CRIMÉE :
RUSSIFICATION ET DÉSOCCUPATION

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Dominique Dubarry (*)
Expert en géostratégie
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Le 24 août, l’Ukraine célébrera sa fête nationale et son indépendance. Elle est toujours amputée d’une partie de son territoire, la Crimée, annexée par la Russie de Poutine. L’auteur nous rappelle qu’il s’agit là d’un conflit sérieux aux portes de l’Europe, à ne pas oublier.
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près l’implosion de l’URSS, l’intégrité territoriale de l’Ukraine avait été garantie, en échange de sa dénucléarisation, par le Mémorandum de Budapest de 1994, signé par les Etats-Unis, la Russie, la Grande Bretagne, la France et la Chine. En 2014, l’entrée des troupes russes en Crimée était donc une violation sans équivoque du droit international, qui a laissé pantois les cosignataires. En huit ans, la présence militaire russe a plus que doublé, avec un quadrillage accentué des trois armes, air, terre, mer et l’apparition de systèmes à capacité nucléaire, comme le BUK M 2.

La russification en marche

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La violation des droits de l’homme s’est institutionnalisée avec l’arrivée des Soldats Non Identifiés en Crimée, suivis par les agents qui manient la matraque, les spécialistes du FSB et du GRU. Ils accélèrent la russification avec l’établissement forcée de passeports, les expulsions, confiscation des terres, expropriations illégales, discriminations raciales. La russification vise aussi la destruction des sites historiques ukrainiens inscrits au Patrimoine mondial par l’UNESCO, comme l’ensemble de BAXUQCAPARAI. La suppression des libertés vise les prisonniers politiques, les journalistes, la liberté religieuse. Le Mejlis du peuple Tartare est interdit, l’Eglise orthodoxe d’Ukraine est expulsée de la cathédrale de Simphéropol.

La Crimée est un territoire occupé, le gouvernement de Kiev précise toujours « provisoirement ». L’Assemblée Générale des Nations-Unies a déclaré l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans sa résolution 68/262 du 27 mars 2014. Peu après, le 1er juillet, l’assemblée plénière de l’ONU a ajouté « cette occupation est un acte illégitime et illégal dont les résultats n’ont aucun effet juridique ». Et depuis 2016, les mouvements continuels de troupes russes ont été recensés et soulignés chaque année en fin décembre par les Assemblée Générale des Nations Unies.

Cette carte, avec une  illustration de Sébastopol, a été éditée en 1855, pour aider les Français à comprendre la guerre que menait contre la Russie, en Crimée, l’Empereur Napoléon III. Photo DP

Le gouvernement de Kiev veut faciliter la protection des Ukrainiens vivant en Crimée. Il a donc nommé un représentant permanent, Anton Korinevich, dont la mission est de mettre en œuvre la stratégie de désoccupation et de réintégration de la Crimée.  Le souci du président Zelinsky vise à faciliter les entrées et sorties des citoyens sur le territoire de Crimée. A cet effet, deux points de passage ont été aménagés à Chongar et Kalanchak. Les citoyens ukrainiens dont les biens ont été confisqués recevront une assistance juridique pour les aider à saisir le Procureur de la Cour Pénale Internationale pour faits de crimes de guerre.

Conséquences en mer Noire et mer d’Azov

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Un simple regard sur les cartes des deux mers entre l’époque soviétique et aujourd’hui est édifiant, le maître du Kremlin a pratiquement récupéré l’espace maritime stalinien, à l’exception de la partie ouest de la mer Noire, qui borde Odessa, Roumanie et Bulgarie. A la pointe sud de la Crimée s’ajoute la zone des 200 miles ZEE intégrée à Moscou qui tangente la partie sud de la Turquie. Quant à la mer d’Azov, le pont de Kertch verrouille son accès par sa hauteur volontairement basse qui empêche le passage des grands porte-containers. Son accès très militarisé empêche la marine ukrainienne d’y naviguer alors que le pays est propriétaire de 62% de cet espace !

Le pont de Crimée, au-dessus du détroit de Kertch, a été inauguré par Wladimir Poutine, au volant d’un camion, en août 2018. Photo DR

Ces perturbations imposées par les armes modifient la géostratégie des utilisateurs de la mer Noire et du bassin méditerranéen. Mais elles annoncent aussi le déclin économique du Donbass et la mort programmée des deux ports de Marioupol et Berdiansk.

De son côté Moscou doit assurer les dépenses de ses militaires. La Crimée aujourd’hui ne reçoit plus 5 millions de touristes qui boudent un pays surarmé. Elle subit de plus une catastrophe écologique par manque d’eau douce et résurgence de la salinité. Quant au pont de Kertch (19km), un an après son inauguration, trois crevasses étaient déjà apparues. La Russie a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Le concept de désoccupation

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Le gouvernement de Kiev développe un processus stratégique, valorisant systématiquement la Clause Crimée dans les rencontres diplomatiques ou dans la signature de contrats internationaux. Il s’agit d’appliquer une politique de non reconnaissance  systématique des autorités d’occupation russes, et de consolider les efforts diplomatiques en y insérant des clauses favorables à la désoccupation de la Crimée (ONG, Instituts de recherche et universitaires).

Le 24 août 2021 L’Ukraine va donc célébrer sa fête nationale, rappelant les années pleines d’espérances de 1991 et les déceptions qui ont suivi. Une plate-forme Crimée sera annoncée à cette occasion, qui sera complétée par une Charte décrivant la vision et la consolidation de la politique de l’Ukraine vis-à-vis de la Crimée, sa mise en place et son application.

 

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(*) Dominique Dubarry

Spécialiste de la commercialisation de produits de défense et sécurité en Amérique du Nord, dans le nord de l’Europe et spécialement dans les trois pays baltes, Lituanie, Lettonie, Estonie. Ancien auditeur de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale et du Centre des Hautes études de l’Armement. Il fut affecté à l’État Major Réserve de la Sécurité Civile de 1989 à 1994 en tant que Lt-Colonel. Il est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes français de l’Ukraine et des pays baltes, si longtemps convoités par leurs voisins et trop souvent occupés par eux jusqu’en 1992. Il a publié de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’automobile, puis deux livres « Les Rencontres Franco-Baltes » en 2006, et« France-Pays Baltes » en 2010, traduit en lituanien. Il est l’auteur « D’une mer l’autre, de la Baltique à la Mer Noire: la confluence de deux mondes », livre présenté dans la rubrique LIVRES d’ESPRITSURCOUF du n° 92 du 28 janvier 2019.

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