BICENTENAIRE de NAPOLEON : Polémiques

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André Dulou, le Conseiller Mémoire et Patrimoine d’ESPRITSURCOUF attire notre attention cette semaine sur le bicentenaire de l’Empereur Napoléon 1er :
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Peut-on réécrire une œuvre qui emplit encore notre culture, notre stratégie, notre économie, et surtout la valeur de notre société ?

A une époque, où l’on semble pouvoir tout dire, tout écrire, et où l’on évoque pêle-mêle des idées et leur contraire, souvent dans des textes d’auteurs autoproclamés comme se livrant à des « études sérieuses », voilà que nous célébrons la mort d’un personnage hors du commun, héros d’une République naissante, général vainqueur de campagnes insolites et Empereur d’une France dont la culture a été portée aussi loin qu’Alexandre l’avait fait pour la culture de son pays.

Les détracteurs de cette œuvre qui tient de la démesure dans tous les domaines nous incite à regarder ce qu’on lui reproche, pour mieux prendre conscience de ce qu’il nous a donné en héritage, pour qu’à notre tour, sans vouloir une ambition aussi prégnante, nous puissions nous inspirer sans remords d’une infime partie de cette œuvre, afin de comprendre, de connaître et de savourer les apports considérables d’une culture napoléonienne dont les moindres détails nous permettent aujourd’hui de conclure « c’est toujours un grand ».

Alors que les commémorations du bicentenaire de la mort de Napoléon 1er se sont tenues sous la présidence de Monsieur Emmanuel Macron le 5 mai, défenseurs et détracteurs de l’Empereur mènent un combat acharné sur le champ de bataille mémoriel.
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Polémiques « hystériques » autour de l’action de Napoléon.

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Éléments d’analyse de David Chanteranne(*), historien spécialiste de Napoléon.

Plus de 200 ans après la célèbre bataille d’Austerlitz, chef d’œuvre tactique durant lequel il a battu les armées russes et autrichiennes, Napoléon Bonaparte fascine toujours autant et cristallise les passions. Des centaines de milliers d’ouvrages ont été publiés sur celui qui est l’un des personnages historiques les plus consultés sur Google.

En ces temps de repentance mémorielle et de «cancel culture», l’Empereur n’échappe pas aux foudres des anticolonialistes, antimilitaristes et mêmes féministes, qui se liguent pour descendre en flèche sa mémoire. Le débat est plus enflammé que jamais.

Françoise Vergès, politologue et militante féministe, a qualifié le premier Empereur français de «raciste, sexiste, despotique, militariste et colonisateur» dans les colonnes du Parisien. Même à droite, il est critiqué: «ses rêves de grandeur ont entraîné bien de malheurs», selon l’ancien président du Conseil constitutionnel, JeanLouis Debré.

Nous rappellerons plus loin les mêmes polémiques liées au bicentenaire d’Austerlitz en 2004 et quelques institutions créées par Napoléon.

Pourquoi ces polémiques

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L’auteur ne comprend pas ces polémiques, mais il cherche à les expliquer : «On se sert de Napoléon comme d’une sorte d’effigie. Ceux qui veulent glorifier l’histoire nationale l’utilisent comme un héraut de l’action politique. Ses détracteurs se servent de lui pour attiser la haine et motiver le désintérêt pour l’Histoire et le roman national».

Napoléon est «une sorte de catalyseur» qui permet à chacun de déverser sa passion ou son fiel. Et «il n’est pas là pour se défendre».
Plutôt que les éclatantes victoires militairesqui ont fait la grandeur de la France, comme Iéna et Wagram, ou la création du Codecivil, qui reste la base du droit français, les détracteurs de Napoléon préfèrent souligner ses zones d’ombre. Ils lui reprochent «la fin de la République» avec le coup d’État du 18
brumaire 1799, les immenses pertes dans les rangs de la Grande armée –«plus d’un million de morts rien qu’en France» selon le journaliste Laurent Joffrin– ou encore la répudiation de Joséphine, incapable de lui donner un héritier.
Le rétablissement de l’esclavage en mai 1802 reste pour beaucoup de ses critiques le plus grand crime du stratège corse. «Ce n’est pas une tâche ni une faute, c’est un crime et même un double crime», a lancé au Parisien Louis-Georges Tin, président d’honneur du CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France). Laurent Joffrin estime quant à lui qu’il s’agit
d’une «grande trahison».
«Au vu de son œuvre considérable, il y a forcément des points sombres qu’il faut replacer dans l’époque pour les comprendre. Le rétablissement en 1802 de l’esclavage? Les historiens en parlent depuis des décennies. Personne ne s’en cache. Personne n’excuse. Mais il y a des gens qui préfèrent la polémique mémorielle à l’Histoire», se désole dans les colonnes du Figaro Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon.
«Pour ce qui est du jugement moral, il convient évidemment d’établir la responsabilité de Napoléon, qui a commis une faute grave. Je pense que tous les historiens sont d’accord sur ce point.»

En revanche, il faut analyser cette décision dans son contexte. «Rappelons qu’à l’époque, l’esclavage était établi quasiment partout, même aux États-Unis, pourtant une démocratie moderne. Thomas Jefferson avait des esclaves qui travaillaient dans ses plantations. Napoléon, même en tant qu’homme des Lumières, a fait ce choix pour des raisons d’ordre et de structure de la société et non en fonction de ses propres pensées».

L’historien rappelle qu’après son retour au pouvoir en 1815, Napoléon a aboli la traite des noirs.

Le rôle de l’historien

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L’historien n’est pas là pour apporter des jugements de valeur, mais pour recontextualiser et présenter au public la façon dont les choses se sont déroulées. «Qu’il se fasse ensuite sa propre opinion».
«L’esclavage, son art de la guerre, son ambition démesurée, tout ce qu’il a fait de positif sur les institutions, ses bonnes et mauvaises décisions politiques, tout doit être présenté au public »

L’action de l’Empereur se place dans un certain contexte historique: celui de la France républicaine entourée de monarchies féodales qui l’attaquent. «On ne peut analyser cela avec les critères d’aujourd’hui».
Et c’est là bien tout le problème pour l’historien: «Un certain public ne traite que de questions morales, alors qu’il faut comprendre l’Histoire non pas avec les critères et les jugements de notre temps, mais bien avec ceux de l’époque étudiée.»
«On ne peut plus du tout parler et d’histoire et travailler un sujet sans avoir les jugements de valeurs d’aujourd’hui. Si on part de ce principe, on ne traitera plus de la guerre de Cent Ans ou des deux conflits mondiaux».
La question de Napoléon dépasse le cadre de l’Histoire pour devenir un enjeu de société.

«Si Napoléon est encore si présent, c’est que l’on vit encore avec son héritage, qu’on le veuille ou non. Que ceux qui le répudient et ont reçu la Légion d’honneur la rendent!».

(*) David Chanteranne est l’auteur de nombreux livres sur l’Empereur, entre autres, «Les douze morts de Napoléon», éditions Passés Composés, le 3 mars est parue une anthologie « Napoléon, les derniers témoins racontent » aux éditions du Rocher sous sa direction, rédacteur en chef de la revue «Napoléon Ier, Revue du Souvenir napoléonien».
Il est conservateur du musée Napoléon de Brienne-le-Château.

Le président de la République Emmanuel Macron ce 5 mai 2021 à 15h a prononcé un discours à l’Institut de France « en regardant l’Histoire en face, sans déni, ni repentance ni hagiographie »il a évoqué l’ensemble de l’héritage laissé par Napoléon Ier, n’oubliant ni les bonnes ni les mauvaises actions de l’Empereur.
Il a participé à cette cérémonie de commémoration en compagnie d’académiciens et de lycéens.
accompagné de la ministre des Armées Florence Parly, du chef d’état-major des Armées François Lecointre et de Jean-Christophe Napoléon Bonaparte, membre de l’illustre famille. Après son allocution, Emmanuel Macron a déposé à 17h49 (heure du décès de Napoléon) une gerbe au pied du tombeau de l’Empereur aux Invalides.
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Notes de la rédaction :

Déjà en 2004 il y avait eu une polémique autour des célébrations du bicentenaire de la bataille d’Austerlitz.
Le président français, Jacques Chirac, et son gouvernement ont été accusés dans leurs propres rangs et par des historiens de refuser d’assumer le passé du pays, en « boycottant » les cérémonies marquant, le 2 décembre, le bicentenaire de la victoire de Napoléon à Austerlitz.

Alors que des milliers d’admirateurs de Napoléon se retrouvaient en République tchèque pour revivre sur place la bataille d’Austerlitz, considérée comme la plus grande victoire militaire de l’empereur, la France célébrait l’événement dans la discrétion et la polémique.

La seule cérémonie officielle organisée en France a eu lieu place Vendôme, à Paris. Mais ni le chef de l’État Jacques Chirac, ni le premier ministre Dominique de Villepin n’y ont assisté. Seule la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a participé à une cérémonie, mais en République tchèque.

A l’invitation du chef d’état-major de l’armée de terre Bernard Thorette, de la Saint-Cyrienne et du Comité Vendôme, cette manifestation accueillait des représentants de toute l’Union européenne, de la Russie et des Etats-Unis.

Les critiques les plus virulentes ont accusé le gouvernement de céder aux pressions du « politiquement correct » à un moment où le passé colonial de la France reste un sujet de vives polémiques.

Ces critiques ont reçu un appui de poids, par la voix d’Emmanuel Le Roy Ladurie, un des historiens les plus respectés de France. Dans une tribune publiée par le quotidien Le Figaro sous le titre « Napoléon boycotté, l’Histoire amputée », il accuse le gouvernement d’avoir cédé à la « pression venue d’outre-mer ». « Cela peut aller très loin : devra-t-on, à l’avenir, interdire tout
anniversaire concernant les actions des rois de France, de Louis XIII à Louis-Philippe, pour la seule raison qu’ils furent eux aussi complices de l’esclavage ? », interroge-t-il.

A l’inverse, plusieurs associations d’outre-mer avaient déjà appelé à manifester «contre le révisionnisme historique ». Selon elles, « sous prétexte de ce bicentenaire, la promotion de Napoléon a dépassé les limites du supportable ». Leur appel a coïncidé avec la publication d’un virulent essai qui a reçu un large écho en France et dont l’auteur, Claude Ribbe, compare Napoléon à Hitler pour avoir « exterminé » des populations entières sur des critères raciaux, en particulier dans les Antilles.

PARMI LES ŒUVRES DE NAPOLEON : quelques institutions
– 1799 : Le Sénat, La liberté de culte
– 1800 : Banque de France, Corps préfectoral, Départements, Arrondissements, Cantons, Municipalités, Archives nationales, Trésor public
– 1801 : Concordat, Régime de retraites pour les fonctionnaires
– 1802 : Lycée, Saint Cyr, Polytechnique, École normale, Légion d’honneur, Chambre de commerce
– 1803 : le franc germinal
– 1804 : Cour d’appel, Code civil
– 1806 : Les Prud’hommes, l’Université, l’Arc de Triomphe de l’Etoile
– 1807 : La Bourse, la Cour des comptes, le Code du commerce, le code pénal, le cadastre, le Baccalauréat
– 1810 : La Cour d’assise, l’ordre des avocats, les Pompiers de Paris

 

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