sur la question du changement de sexe des mineurs ».
(*) Paule Nathan, Docteur en Médecine, Endocrinologue, Présidente de la Section Avenirs de Femmes de l’Association Nationale des Auditeurs Sécurité- Justice. | |
(*) Karine Vuillemin, Docteur en Droit, Vice Présidente d’honneur de l’AFDD, Secrétaire Générale de la Section Avenirs de Femmes de l’Association Nationale des Auditeurs Sécurité-Justice |
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