La généralisation de l’emploi des drones

Pierre Bagot (*)
Etudiant en Science politique, UCO Nantes-Rezé

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Au regard de la place croissante que prennent les drones, toutes catégories confondues, dans le monde, l’auteur dresse une vue d’ensemble avec le souci de la clarté pédagogique.

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Par définition, le drone est un appareil autonome ou piloté à distance qui évolue sur terre, en mer ou dans les airs. Il est généralement conçu pour effectuer des missions bien spécifiques.

Une montée en puissance depuis plus d’un siècle…

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L’invention des drones trouve son origine au début du XXe siècle lorsque des chercheurs ont créé de nombreux prototypes d’appareils automatisés. Ils voient ainsi le jour durant la Première Guerre mondiale avec les Anglais en 1916 et leur idée d’avion cible. Du côté français, c’est le pilote max Boucher qui va être le premier à réussir l’exploit de faire voler son avion, un modèle Voisin, sur une distance d’un kilomètre sans aucune intervention humaine ; il réitéra cet exploit de façon encore plus spectaculaire le 14 septembre 1918 en le faisant voler durant 51 minutes sur une distance de 100 kilomètres ; tout cela de manière complètement autonome.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les Américains mettent au point le RADIOPLANE OQ-2 tandis que les Allemands, de leur côté, mettent en service le GOLIATH, engin chenillé filoguidé capable de détruire un char ou des fortifications, avec une charge explosive embarquée de 60 à 100 kilos.

Depuis la Guerre froide, l’innovation en termes de drone n’a cessé d’évoluer jusqu’à aujourd’hui.

Depuis le début des années 2000, l’usage des drones s’est démocratisé, passant d’un usage strictement militaire à un usage banalisé dans le domaine civil. Les avancées technologiques en la matière permettent sans cesse de créer de nouveaux modèles de drones toujours plus performants ainsi que de réduire leurs tailles, ce qui permet d’accroître encore le panel déjà conséquent de leurs usages.

…pour un large panel de drones plurisectoriel

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On considère comme appartenant à la classe des drones aériens tout appareil automatisé ou piloté à distance qui peut voler. Cela prend donc en compte tous les drones à hélices, à réacteur et à rotors. On peut retrouver des drones de reconnaissance, de combat et de renseignement.

Les drones terrestres, pour leur part, sont capables d’évoluer sur terre qu’ils soient à chenilles ou à roues. Il peut s’agir de drones de soutien, de combat, de déminage, des drones médicaux ainsi que de transport.

Quant aux drones marins, ils réunissent tous ceux qui sont, dans cette catégorie, capables d’évoluer en milieu aquatique que cela soit à la surface ou dans les profondeurs des océans. On observe des drones sous-marins, des drones navals de surface, des drones kamikazes conçus pour détruire des bâtiments de surface. Les drones navals de surface ont notamment été utilisés par les Ukrainiens contre la flotte russe en mer noire comme le MAGURA V5 (vitesse de 22 nœuds , une dimension de 5,5 m par 1,5 m et a un rayon d’action de 450 miles soit 720 kilomètres, son coût unitaire est de 273000$ et peut emporter près de 200 kilos de charge utile explosive ). On trouve aussi de nombreux drones marins qui ont différentes fonctionnalités comme le DIVE-LD (vitesse de 2 à 8 nœuds ; autonomie de 4 jours à une vitesse de 4 nœuds et 10 jours à une vitesse de 2,5 nœuds sans charge utile, avec dimension de 5,8 m par 1,2 m) conçu par l’entreprise américaine ANDURIL. Véritable véhicule sous-marin autonome, il peut notamment détecter des mines et en poser.

Le marché des drones est en pleine expansion depuis quelques années. Ainsi, en 2024, le marché du drone représente 35,28 milliards de dollars et devrait atteindre les 67,64 milliards de dollars en 2029. Pour le marché des drones a usages militaires, en 2023 le marché était de 12,93 milliards de dollars, mais on estime que ce chiffre montera à 27,63 milliards de dollars en 2031.

Ce marché a longtemps été dominé par les Etats-Unis et Israël. Toutefois, depuis peu, de nouveaux acteurs ont rejoint la danse comme la Turquie ou encore l’Iran.

Aujourd’hui près de 80 pays possèdent des drones dans leur arsenal.

La France a décidé d’investir massivement dans les technologies de pointe pour son armée dont les drones. Ainsi, l’armée française a investi environ 650 millions d’euros dans son programme de drones REAPER depuis 2020. Et selon la loi de programmation militaire 2024/30, l’armée de l’air et de l’espace se verra dotée de 6 systèmes de drone MALE « Eurodrone » à l’horizon 2035 alors qu’initialement, il était prévu d’acquérir 4 de ces appareils pour une valeur de 2 milliards d’euros, coût du développement inclus.

Les différentes utilisations dans le domaine civil

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De nos jours, les drones ne sont plus une exclusivité du domaine de compétence du champ militaire. Les drones sont devenus un outil pour de nombreuses actions de la vie quotidienne et professionnelle dans de nombreux domaines.

Nous pouvons penser au monde du divertissement avec le cinéma. Les drones sont ainsi utilisés pour les tournages afin d’obtenir des prises de vues aux angles élargis. Les professionnels du web, comme les youtubeurs, utilisent également des drones accessibles à la grande distribution afin de filmer leurs contenus de divertissement, tel que des « vlogs » de voyages, des vidéos sur des sujets particuliers dans différents domaines.

Les institutions publiques sont elles aussi amenées à faire usage de drones à des fins de communication. Par exemple, la préfecture de l’Eure s’est servie du drone de son équipe de communication pour filmer une vidéo officielle pour les Jeux olympiques 2024.

Mais ces drones sont aussi utilisés à des fins de livraisons, à l’instar de ce que propose notamment l’entreprise américaine Zipline. En France, l’entreprise DPD livre aussi des colis par drones.

Les drones sont aussi requis pour la photographie aérienne. Les villes peuvent ainsi se servir des drones pour faire la promotion de leurs espaces et édifices, afin d’accroître le tourisme, ainsi que pour la surveillance d’infrastructures. L’entreprise française ENEDIS se sert d’ailleurs de drones pour surveiller des lignes électriques.

Certains services publics, comme les pompiers et les forces de l’ordre, utilisent des drones.. Des pompiers sont formés au pilotage de ces engins afin de les faire voler au plus près des incendies pour évaluer leur progression et les dégâts engendrés. La caméra thermique, embarquée sur un drone, s’avère des plus utiles pour les pompiers car elle permet de détecter des incendies. L’intelligence artificielle est d’ailleurs utilisée afin d’analyser les données récoltées par ses drones.

Les forces de l’ordres peuvent faire appel à ses appareils à des fins de contrôle. La police utilise donc des drones à des fins de surveillance notamment lors des défilés organisés pour la journée internationale des travailleurs le 1er mai 2023 à Nantes ou encore à Lyon. La Chine a fait usage de drones lors de la crise du covid en 2022 pour contrôler les réfractaires à sa politique de confinement.

Les drones sont également précieux pour missions de nature particulière. En matière de déminage, ils sont appelés à gérer des situations où l’usage d’appareil commandé à distance est nécessaire afin de désamorcer des engins explosifs. En 2016, déjà, la police française a utilisé le CAMELEON E pour inspecter le corps d’un homme abattu par la police dans le 18e arrondissement de Paris, car suspecté de porter une ceinture explosive.

Le drone est ainsi devenu un outil à part entière de la vie civile, en charge de nombreuses missions.

Les missions des drones à des fins militaires

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Les drones sont fortement utilisés par les armées du monde entier, et cela, depuis la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, ils sont toujours plus performants et sont utilisés dans de très nombreuses missions, qui peuvent aller de la simple surveillance aérienne à la destruction de cibles au sol, dans les airs ou dans la mer.

Les drones militaires se déclinent en de nombreux modèles. Certains d’entre eux sont conçus pour un panel très large de missions alors que d’autres sont plus spécialisés.

L’avancement des progrès techniques ainsi que la généralisation de l’usage de ses appareils ont permis de créer des drones toujours plus performants. Certains de ces drones ne nécessitent même plus l’intervention humaine et sont totalement autonomes. C’est le cas du système LAVENDER qui est utilisé par l’armée israélienne. Le ciblage est alors assuré par l’intelligence artificielle. Près de 37 000 palestiniens auraient été marqués comme cibles pour des frappes potentielles sur leurs maisons.

La guerre russo-ukrainienne a aussi montré l’efficacité létale des drones. Ainsi, les 2 camps engagent des drones sur le champ de bataille ; drones que l’on peut acheter dans la vie de tous les jours et les transformer en drones kamikazes après les avoir équipés d’une charge explosive. On peut d’ailleurs utiliser des imprimantes 3D afin d’imprimer des compartiments adaptables aux drones pour le transport de charges explosives. Ces drones permettent aussi de repérer la position de l’ennemi et ainsi de procéder à un tir d’artillerie ciblé.

Si les drones armés permettent aussi d’épargner la vie de nombreux soldats, ils entrainent aussi une rupture dans le rythme opérationnel. Dès lors, il n’y a plus de réel répit pour les combattants qui sont potentiellement exposés, de jour comme nuit, à tout type d’attaque de drones.

Quant à ceux qui commandent les drones, la distanciation avec la zone de combat n’en est que plus importante.  Un pilote de drones peut ainsi piloter son appareil depuis un module implanté en France, l’hexagone tout en accomplissant une mission de combat au Moyen-Orient, notamment avec le drone MQ-9 REAPER. Son coût unitaire va de 13 à 16 millions de $ ; il a une envergure de 20 m, une longueur de 11 m et une hauteur de 3,56 m, son rayon d’action est de 1 850 kilomètres, sa vitesse maximale est de 480 km/h et son armement est composé de missiles air-air  air-sol ainsi que de bombes ).

Les drones peuvent frapper le cœur du territoire ennemi comme l’a montré l’assassinat de Qassem Soleimani, victime d’un tir de drone ordonné par l’ancien président américain Donald Trump, le 3 janvier 2020. Il existe aussi des drones beaucoup plus petits permettant d’effectuer de nombreuses missions de reconnaissance ou de renseignement. Notamment avec le BLACK HORNET que produit la société américaine FLIR. Ce drone miniature mesure environ 10 cm de long pour 3,5 cm de largeur et possède une autonomie de 25 minutes, son coût unitaire est d’environ 40000$).

BLACK HORNET de chez FLIR Systems
(photo Pierre Bagot. Salon d’Eurosatory. 2024. DR)

Les drones terrestres ne sont pas en reste, bénéficiant de nombreuses innovations. Ces machines peuvent ainsi fournir aux soldats au sol un soutien logistique ainsi qu’un appui feu ; c’est le cas du  BARAKUDA ( capacité de transport de charge de près de 500 kilos et jusqu’à 12 h d’autonomie)  produit par l’entreprise française SHARK ROBOTICS ou encore l’UNL produit par l’entreprise polonaise MACRO-SYSTEM qui est une base avec plusieurs versions, avec entre autres le GOBLIN qui est équipé d’une tourelle télé opérée ainsi que le UNL-C qui est la version cargo pouvant transporter300 kilos de charge utile ainsi qu’une charge additionnelle de 500 kilos selon les options.

Certains peuvent aussi évacuer des soldats du champ de bataille L’institut de recherche franco-allemand de Saint-Louis développe à cet effet le STAMINA-UGV AUROCHS dans une version sanitaire

Citons également les drones militaires conçus spécialement pour l’entraînement des soldats tel que les robots d’entraînements autonomes produit par l’entreprise australienne MARATHON ou encore ceux que produit l’entreprise suisse POLYTRONIC.

Robot d’entrainement autonome de chez MARATHON
(photo Pierre Bagot. Salon d’Eurosatory. 2024. DR)

Avec l’intelligence artificielle, les drones peuvent travailler en interopérabilité avec d’autres unités de l’armée en diffusants ses données en temps réel. Cela se traduit en partie par la mise en place des systèmes de défense de zone et d’espace aérien par drones, comme avec le système de périmètre autonome SKYBASE produit l’entreprise néerlandaise TECTIVE et son autre système le SPEAR.

On trouve même des drones pour le génie capables de transporter de lourdes charges  ; le CRAYLER produit par l’entreprise autrichienne PALFINGER  véritable chariot élévateur pilotable à distance et aero transportable ainsi que le ROCUS ( vitesse de 20km/h , avec 10h d’autonomie , doté d’un bras robotisé de 4 m de long avec une capacité de levée de 100 kilos) de l’entreprise française CNIM Systèmes Industriels, qui est un drone terrestre permettant de sécuriser les routes avant le passage d’une unité de combat.  

ROCUS  de chez CNIM Systèmes Industriels
(photo Pierre Bagot. Salon d’Eurosatory. 2024. DR)

On voit donc qu’il y a de plus en plus de drones usités à des fins belliqueuses. Ils sont de plus en plus performants si bien qu’il est difficile de les contrer. Toutefois, es systèmes sont développés spécialement dans ce but.

Les moyens de lutte anti-drones

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Il existe plusieurs façons de contrer les drones.


Nous pouvons tout d’abord citer les brouilleurs Ceux-ci utilisent des techniques de brouillages par radiofréquence qui perturbent les ondes émises par les drones et les forcent à se poser au sol. L’armée française, par exemple, utilise le fusil brouilleur NEROD Riffle.

Fusil brouilleur NEROD
(photo Pierre Bagot. Salon d’Eurosatory. 2024. DR)

Les lasers sont aussi en train d’être développés pour la même raison. Ses systèmes lancent des faisceaux lumineux qui vont interférer avec les systèmes de contrôles et de navigations et provoque ainsi le dysfonctionnement de ces derniers. Ces systèmes sont bien moins onéreux que la défense classique utilisée contre les drones. En effet, le tir d’un laser ne va coûter qu’une dizaine d’euros tandis qu’un tir de missile coûte, en moyenne un peu plus d’1 million d’euros. On peut retrouver plusieurs systèmes de laser développés par les différentes armées du monde., Citons par exemple le système britannique Dragonfire développé depuis 2017 par l’agence gouvernementale britannique Defence Science and Technology Laboratory, MBDA, Leonardo UK et QinetiQ. De son côté, la France n’est pas en reste. Eneffet, la marine nationale a testé pour la première fois en mer le prototype du système HELMA-P à bord de la frégate de défense aérienne Forbin en Méditerranée du 12 au 14 juin 2023. Ce système est développé par la société française CILAS.

Il existe aussi les systèmes de lutte anti-drones par détection. Ces systèmes vont détecter les drones puis transmettre la position à des tourelles télé opérées ou des systèmes de missiles pour la destruction de l’appareil. On peut citer le système développé par l’entreprise sud-coréenne HYUNDAI Wia, le Sky Spider ou le système BOREADES développé par l’entreprise française CS groupe.

Cette lutte anti-drone est devenue l’un des enjeux sécuritaires des Jeux olympiques de 2024 organisé à Paris. Avec notamment le déploiement du système laser HELMA-P.

En quelques années, les drones sont devenus une pierre angulaire de nos armées ainsi que dans les actions de nos vies de tous les jours. L’avancement constant des nouvelles technologies tel que l’intelligence artificielle qui a déjà été introduit dans le système des drones et dans leurs utilisations nous pousse à nous remettre en question notamment sur l’avenir de la guerre moderne ainsi que sur les risques que ces drones peuvent faire peser sur la société. Faciles à acquérir, susceptibles d’être transformés, ils peuvent devenir de redoutables engins de mort.

Il reste à bien saisir de quelle manière ils vont continuer à transformer notre vie, à l’avenir.

Pierre Bagot est étudiant à l’Université catholique de l’ouest de Nantes en 3ème année de licence de science politique au sein du parcours géopolitique et stratégie internationale. Il s’oriente vers les corpd dans la diplomatie.