PREMIÈRE GUERRE MONDIALE :
POURQUOI 1561 JOURS ?

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Général Renaud Ancelin (*)

Sa passion pour l’histoire militaire du XXème siècle et la géographie, son attachement à ses lieux d’affectation dans le nord-est de la France, notamment en Lorraine, l’ont naturellement amené à l’écriture de 1561 jours. Cette œuvre est construite exclusivement sur les faits, qu’ils soient en Europe ou dans le monde.  Le choix des événements concerne les militaires, mais aussi la société civile. Les parcours des hommes traduisent le vécu de poilus paysans ou ouvriers comme celui d’autres issus de la culture ou de l’intelligentsia qui n’auront jamais l’occasion de devenir célèbres… 1561 jours pourra choquer certains, habitués à l’imaginaire français colporté autour de la guerre de 14 18, mais la réalité est bien là.

Ce projet est né de la volonté de participer au devoir de mémoire, dans le cadre de la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale. Au départ, ce projet très personnel était lié à mon histoire familiale par le biais d’un cousin et les évocations des lieux que j’avais pu connaitre, au hasard de mes voyages, de mes affectations ou de mes déploiements opérationnels. Ce n’est qu’en quittant l’institution, en septembre 2015, que j’ai réussi à dégager le temps nécessaire pour m’y consacrer pleinement. C’est surtout suite à la rencontre inattendue mais tellement enrichissante avec Jacques Céron, fort de sa vision ambitieuse et de sa maitrise de l’édition numérique, que 1561 jours a pris la forme que vous pouvez découvrir, après trois années de travail collaboratif en binôme.

En tout premier lieu, 1561 jours se place sous le signe de la TRANSMISSION vers les jeunes générations. M’attachant aux destinées des hommes et des lieux, j’ai cherché à leur donner envie de retourner sur les traces de leurs aïeuls ou de leurs anciens ; à l’image du parcours exceptionnel de mon cousin, Gaston Guitton.

Attaque des fantassins français sur le Mont des singes, en Picardie, dans le cadre de l’offensive Nivelle au printemps 1917 (Lee Leemage)

Pour ce faire, je me suis appuyé sur le travail de mémoire exceptionnel réalisé par la France pour permettre l’accès aux archives. Par le biais du site Mémoire des hommes du SHD (Service historique de la Défense) , il est, désormais, possible de retrouver parcours des régiments et des combattants via les Journaux de Marche des Opérations, les historiques, des fiches des soldats morts pour la France et de la somme monumentale que représente Les armées françaises dans la Grande Guerre , tous ces documents étant numérisés et très facile d’accès. C’est grâce à eux que j’ai pu confirmer le parcours de mon cousin et reconstituer de nombreux destins. Il faut également souligner les trésors que proposent la BNF via son site Gallica. Il permet de replonger , non seulement, dans la presse de l’époque mais aussi de redécouvrir des photographies, des films oubliés, des ouvrages rarissimes ou des enregistrements sonores de l’époque. C’est bien, en autre, avec leur aide et le fond bibliographique, hérité de mon père que j’ai pu poursuivre cette aventure. Certes, les méandres d’internet amènent sur des sites de passionnés fantastiques mais aussi sur des contenus, sujets à beaucoup plus de précautions, soit par leur parti pris délibéré ou le colportage de mauvais copier-coller ; comme le démontrent les nombreuses erreurs de dates concernant la Révolution russe pour cause de passage au calendrier grégorien. largement amplifiées par la réécriture partisane et la désinformation. Ceci dit, la lecture de la presse de l’époque prouve aussi que les « fake news » avaient déjà fait leur apparition.

La fosse au Murènes : des soldats s’occupant des blessés dans les tranchées

Ensuite, l’ouvrage tient à démontrer, par une APPROCHE GLOBALE, que ce conflit, souvent nommé « Grande Guerre » en France, est bel et bien « La première guerre mondiale ». Notre imaginaire gaulois nous l’a souvent fait résumer à La Marne – Verdun – La Victoire ; sauf à résider dans les Hauts de France, la Somme et les combats sur l’Yser nous sont inconnus, tous comme les combats de Champagne, d’Argonne, de Lorraine et des Vosges, participant à une mémoire régionale. Or, dès les premiers jours du conflit, les affrontements ont lieu aux quatre coins de la planète, sur terre comme sur mer. La vie des autres pays s’est poursuivie, souvent sujets à des catastrophes naturelles ou accidentelles plus meurtrières que les combats. Des nations se sont défaites, d’autres se sont fortifiées à l’image de certains pays du Commonwealth ; certaines ont vu le jour sur la fin. Toutes les classes sociales et professionnelles y ont participé. Le monde culturel s’y est plongé et nombre d’artistes sont partis au front, certains y affichant un comportement des plus méritants ; il en va de même avec la classe politique ou les intellectuels. C’est aussi à eux que je rends hommage comme à tant d’anonymes.

Enfin cet ouvrage, très novateur dans sa conception s’inscrit sous le signe d’une double MODERNITE :

  • Celle de ce terrible conflit, où, mis à part l’arme nucléaire, tout a été mis en œuvre en termes d’armements et procédés de combats . Les U-Boote de 1940 ne seront que des dérivés de ceux de 1918, les techniques de bombardement de terreur ne seront qu’améliorées 25 ans plus tard. Le porte-avion Furious conduira un raid naval identique à celui de Pearl-Harbor. Exactions sur les populations et génocides n’en sont, hélas, pas absents. Obnubilés par les tranchées, nous avons oublié les campagnes très mobiles des Britanniques au Proche-Orient ou la bataille d’exploitation de Franchet d’Esperey.
  • Celle de la conception de cet ouvrage, liée à la maitrise technique de Jacques Céron. Compte tenu des nombreux liens interactifs permettant d’accéder à des liens vidéo ou audio, Wikipédia ou autres, on peut considérer que nous sommes devant un ouvrage en 3 dimensions avec des possibilités impossibles avec une édition papier. L’existence d’une table des matières, sous forme de calendrier permet de basculer facilement d’un éphéméride, par essence chronologique en un document de recherche thématique, facilité par le format numérique.

Pour conclure, 1561 jours se veut être un outil pédagogique,  d’approche et de découverte pour tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la Première Guerre mondiale, tel un passeur d’histoire(s) pour que l’on n’oublie jamais l’engagement et le sacrifice des générations passées.

VOUS TROUVEREZ LA PRESENTATION DE 1561 JOURS dans la rubrique LIVRES de ce n° 128

Général Renaud Ancelin (*)

Né à Angers, en 1958, les racines familiales de Renaud Ancelin sont à la fois nantaises et parisiennes. Son parcours de jeunesse est marqué par l’histoire et la culture. Son père, Saint-Cyrien, passionné d’histoire militaire, fut son relais mémoriel et sa mère s’attacha à lui faire découvrir les lieux historiques et les musées au gré des mutations paternelles. Cela explique cette curiosité toujours renouvelée de Renaud Ancelin pour les lieux traversés par la mémoire des grands évènements.  Après le Prytanée National Militaire, il intègre Saint-Cyr (Promotion Général Rollet, 1978-80). À sa sortie, il choisit l’arme de l’infanterie et se spécialise dans le combat blindé mécanisé ; il rejoint son premier régiment, au 16
ème Groupe de Chasseurs, à Saarburg. C’est donc au milieu des tensions de la guerre froide qu’il va vivre ses premières années d’officiers au sein des Forces Françaises en Allemagne et dans l’Est de la France. À partir de 1995, après l’École de Guerre, il sera plusieurs fois engagé dans les Balkans, au sein des états-majors opérationnels multinationaux. Nommé colonel en 2001, chef de corps du 92ème Régiment d’Infanterie (Clermont Ferrand), il commande par deux fois en opérations à Mitrovica (Kosovo) en 2002 et à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), l’année suivante. Renaud Ancelin rejoint en 2004 le Centre de Planification et de Conduite des Opérations où il a la charge de celles d’Afghanistan et du Liban. Après avoir été responsable de l’enseignement opérationnel à l’École de Guerre et responsable du fonctionnement de l’état-major des forces terrestres à Lille, il conçoit et met sur pied le Centre Interarmées des Actions sur l’Environnement (CIAE) à Lyon. Renaud Ancelin quitte le service actif en 2015 avec le rang de général. Il est officier de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, titulaire de la croix de la valeur militaire avec une citation à l’ordre de la brigade.