FRANCE :
RECONQUERIR PAR LA MER !


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Yannick de Premorel (*)
Président d’espritcors@ire
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Dans sa dernière lettre d’information (Euromed-IHEDN), l’amiral Jean-François Coustillière écrit : « ce livre est capital par toutes les données historiques et géographiques qu’il explore… il devrait être, demain entre les mains de tous les décideurs et de tous nos élus… ». Il parle du dernier livre de Richard Labévière, « Reconquérir par la mer » aux éditions Temporis. L’auteur y invite les Français et leurs décideurs politiques à reconquérir – par la mer – les multiples parts d’indépendance et de souveraineté nationale perdues.  

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La mondialisation, c’est la mer et les océans pour trois raisons principales – mers et océans constituent le vecteur structurant de l’économie globalisée – aujourd’hui, plus de 65% de la population mondiale vit dans les zones portuaires et côtières – la plupart des crises internationales se déversent dans l’eau : détroits, canaux et nombres d’îles stratégiques de premier plan. Avec l’augmentation du transit des personnes, des marchandises et de l’information (câbles sous-marins), la haute-mer est devenue une jungle de non-droit où prolifèrent  crimes, vols d’embarcations, trafics (drogues, armes, êtres humains), pêches illégales, piraterie, terrorisme et dégâts environnementaux.

Les voies maritimes sont les artères de la mondialisation.
Photo JP

Cet enchevêtrement d’intérêts et de crimes dessine les lignes d’une géopolitique inédite des stratégies maritimes. Pour répondre à ces nouveaux défis, notre pays a l’avantage de posséder le deuxième domaine maritime et le premier espace sous-marin du monde.

La convention de Montego Bay


Les 11 millions de Km² du domaine maritime français – deuxième du monde, juste derrière celui des Etats-Unis pour une différence de quelque 300 000 km² – sont aujourd’hui une réalité mieux connue. Mais de quoi parle-t-on et que peut-on en faire ? Sur et sous l’eau, la souveraineté des Etats est régie par la Convention de l’ONU sur le droit de la mer (CNUDM), entrée en vigueur le 16 novembre 1994, après la ratification du 60ème Etat – la France l’ayant ratifiée deux ans plus tard comme la Chine, puis la Russie. Quinze pays l’ont signée mais pas encore ratifiée, dont les Etats-Unis, tandis que 17 ne l’ont pas même encore signée, dont Israël, la Turquie, le Venezuela et l’Erythrée.

La convention de Montego Bay clarifie les clauses du droit conventionnel sur les frontières maritimes, notamment de la « mer territoriale » et du « plateau continental », tandis qu’elle crée une nouvelle entité, la « zone économique exclusive (ZEE) – 200 milles marins (370,4 km) à partir de la côte – dans laquelle un Etat côtier peut exercer ses droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources naturelles. 97% des 11 millions de km² de la ZEE française se localisent en Outre-mer. Ce sont la Polynésie et les archipels du Pacifique qui apportent la plus grande surface avec 4,5 millions de km². Avec les Terres Australes et Antarctiques formées par les îles Saint-Paul et Amsterdam, l’archipel Crozet, celui des Kerguelen et la Terre Adélie, l’apport atteint presque 2 millions de km². Dans le Pacifique Nord, à 10 677 kilomètres de Paris et à 5 400 de Papeete, l’atoll inhabité de Clipperton – d’une surface de seulement 2 km², concède près de 440 000 km² à la ZEE, tandis que celle de la France métropolitaine plafonne à 350 000 km².

S’y ajoutent les possessions françaises en Atlantique (Saint-Pierre-et-Miquelon, Antilles et Guyane) et dans l’océan Indien (Mayotte, îles Eparses, Tromelin et la Réunion). Autant d’espaces prometteurs, susceptibles d’une croissance durable.

Des trésors sous la mer


La Croissance bleue pèse lourd. L’économie de la mer assure près de 3,2% du PIB et emploie plus de 301 000 personnes, plus que l’aéronautique, les télécoms ou le secteur automobile. A l’horizon 2030, la mer et les fonds marins pourraient rapporter 8 milliards d’euros de valeur ajoutée supplémentaire. Certes, les activités traditionnelles – pêche et transports – ont du plomb dans l’aile, et ce pour des raisons structurelles globales et domestiques. En 20 ans notre flotte de pêche a été divisée par deux. Pour les compagnies de transport maritime, le pavillon français reste trop cher – 30 à 40% plus onéreux que les homologues britannique, italien ou danois. Les armateurs demandent au gouvernement le lancement « d’un plan marshall » pour le secteur.

Des richesses colossales dorment au fond des océans, le submersible Nautile les a répertoriées.
Photo IFREMER

Les domaines maritimes français recèlent les deuxièmes réserves du globe de terres rares et de nodules polymétalliques : Yttrium, lanthane, prométhium, etc., essentielles pour la fabrication de lasers, supraconducteurs, de peintures lumineuses et aciers inoxydables. Nos entreprises disposent de toutes les technologies pour les extraire. Nombre de start-ups travaillent à la valorisation des algues, alors que les laboratoires pharmaceutiques développent la recherche sur les molécules marines. Les secteurs de la cosmétique, la chimie et l’agroalimentaire sont également très prometteurs.

Dans ce contexte de « maritimisation exponentielle », selon l’Organisation maritime internationale (OMI), les trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains par voie maritime (trafics qui financent aussi le terrorisme) ont augmenté de 25% ces dix dernières années. Même si elle a pu être stabilisée au large de la Corne de l’Afrique, la piraterie maritime reste une menace récurrente dans le détroit de Malacca, le golfe de Guinée, voire certaines zones des Antilles. A ces menaces viennent s’ajouter les violations récurrentes du droit international en mer de Chine méridionale et dans les secteurs sensibles des détroits et passages les plus fréquentés. Face à ces enjeux, notre pays a grand besoin d’une Marine nationale suffisamment dotée en bâtiments et équipages pour relever les défis de défense, de sécurité et de croissance économique.

Renforcer la flotte


Si les chocs d’escadres tels qu’ils ont pu se produire de Trafalgar à Midway ne sont plus à l’ordre du jour, de futures confrontations navales ne peuvent être définitivement exclues. Le chef d’état-major de la Marine nationale, l’Amiral Christophe Prazuck, le rappelle régulièrement : si notre marine reste l’une des premières du monde, plus pour ses capacités opérationnelles que par son tonnage, « elle doit rester capable de mener des combats de très haute intensité ».

Aujourd’hui, la Marine nationale doit pouvoir aligner plus de moyens matériels et de ressources humaines. Cette année 2020, le président de la République doit trancher pour le remplacement du Charles-de-Gaulle, qui arrivera en fin de mission en 2038. Différentes questions : un ou deux navires ? Quelle propulsion ? Quel armement ? L’alternative est simple : deux porte-avions, sinon rien ! Un seul, s’il est au bassin pour entretien alors qu’il devrait appareiller pour parer à une crise majeure, verrait sa crédibilité stratégique largement amoindrie.

La décision ne se réduit pas au seul coût et doit être relativisée en comparaison d’opérations extérieures souvent contestables. Deux porte-avions, c’est un investissement pour l’avenir avec des retombées substantielles en matière d’emploi, de savoir-faire, de recherche et de développement industriel pour nos filières nucléaires, aérospatiales, de haute technologie et d’innovations numériques.

Pour contenir la soie chinoise, la France peut consolider son axe stratégique vital à partir des bases de Djibouti, Abou Dhabi, Mayotte, La Réunion et la Polynésie, pour une géostratégie « Indo-Pacifique ». En approfondissant sa coopération avec l’Egypte, elle consolide le sommet d’une pyramide qui va, s’élargissant de la mer Rouge à l’océan Indien jusqu’au Pacifique en renforçant trois partenariats d’avenir avec l’Inde, l’Australie et le Japon.

Si la France veut encore peser sur les affaires du monde,  comme l’a réaffirmé le président de la République en septembre 2019,  elle doit le faire par la mer et les océans, en valorisant enfin ses atouts maritimes, ses savoirs faire industriels et commerciaux, sa recherche, ses défenses et sécurités nationales.

Comme le souligne l’amiral Coustillière, la leçon magistrale de l’ouvrage de Richard Labévière convoque le pays. Sa lecture est un acte de déconfinement mental des plus salutaires. Oui, notre avenir passe par le grand large… A lire et faire lire pour préparer la France de demain. Bonne lecture !!!

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Publié le 20 avril 2020

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(*) Yannick de Prémorel – Président de L’ Association «  espritcors@ire » Observatoire de La Défense et de la Sécurité.-
 Vice Président de L’ ASV, Association Sportive de Villepinte. ( 93 ). Mission Jeunes Banlieues.- Animateur de France Citoyenne, groupe de réflexion politique.
– Auditeur de la session nationale de l’IHEDN.- Ancien Président de la société « Prémorel & Co ».- Ancien Directeur délégué du groupe Bayard Presse- Ancien Directeur délégué de la revue Défense de l’ Union IHEDN.
Chevalier de l’ Ordre National du Mérite.


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