BRÉSIL :
CONTRE LA CRIMINALITÉ
ET LA CORRUPTION,
DES SUCCÈS POUR BOLSONARO.


Bruno RACOUCHOT et Nicolas DOLO (*)


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Un an tout juste après l’élection de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil, et trois trimestres après sa prise de fonction, les critiques continuent de pleuvoir à l’encontre de celui dont la principale promesse de campagne était de remettre le pays en ordre. Décrié par l’essentiel de la presse brésilienne et internationale comme autoritaire, puis paradoxalement jugé inefficace voire apathique, le nouveau gouvernement a pourtant obtenu des succès significatifs dans les domaines de la sécurité et de la corruption publiques.

Baisse d’une criminalité…

Au niveau national, le Brésil a en effet connu au premier semestre 2019 une chute considérable de 22% des homicides, de 25% des vols de fret, ou encore de 26% des car-jackings.
Sur la même période, la Police fédérale et les polices d’États ont enregistré des saisies record de drogue et d’armes lourdes. Dans plusieurs États du Nordeste, ultra-criminogènes, les chiffres des homicides sont encore plus spectaculaires : moins 36% dans le Rio Grande do Norte, et jusqu’à moins 58% dans le Ceara. L’opération du Lava Jato, la plus grande enquête jamais menée au monde en matière de corruption publique, se poursuit, laborieusement mais sûrement, tandis que l’ouverture des caisses noires de nombreuses institutions et agences fédérales, dont celles de la Banque Nationale de Développement, n’en finit pas de révéler l’immense ampleur des turpitudes de tout un système.

…inscrite en profondeur dans le pays


Le fait est que le pays partait de très loin, avec un taux d’homicide de 31 pour 100.000 habitants et des pointes au-dessus de 70 pour 100.000 dans certaines zones du Nordeste, des détournements de fonds absolument pharaoniques (dans le cadre du Lava Jato, la Police fédérale a étudié des mouvements de fonds qui dépassent déjà les 2.800 milliards d’euros, soit environ le PIB de la France), un faramineux coût économique de la violence (près de 6% du PIB, soit plus de 100 milliards d’euros), et plus de 70 grandes factions criminelles regroupant au bas mot 100.000 « soldats » (au moins un tiers des militaires d’active de l’armée brésilienne).

Des méthodes radicales


Il existe quelques raisons objectives à ces réussites. Il s’agit d’abord d’une nouvelle approche dans la gestion des factions criminelles. Tous les leaders emprisonnés des grandes factions, dont on sait qu’elles tirent leur origine, leur fonctionnement et leur recrutement du monde carcéral, ont été transférés vers de très stricts pénitenciers fédéraux, où ils sont placés à l’isolement. Leurs conversations, y compris avec leurs avocats, sont enregistrées, tandis qu’ils sont à nouveau transférés, de manière aléatoire, tous les deux mois. La majorité des États fédérés ont aussi accepté, sous la pression budgétaire du gouvernement fédéral et parfois par alignement politique, de renoncer au trop répandu regroupement des prisonniers par gangs, qui achetait une certaine « paix sociale » à l’intérieur des prisons mais laissait le champ libre à toutes les exactions à l’extérieur …

Les gangs semblent bien affaiblis dans les États du Nordeste.
Crédit photo : DR


Tandis qu’une partie de l’intelligentsia brésilienne proteste contre des atteintes aux droits fondamentaux, les conversations enregistrées entre certains « soldats » encore en liberté démontrent à quel point leurs gangs ont perdu en cohérence et en organisation. En arrière-plan, les prémisses du déploiement du système unifié d’intelligence policière, voulu et articulé par le ministre de la Justice Sergio Moro, portent certains fruits. Mais plus concrètement, la présence des policiers sur le terrain, parfois via des interventions directes de la Force de Sécurité Nationale (force tactique de policiers militaires sous commandement direct de l’Exécutif fédéral) dans le Nordeste, et le soutien quasi-aveugle du gouvernement à la brutalité des méthodes policières, dissuadent  largement les passages à l’acte. Nombreux sont ceux, y compris au sein du gouvernement, à néanmoins reconnaître que la seule répression connaît des limites.

L’opposition du Parlement et de la Justice


Le vaste projet de simplification de la législation criminelle de Sergio Moro vise du reste à  élargir le champ de la politique sécuritaire à l’éducation et aux programmes sociaux de long terme. Baptisé « Paquet Anti-Crime » (Pacote Anticrime), ce projet séduit face à l’inflation irraisonnée de textes dans le système pénal brésilien, qui permet surtout aux avocats des délinquants de multiplier manœuvres et procédures dilatoires. Ce projet se heurte  à ce que le Brésil fait de pire en matière politique, à savoir l’obstruction d’un parlement rendu ingérable par un scrutin proportionnel trop généreux. Le Tribunal Suprême Fédéral (STF) semble lui aussi suivre un agenda manifestement très politisé : il cherche à annihiler les progrès du gouvernement en matière sécuritaire.

L’avenir proche nous dira si la pression de la rue, de la quasi-totalité des procureurs généraux du pays et des militaires, surreprésentés au gouvernement et tenants de l’ordre, suffira à convaincre ces deux institutions d’aller dans le sens de la volonté exprimée dans les urnes.

Bruno Racouchot

*******************……….*(*) Bruno Racouchot
Il est titulaire d’un DEA de Relations et Défense de Paris-Sorbonne. Il a servi comme Orsa dans les RPIMa au début des années 80 (notamment à Beyrouth en 1983). Il  dirige la lettre Communication & Influence et la société Comes Communication (Paris, Toronto, São Paulo, www.comes-communication.com
Il fréquente le Brésil depuis 40 ans, où il vit en partie, à Porto Alegre.

Nicolas Dolo

**********************************(*)Nicolas Dolo
Il est un homme d’affaires vivant et travaillant entre Moscou, São Paulo et Paris. Né d’une mère Brésilienne, il connaît le Brésil, son peuple et son milieu d’affaires en profondeur. Ancien sous-officier d’artillerie (57ème RA), MRSIC de l’École de Guerre Économique, il est également spécialiste des problématiques de sécurité à l’international, en particulier en Amérique Latine et dans l’ex-URSS.


Nicolas Dolo et Bruno Racouchot viennent de publier Brésil – Corruption, trafic, violence, criminalité : vers la fin du cauchemar ? livre-enquête, éditions Eska, 175 p., 22 €.
Vous pouvez le consulter dans la Rubrique « LIVRES » de ce numéro 125

Prochain numéro d’ESPRITSURCOUF,
le 126 paraîtra le lundi 2 décembre

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