Les drones :
Histoire d’une arme indispensable

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Hugo Marneffe (*)
Journaliste- stagiaire chez ESPRITSURCOUF

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En l’espace de deux décennies, les drones se sont imposés dans les opérations militaires. L’auteur, étudiant en Master de relations internationales, revient sur la genèse méconnue de ces vecteurs devenus incontournables dans les conflits contemporains. En découvrant cet article, nombre de lecteurs y trouveront des informations assez peu communes. Sa publication en devenait donc évidente.


Un « drone » est un système complet composé d’un véhicule commandé à distance et équipé en fonction de son utilisation, d’une station servant à le commander et à recevoir ses données, et d’une liaison entre le véhicule et la station. Ce qui nous intéresse ici est le drone aérien, désigné souvent dans le domaine militaire par l’acronyme anglosaxon « UAV », pour « Unmanned aerial vehicle ». Généralement, on classe les drones, comme à l’OTAN, en trois catégories.

La première inclut les appareils légers de moins de 150 kg. Les micro-drones et les drones de petite taille, que l’on trouve librement dans le commerce, appartiennent à cette catégorie. Leur autonomie et leurs capacités restent limitées. Mais on a vu quelques machines être transformées et servir d’arme. L’État Islamique, notamment, a mené des attaques avec des quadracopters Phantom chinois à partir de 2016.

La deuxième regroupe les drones pesant jusqu’à 600 kg. Ils sont généralement non-armés, mais ils peuvent l’être avec des armes légères. Le Patroller, produit par la France et destiné aux missions tactiques de l’armée de terre, en fait partie.

La troisième catégorie renvoie aux appareils, fréquemment armés, de plus de 600 kg, les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance)  et HALE (Haute Altitude). On retrouve par exemple dans ce groupe le MQ-9 Reaper américain ou le Wing Loong chinois.
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Plus de cent ans d’expérience

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Les premiers essais de drones, qui ne sont alors que des avions sans pilote, ont lieu en 1917 afin de servir de cible d’entrainement pour artilleurs. Britanniques, Américains et Français s’y sont employés les premiers. La France, grâce aux essais du Capitaine Max Boucher (1879-1929) devenu en 1917 Président de la « Commission des Expériences des avions automatiquement stables manœuvrés par TSF », obtient des résultats encourageants en 1923. Mais ces recherches n’intéressent plus dans le contexte pacifique de l’après-guerre. Ailleurs les expérimentations continuent, notamment dans la Royal Navy qui met au point le Tiger Moth dans les années 1930. Il s’agit d’un biplan radiocommandé utilisé comme avion-cible pour la formation militaire jusque dans les années 1950.

Le De Haviland Tiger moth, ici avec des cocardes françaises ; Photo avions légendaires

Il faut attendre la guerre du Vietnam pour que les Etats-Unis emploient les drones Lightning Bug à des fins de renseignement, notamment pour localiser les rampes de lancement de missiles soviétiques. Le Lightning Bud est issu d’un programme de l’US Air Force dont l’objectif est la transformation du drone-cible Firebee,  mis au point après la Seconde Guerre mondiale par la Ryan Aeronautical Company,  pour le rendre capable de collecter des données.  Le conflit vietnamien terminé, les drones n’ont pas convaincu Washington. C’est alors Israël qui prend la relève. En octobre 1973, Tsahal se sert des drones comme de leurres lors de la guerre du Kippour, afin de dévoiler la position des batteries aériennes ennemies. Israël prend alors de l’avance dans le perfectionnement des UAV, à tel point que le Pentagone en acquiert pour s’en servir lors de la guerre du golfe (1990-1991).

Finalement, dans les années 1990, le drone fait la preuve de son utilité stratégique. En effet, l’armée américaine, se refusant à mettre en danger ses troupes, préfère employer des drones à des fins de renseignement, pour localiser les positions ennemies et les marquer avant de procéder à leur élimination par l’aviation. Pour ce faire, elle utilise le GNat 750 de General Atomics dont le programme de développement remonte aux années 1980, avant d’être interrompu pour des raisons budgétaires. Le drone fait donc ses preuves en Yougoslavie à partir de 1994, date à laquelle il est employé pour la première fois par la CIA. Puis General Atomics met au point son successeur, le Predator, déployé dès 1995 contre les forces serbes.

Ce n’est qu’après les attentats du 11 septembre pour que les drones prolifèrent vraiment, et s’arment. Les Etats-Unis avaient procédé à des essais de tir de missiles Hellimer depuis un drone peu avant les attentats. Ils ont ensuite pu se roder à son usage avec l’intervention en Afghanistan. De fait, ils s’attaquent à leur première cible, le Mollah Omar, dès octobre 2001. Depuis, les drones, souvent armés, ont leur place dans toutes les zones de conflits et de tensions. Les armées du monde s’y intéressent alors et cherchent à l’acquérir ou à développer leur propre capacité.
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Avantages tactiques et stratégiques

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Poste de pilotage
d’un drone français.
Photo MinArm.

;D’abord, les UAV permettent de préserver la vie des combattants. En effet, lors des missions de surveillance ou d’élimination de cibles, les pilotes ne courent aucun risque physique, même s’ils peuvent être affectés psychologiquement parce qu’ils observent directement et de près la mort qu’ils donnent à distance. Ils sont même parfois dans l’obligation de s’assurer que les personnes ont clairement été neutralisées. Certains opérateurs ont ainsi manifesté des symptômes de chocs post-traumatiques au même titre que des combattants déployés sur des zones d’affrontement. C’est particulièrement le cas pour l’armée des Etats-Unis et du Royaume-Uni dont les pilotes de drones opèrent depuis leur territoire national, contrairement à la France dont les pilotes sont présents sur le théâtre d’opération.

Ensuite, les drones de troisième catégorie offrent une importante capacité de permanence. Sans individu embarqué, les drones MALE peuvent voler 24 heures, voire plus, et donc contribuer à une surveillance permanente, avec réception des informations en direct. Les drones font également preuve d’une certaine discrétion visuelle et sonore.

On vante aussi la capacité particulière du drone à respecter l’obligation de discrimination entre soldats et civils, élément essentiel du jus in bello. En étant en permanence au-dessus de sa cible, un drone armé permet d’attendre le moment le plus adéquat pour éliminer la cible en réduisant au maximum les dommages collatéraux. D’ailleurs, la précision des tirs concourt à cet objectif.

La panoplie des avantages ne s’arrête pas là. Les drones permettent d’évaluer les dommages en temps réel, détecter les missiles balistiques, leurrer l’ennemi, participer aux missions de recherche et de sauvetage, etc. Plus particulièrement, les drones tactiques, de petite taille, non armés et servant surtout dans l’armée de terre, permettent le soutien des troupes au sol, l’acquisition de cibles pour l’artillerie ou encore la détection d’engins explosifs improvisés.
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Forte demande et concurrence féroce

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Le drone chinois Vilong ressemble beaucoup au Prédator ou au Reaper américain. Faut-il s’en étonner ? Photo China information Center

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Afin de jouir de ces avantages, les armées du monde cherchent toutes à se doter de drones, qui sont de plus en plus souvent armés. Alors qu’en 2010, seuls 60 pays disposaient de drones militaires, ils étaient 95 en 2019. La plupart des pays qui n’en sont pas dotés sont majoritairement localisés en Afrique et en Amérique Centrale. Les drones armés, quant à eux, sont réservés à un groupe restreint. Vingt pays en possèdent, mais tous ne les produisent pas eux-mêmes. La France, par exemple, a armé ses drones Reaper, de conception américaine, en 2019 car la coopération européenne a pris du retard. Le drone MALE nEUROn reste à ce jour inachevé.  

Le marché mondial est donc aussi un lieu de confrontation. Si Etats-Unis et Israël dominent les exportations d’UAV armés, la concurrence est forte de la part de la Chine ou de la Turquie, dont les modèles sont moins chers et autorisent donc plus de pertes en opération. La tension est telle que l’administration Trump a décidé de réinterpréter le traité limitant leurs exportations (MTCR), afin de pouvoir les vendre au-delà de ses seuls alliés.  

La montée en puissance des drones est une tendance générale qui s’explique par les nombreux avantages qu’ils confèrent. Employés dans de nombreuses zones, ils jouent parfois un rôle majeur, mais ne sont pas pour autant à l’abri des critiques.
C’est ce que la deuxième partie de cet article tâchera de démontrer.

ESPRITSURCOUF remercie Pierre Jarleton pour son aide.
Ingénieur, lecteur assidu de notre site et passionné par les Drones a constitué depuis plus de 20 ans une photothèque sur les drones civils
:
http://apphotnum.free.fr/Drones_1_FR.html  et sur les drones militaires:
 http://apphotnum.free.fr/Drones_2_FR.html

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(*) Hugo Marneffe. Diplômé d’un Bachelor de Relations Internationales et de Sciences Politiques.
Il effectue actuellement un Master de Diplomatie au sein de l’École des Hautes Études Internationales et Politiques de Paris et prépare une thèse sur les nationalismes dans l’Union Européenne. Il est stagiaire chez ESPRITSURCOUF.
Engagé dans le domaine associatif, il s’investit au sein de la Fédération Francophone de Débat.


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