VIRUS
ET
MÈRE DES RÉSILIENCES

Sous la direction d’Alexandre Boisson (*)
Expert en gestion de crises

Laurent Aillet, Arthur Keller, Patrice Guichard, Stéphane Linou, Céline Basset
Animés parAlexandre Boisson et Marjolaine Gaudard (*)


L’intelligence artificielle a fait irruption dans nos vies ! Nos auteurs la nomment le Cognitive Computing, ou l’informatique cognitive, c’est-à-dire la simulation du processus de pensée humaine au sein d’un modèle informatique. A l’heure où les Big Data réglementent de plus en plus nos vies, à l’heure où le Cognitive Computing gagne du terrain,  sommes-nous réellement à l’abri d’un virus informatique dont les conséquences peuvent être multiples ? Dans nos sociétés modernes, malgré la pensée humaine et informatique, n’y a-t-il pas des impensés sur les conséquences du climat ? Des impensés sur les conséquences de la numérisation ? Des impensés sur nos ressources alimentaires ?

La résilience alimentaire apparaît ainsi, selon les auteurs, comme la mère de toutes les résiliences. C’est leur analyse « chorale » que nous vous présentons ici. Des idées nobles, sources d’une prospective des plus déterminantes quant au devenir de nos sociétés, en matière d’alimentation et de gestion des ressources. Une question pluridimensionnelle que les élus, les collectivités publiques et privées prennent, dorénavant, de plus en plus au sérieux.

I – LE CHAMP DES CONSTATS :
POUR L’URGENCE DES PRISES DE CONSCIENCE


Il est encore possible de choisir les directions que nous pouvons prendre

Laurent Aillet (*)


En 1972, une équipe de scientifiques du MIT rédigeait avec succès le rapport « The Limits to Growth » pour le Club de Rome. Depuis, il n’est plus possible de prétendre que la question de la soutenabilité d’une croissance infinie dans un monde fini n’a pas été sérieusement posée. La période dangereuse de l’atteinte des limites globales pour le cas où nous n’infléchirions pas notre route était à l’époque calculé par l’ordinateur du MIT pour …maintenant.
Sorti le 26 février 2020, Collapsus, un ouvrage collectif, cherche à donner à la fois une vue d’ensemble de la situation et à sonner l’alerte. Trente-huit personnalités de tous horizons (scientifiques, historiens, philosophes, psychiatres, économistes, juristes, essayistes, prospectivistes, journalistes, politiques ou militants) décrivent des crises spécifiques mais démontrent aussi qu’elles sont reliées entre elles. Ce livre en polyphonie finit par dépeindre le grand grippage systémique en cours.


Sortir du déni


L’ouvrage Collapsus décrit les grandes limites de la soutenabilité en train d’être enfoncées avec entrain, la dérive du climat vers l’inconnu et l’effondrement de la biodiversité – déjà une réalité en cours. Les énergies, au premier plan desquelles le pétrole, forment la clé de voûte de nos activités, avec la panne sèche qui nous guette. Nos prétendus garde-fous, éthiques et moraux, cognitifs, civilisationnels, économiques, psychiatriques, voire les récits que nous nous racontons, ne nous gardent pas tant que cela du pire. Historiquement, il s’agit d’une tendance de fond, ancienne, bien ancrée dans notre civilisation et reflétée par notre droit actuel. C’est pourquoi, changer l’ordre des choses est nécessairement une question politique. Si en temps de pénurie, le collectif est plus puissant et l’entraide plus productive, la violence humaine ne va pas disparaître pour autant. La compétition existentielle est présente partout jusqu’au niveau géostratégique. Tant que nous serons dans le déni, il est plus que probable que nos problèmes iront s’accentuant car, par exemple, la transition énergétique est un mythe moderne et la finance internationale dépend directement du climat.


Et agir


Le rythme avec lequel les conséquences vont nous affliger est encore indéterminé, et si la Science-Fiction a déjà exploré des possibles, nous manquons de modèles sociétaux durables. L’organisation autoritaire chinoise peut sembler rassurante à certains puissants, elle ne semble pas être soutenable pour autant. Toutefois, il est encore possible de nourrir l’humanité, les réfugiés sont aujourd’hui plus une peur qu’une réalité, et préserver les océans est encore une possibilité stratégique.
Nous sommes dans un moment incertain où les récits sur notre futur nous orientent. Pour en comprendre les enjeux, d’autres attitudes que le déni sont nécessaires. En tant qu’individu, il s’agit d’abord d’accepter notre finitude pour envisager l’avenir, par exemple en devenant des écocitoyens, en s’engageant en politique, voire en devenant militant.
Le deuil de nos paradigmes actuels cache notre peur de mourir. Le nier et le dissimuler à notre descendance serait préparer une crise pire encore. Nos enfants ont besoin d’avoir en exemple des adultes responsables. Il est encore possible de choisir avec discernement les directions que nous pouvons prendre.

Sketchnote de Marjolaine Gaudard (*)

Faire émerger de nouveaux récits collectifs

Arthur Keller (*)


Le monde naturel dans toutes ses dimensions (lithosphère, hydrosphère, cryosphère, atmosphère, biosphère et pédosphère) bute sur des limites. Ce n’est pas une théorie mais un phénomène observé et quantifié. Les ordres de grandeur nous ont dépassé : un chaos climatique en devenir avec, en l’espace de quelques décennies, une augmentation de température supérieure à celle qui a correspondu au passage de l’ère glaciaire à la période interglaciaire ; 68% des vertébrés éradiqués en 46 ans (à l’exception des humains et du bétail) ; la Chine qui utilise en deux ans autant de béton que les États-Unis durant tout le XXe siècle ; une raréfaction prévisible du phosphore et du pétrole, ressources vitales ; etc.

Nous avons perdu le contrôle, et rien ne nous a préparés à ce qui se profile : une grande descente énergétique et matérielle ponctuée de disruptions écologiques et climatiques, accompagnée de raréfactions.

Les sociétés humaines « développées » vont être violemment impactées par ces phénomènes : pénuries, crises socio-économiques et politiques, pannes d’infrastructures, conflits, déstabilisations sociétales. Dénuée de culture du risque et de pensée systémique, la France ne sait pas gérer la dégringolade amorcée. Notre vulnérabilité est systémique.


Développer de nouveaux imaginaires


D’où l’urgence de faire émerger de nouveaux récits collectifs aptes à contrer ceux, délétères, du triomphalisme puéril, no limit, du tout-pour-ma-gueule, du technicisme candide, du repli identitaire, du mysticisme ou du militarisme primaire. La seule voie menant à un futur acceptable pour le plus grand nombre passe par la co-construction, à l’échelle des bassins de vie, de systèmes résilients et inspirants en équilibre avec le monde naturel et ses ressources ; une mobilisation pour un projet citoyen et politique visant à réaffirmer notre attachement aux valeurs de la République : la liberté entendue comme patrimoine collectif et non comme une juxtaposition d’individualismes , l’égalité comme base d’un contrat social renouvelé, la fraternité et la solidarité comme conditions sine qua non de cohésion et de dignité, mais aussi la responsabilité comme impératif partagé à l’heure où nous quittons la stabilité de l’Holocène  (époque géologique en cours, commencée il y a environ 11 700 ans, à la fin de la dernière glaciation).

Un travail de fond s’impose donc pour insuffler des imaginaires vecteurs d’autres valeurs, pour réduire le potentiel destructif du système existant, pour inaugurer des modes de vie résilients à l’échelon territorial aptes à inspirer d’autres contrées, et pour démontrer que nous sommes capables de solidarité et de respect pour ceux qui vivent à nos côtés. Plus que jamais résonne la phrase prononcée par Martin Luther King en 1968 : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »

Rendre le système résilient plutôt que d’anticiper des risques isolés

Dr Patrice Guichard (*)


Depuis une vingtaine d’années, la sécurité des systèmes d’information des entreprises a connu une évolution spectaculaire, étroitement liée à la dynamique d’informatisation des gouvernements et des entreprises et des individus. La complexité croissante des systèmes informatiques, leur coût mais également leur puissance de traitement fait que l’informatique est devenue un élément stratégique pour nos entreprises, nos emplois, nos vies de tous les jours. Dès lors, toute destruction ou altération de nos données, qu’elles soient professionnelles ou personnelles, peut compromettre notre compétitivité, notre image et occasionner des pertes pouvant devenir catastrophiques.

Il y a encore peu de temps, les efforts des responsables informatiques DSI ou des responsables sécurité RSSI se concentraient principalement sur la sécurisation du périmètre autour de leur réseau interne, et il était finalement rassurant pour eux de disposer d’une image convenue de la menace, celle d’un adolescent génial dont « les bidouilles » informatiques faisaient courir un léger frisson d’angoisse dans les services informatiques.

De nos jours, les attaques cyber ne font plus rire personne et les DSI qui qualifiaient encore en 2001 la cybercriminalité comme un épiphénomène ne se risqueraient plus à le faire. Cependant, malgré des investissements colossaux, le déploiement de nouvelles technologies pour sécuriser les réseaux de nos infrastructures, les prises d’otages ou les pillages de nos systèmes informatiques, de nos grands groupes comme de nos petites mairies de campagne n’ont jamais été aussi importants et récurrents. Attaqués par des groupes criminels ou étatiques cherchant à obtenir des informations sensibles (espionnage industriel), à bloquer les infrastructures des pays adverses en cas de conflit ou à obtenir des cryptomonnaies intraçables pour financer leurs exactions. Tout est à vendre sur le net, pour ne pas dire le darknet.

Colosses aux pieds d’argile

Bien que de plus en plus d’entreprises prennent conscience de ces risques et investissent en personnel et en moyens pour en limiter les conséquences, ce phénomène est encore très mal connu et peu maîtrisé par nos dirigeants, qu’ils soient au plus haut niveau de l’État, de leur groupe ou au niveau local (entreprises ou élus). Combien de fois ai-je donné à des dirigeants leur mots de passe que je trouvais dans des bases de données ayant fuitées et disponibles en accès libre ou payant dans le darknet ?

Nos systèmes sont faillibles, et nos entreprises des colosses aux pieds d’argiles. Mais que se passerait- il si demain, un état, des hacktivistes ou des cybercriminels prenaient le contrôle de nos centrales électriques, de nos infrastructures de distribution alimentaire, de nos transports en commun ?

Un grand jeu de domino

Il faut imaginer ces risques comme un grand jeu de domino ou chaque domino serait une menace ou un risque. Les pandémies, les intégrismes religieux, le dérèglement climatique, la géopolitique, les énergies fossiles, les famines, les pollutions ou les attaques cyber inquiètent maintenant au plus haut sommet des États. Si nous nous représentons intellectuellement une menace par un domino, nous pouvons imaginer de très nombreux scénarios catastrophe à effet boule de neige, un comble pour une période de réchauffement climatique.

L’histoire est là pour nous rappeler que nos civilisations, nos pays peuvent s’écrouler en très peu de temps. Des Égyptiens, en passant par les Aztèques, les Romains, les Ottomans, tous ces empires se sont écroulés pour en arriver en 2011 dans une moindre mesure à un petit marchand de légumes de Sidi Bouzid, Mohammed Bouazizi qui, sur une place de marché, s’est immolé devant le gouvernorat de sa région, parce qu’on lui avait confisqué sa charrette de légumes. Un fait divers qui fut l’allumette des printemps arabe. Ou d’un petit Pangolin (il a bon dos, mais bon admettons) qui a mis sous cloche de nombreux pays et a ramené à son port d’attache le fleuron de notre marine nationale, le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle.

Face à ces menaces systémiques, nous devons créer des stratégies et des approches holistiques fondées sur une résilience pluridisciplinaire. C’est ainsi que nous pourrons développer une nouvelle méthodologie plus efficace pour traiter ces risques que ne le feraient des méthodologies classiques et silotées par domaine d’expertise. Il s’agit de sortir d’une approche fondée sur la gestion des risques que l’on sait peu efficace face à ces nouvelles menaces protéiformes et polymorphiques.

La centrale électrique et la salade ?

Quel lien entre une centrale électrique et une salade ? Comme ça, sans recul, ce n’est pas évident. Mais si l’on y réfléchit quelque peu, on s’aperçoit qu’elles sont en réalité étroitement liées. Les personnes en charge de produire l’électricité font également en sorte que la salade puisse arriver dans nos assiettes (et dans la leur !). Comment ? En fournissant de l’Énergie aux ordinateurs assurant la gestion de la chaîne de distribution, puis la chaîne de transport, pour arriver dans l’assiette d’un des contrôleurs de la centrale.  Et que se passerait-il si ce Monsieur n’avait plus à manger ? Pensez-vous que ce Monsieur continuerait à s’occuper de la centrale ou s’occuperait-il de trouver à manger pour lui et sa famille ?

L’avantage des approches fondées sur la résilience, c’est qu’elles mettent en avant les caractéristiques qui permettent à un système de se remettre d’une perturbation et de s’y adapter, c’est l’aptitude d’un système à activer quatre fonctions pour faire face à des événements adverses : planification et préparation, absorption, récupération et adaptation.

Contrairement aux approches basées sur la gestion des risques, où le but est d’identifier chaque risque et de lui apporter une solution ou une recommandation pour le contenir, l’idée de résilience est a contrario de ne pas tenter d’identifier des menaces particulières, mais plutôt de partir de l’hypothèse qu’à un moment donné, un risque, une menace ou plusieurs menaces combinées se matérialiseront et viendront perturber le système tout entier. Il s’agit donc de nous préparer à une situation, quelle que soit sa forme, même si elle est impossible à anticiper et qu’elle ne s’est jamais produite. Pour faire un résumé simpliste de notre approche, si la centrale est à l’arrêt à cause d’un stress hydrique et que la chaîne de distribution est impactée, la solution pour notre contrôleur serait peut-être de cultiver sa propre salade, ou que le village à côté de la centrale soit le plus autonome possible.

Aujourd’hui, sans verser dans le catastrophisme, nous devons nous préparer sans savoir quel domino va tomber le premier et quelles en seront les conséquences sur nos vies. La pandémie à l’air bien partie pour commencer la boule de neige. Et comme disait Voltaire : « Cultivons notre jardin ».

II – L’ALIMENTATION,
AU CŒUR DES ACTIONS À MENER



La résilience alimentaire, une affaire de sécurité nationale

Stéphane Linou (*)


Que dit l’intelligence artificielle sur l’alimentation des populations en cas de crise systémique empêchant les transporteurs de livrer les magasins en nourriture ? Rien ! Cette intelligence alerte-t-elle les neurones des décideurs politiques sur ce manque de résilience alimentaire ? Non !


Un aveuglement

Il semble que nous ayons à faire à un aveuglement… C’est d’autant plus curieux que garantir les conditions d’un minimum de sécurité alimentaire était un pilier de la légitimité des « ancêtres » des maires, les consuls au Moyen Âge. Il faudrait s’interroger sur cet élémentaire « talon d’Achille alimentaire », où même les campagnes sont actuellement incapables de subvenir à l’alimentation des ruraux.

L’époque où les fermes étaient encore nombreuses, autonomes et diversifiées, est révolue. Un premier réflexe pourrait nous faire dire que les « autorités », dont l’Armée, ont des stocks pour la population : c’est manifestement faux. Un second réflexe serait de penser que les associations incluses dans les plans communaux de sauvegarde (PCS) ont des stocks ; eh bien, pas vraiment car elles se fournissent dans… les grandes surfaces.

À l’heure du tout–connecté et des cyberattaques, où le lien social se délite et qu’une infime partie de la population produit sa nourriture, que se passerait-il si la chaîne d’approvisionnement connaissait une sérieuse avarie (blocages, malveillance, etc.) ?
Une « pathologie territoriale » se déclarerait sous la forme de troubles à l’ordre public.

L’angle mort

Le risque alimentaire est perçu sous l’angle normatif et sous l’angle de ses excès, jamais sous l’angle d’un éventuel non-accès. Une des grandes limites de l’aménagement du territoire, pensé selon les contraintes du pétrole et des politiques de gestion des risques, est que l’alimentation des territoires est un angle mort. Il existe une impensable et dangereuse impasse sur le sujet. La vulnérabilité alimentaire territorialisée est absente des politiques (loi Egalim ; loi de modernisation de la sécurité civile ; PPR ; Sdacr ; sites gouvernementaux ; loi de programmation militaire, où l’alimentation ne concerne ni le foncier, ni les agriculteurs, ni les exploitations).
Le 12 décembre 2019, Françoise LABORDE, sénatrice de la Haute-Garonne, a présenté un projet de résolution intitulé « Résilience alimentaire des territoires et sécurité nationale ». Le gouvernement, après avoir reconnu un « Risque Majeur », a déclaré que « Les risques pesant sur la sécurité alimentaire ne s’arrêtent pas aux frontières des pays défavorisés. La France, comme l’ensemble des pays industrialisés, est-elle aussi directement concernée, malgré une production de denrées agricoles importante et supérieure à ses besoins. La réduction des surfaces agricoles, l’artificialisation des terres, la raréfaction des ressources hydriques, l’hyper-sophistication des chaînes d’approvisionnement et la dépendance extrême aux énergies fossiles, sont autant de facteurs qui rendent notre système alimentaire particulièrement vulnérable face aux menaces systémiques. La question du lien entre résilience alimentaire des territoires et sécurité nationale mérite d’être pleinement prise en compte, eu égard à l’actualité. Le Gouvernement est globalement d’accord avec l’esprit et les orientations de cette proposition de résolution. »

Déléguer notre alimentation à d’autres est pure folie”, a déclaré le Président de la République pendant le premier épisode de COVID, faisant écho à mes travaux et aux réactions de son gouvernement réagissant à ceux-ci: tout est désormais officiel… Tout est désormais officiel.

Il est aussi urgent de penser et de matérialiser, réellement sur l’ensemble de son spectre (en commençant par la vie bactériologique des sols), la souveraineté alimentaire et l’autonomie stratégique, comme le Général de Gaulle le fit en matière de défense avec la BITD (base industrielle et technologique de défense).

Créer des ceintures d’autonomie alimentaire

Céline Basset (*)


Comme on vient de le démontrer : nous sommes très vulnérables et la résilience alimentaire est un impensé.  Face aux enjeux annoncés par les spécialistes, le challenge consiste à fournir un outil de transition qui répond à la fois aux besoins alimentaires immédiats d’une population tout en respectant les délais des processus régénératifs des écosystèmes (sol, forêt, cycle de l’eau). La pression productive et la recherche de rentabilité des sols ne permettent pas aux écosystèmes de se rétablir. Même si l’ensemble du pays (67 millions de français à nourrir) adoptait immédiatement une agriculture régénérative, la production ne serait au rendez-vous que d’ici quelques années.

À bout de souffle

En effet, selon la succession écologique (processus naturel de développement d’un écosystème en une succession de stades), les délais de régénération d’un sol s’étendent de cinq à plusieurs dizaines d’années. Ce temps est nécessaire afin que ces derniers redeviennent fertiles et productifs. Ceci est valable à l’échelle mondiale, et cet impensé agricole doit être considéré pour alimenter 7.8 milliards d’êtres humains.

Dessin de Marjolaine Gaudard (*)

En cas de rupture des chaînes d’approvisionnement alimentaire et de pétrole, comment nourrir 67 millions de français lorsque les sols sont à bout de souffle, les agriculteurs de moins en moins nombreux et la population moins tolérante à la frustration ?

Nourrir à vitesse grand V pendant que l’écosystème prend son temps

Les “ceintures alimentaires” combinent de petites unités de production d’aquaponie régénérative des sols qui répondent aux besoins d’urgence de sécurité alimentaire et de reconstitution des milieux écologiques fertiles, par l’action des micro-organismes et par la gestion économique de la ressource en eau.

L’aquaponie est un système de culture ancestral dont la tradition millénaire s’ancre dans les cultures de l’Amérique centrale et de l’Asie. Elle associe en symbiose l’élevage de poissons (aquaculture) aux cultures de type maraîchage sur eau dans un circuit d’eau fermé en constante recirculation. Les poissons produisent les nutriments pour les plantes qui, en retour, assainissent l’eau des poissons.

L’aquaponie régénérative est une triple culture, elle reprend les principes de l’aquaponie en se concentrant et en optimisant la culture des micro-organismes. Elle permet donc de produire sur de petites surfaces l’essentiel des besoins alimentaires en protéines animales et en végétaux d’une population, tout en ensemençant les sols avec ces micro-organismes (brevet déposé). Elle assure donc de manière transitoire et temporaire la production, le temps d’agrader le sol avec ces ensemencements.

Les ceintures alimentaires proposent de réduire la fenêtre d’insécurité alimentaire qui est actuellement de 5 à 10 années à quelques semaines.

Grâce aux dispositifs de ceintures alimentaires urbaines et rurales développés par Blue Soil (https://www.bluesoil.org ), et validés par 6 ans d’expérience dans des conditions parfois extrêmes, l’aquaponie régénérative des sols se différencie des systèmes aquaponiques à très grande échelle.

Ne pas retomber dans les travers de l’agriculture intensive

En effet, ces systèmes à grande échelle sont bien souvent des modes de production centralisés, dépendants des transports. Ils sont donc indexés sur le pétrole (intrants, phosphore, fer) et surtout affranchis du sol (aucun aspect régénératif). De plus, ils nécessitent l’artificialisation de grandes surfaces de terres agricoles et sont très énergivores (électricité, led).

A contrario, les ceintures alimentaires privilégient de petites unités d’aquaponie régénérative autonomes et solidaires. Elles sont opérées localement, volontairement proches des habitants qu’elles nourrissent (ceinture alimentaire urbaine). Elles sont aussi liées aux exploitations agricoles existantes dont elles contribuent à régénérer les sols (ceinture alimentaire rurale). Un dispositif permet pour qu’il se déploie sur un continuum temporel calibré à la fois sur la sécurité alimentaire et la succession écologique des écosystèmes.

À la fois vitaux et interconnectés, les enjeux alimentaires et écologiques autour des ceintures alimentaires sont triples. D’abord il y a la résilience alimentaire. Ensuite, connectées aux exploitations agricoles, les ceintures alimentaires rurales permettent de multiplier les lignes de productions et sources de revenus pour les agriculteurs tout en régénérant le microbiote du sol. Enfin, la construction de ces ceintures, leur maintenance, leur fonctionnement sont d’excellents gisements d’emplois locaux non délocalisables sur une gamme élargie de compétences. Depuis des formations, en amont, jusqu’à la distribution en aval, se structure alors une filière économique autonome et moderne qui canalise les énergies locales, favorise la créativité, l’entrepreneuriat et les investissements. Mais aussi, revitalise les quartiers urbains où elle est implantée et irrigue de nombreux secteurs associatifs et économiques.

L’antivirus : le bon sens

Alexandre Boisson (*)


Veut-on vivre les événements de Dijon ou de Montpellier à l’échelle nationale, quand les armes illégales sortent de leur cachette ? Veut-on qu’elles sortent devant des supérettes et supermarchés vides ? Quel pouvoir disposera d’intelligences artificielles assez efficaces face à des réalités de terrain guidées par l’émotion ? Devant une telle désorganisation sociétale (impliquant bon nombre de nos systèmes numériques, énergétiques…), le cognitive computing ne risquerait-il pas le blackout énergétique ? Qui aurait le ventre assez plein pour aller à la centrale ? Livrer le carburant ?

L’efficacité d’une intelligence artificielle non alimentée en énergie doit correspondre à un membre du Groupe de la Sécurité du Président de la République ayant le ventre vide depuis 4 jours… Le GSPR, j’en ai fait partie pendant 9 ans. Et la composition de mon frigo ressemblait à celle de monsieur Toulemonde. Aucune résilience alimentaire locale ne garantissait le remplissage de ce frigo. En cas de virus mortel ayant neutralisé les transporteurs routiers à l’époque où je protégeais le président, ce frigo aurait été vide. Et le mien était également celui de ma famille. A ce titre, aujourd’hui, qu’en est-il du don d’ubiquité des gardes du corps de nos élites en cas de crise systémique majeure ? Peuvent-ils être à la fois auprès de leurs familles en danger et auprès des élites ?

L’anti-virus de cette vulnérabilité systémique semble donc être le bon sens humain. Que ce soit le climat, les problèmes d’approvisionnement énergétique, la cybercriminalité, les sols dégradés, tout nous ramène à la mère de toutes les résiliences : disposer de nourriture. Allié à l’éthique et au sens de la responsabilité, ce bon sens humain peut encore faire des merveilles en termes d’anticipation de crises majeures et de crises systémiques. L’étude de 2014 d’un des plus grands réassureurs, la SCOR, alertait sur une éruption solaire qui aurait pu ramener notre civilisation au XIXème siècle.  Cette étude a été publiée par Romain Launay, conseiller du PDG de la SCOR, et elle détaillait l’effet du blackout électrique mondial sur nos sociétés. Cette tempête solaire aurait pu neutraliser tous nos systèmes électroniques. La NASA n’en prévoit-elle pas d’autres ? Quid de nos résiliences avec une telle tempête solaire ? La sensibilisation des populations à travers nos mairies est donc l’étape numéro 1 de ce bon sens à très vite mettre en action.


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(*) Alexandre Boisson
Après 15 ans passés dans la sécurité publique, dont 9 ans au sein du Groupe de Sécurité du Président de la République, Alexandre Boisson s’est spécialisé dans l’anticipation de crises systémiques, leur gestion et la sensibilisation de la population aux risques majeurs. Il est co-fondateur de SosMaires.org et d’ExistenceB.fr. On peut le suivre sur alexandreboisson.fr et alexandreboisson.com . Il collabore à ESPRITSURCOUF, dans le n° 141 du 29 juin 2020 « Quand impensé rime avec insensé »  nous présentons aussi son dernier livre « Face à l’effondrement, si j’étais maire »

(*) Laurent Aillet
Consultant en gestion des risques, Ancien Directeur des risques industriels et Responsabilité Sociale de l’Entreprise (Bosch, Faurecia, Alstom…), Co-coordinateur de l’ouvrage collectif Collapsus et Président de l’association Adrastia.org

(*) Céline Basset
Fondatrice de l’entreprise agricole Blue Soil, Présidente de l’association Archimède pour la diffusion des savoirs et savoirs-faires, vice-présidente de l’association Résilience & Innovation (organisme de formation) & maraîchère permacultrice. Master Recherche sciences humaines & sociales, spécialité neuropsychologie, psychologie et neurosciences.

(*) Marjolaine Gaudard
Facilitatrice graphique, experte en modélisation des notions complexes sous la forme de dessins et de mots-clés.

(*) Dr Patrice GUICHARD
PDG de CELTEAM. Expert en sécurité des SI, en intrusion et OSINT. Expert en criminalistique près la cour d’appel de Paris

(*) Stéphane LINOU
Ancien Conseiller général et municipal, Pionnier du mouvement locavore en France, Auteur du livre-enquête « Résilience alimentaire et sécurité nationale », Consultant en gestion des risques sur les territoires, Auditeur de l’IHEDN. Son livre-enquête « Résilience alimentaire et sécurité nationale », a reçu le prix national du Forum des Risques Majeurs, et le soutien du Secrétariat Général de la Zone de Défense et de Sécurité de Paris, et la Direction du Renseignement de le gendarmerie nationale.

(*) Arthur Keller
Spécialiste des risques systémiques et des stratégies de résilience.

Bonne lecture et rendez-vous le 30 novembre 2020
avec le n°152

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