1921-1923 : LA FRANCE FINANCE HITLER

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François Bayle (*)
Journaliste et écrivain.

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Pour employer une expression populaire, l’agression de l’Ukraine par la Russie est l’occasion de « remettre les pendules à l’heure ». Et l’auteur de clamer haut et fort ce qu’il pense des propagandes, des manipulations et des agents d’influence, qu’il appellera la cinquième colonne. Au fil de sa pensée, et comme il vient de publier un ouvrage sur les relations entre la France et l’Allemagne (« Histoires secrètes du couple franco-allemand », éditions Talent), il en profite pour nous dévoiler au passage un secret, ancien, mais réellement resté dans l’ombre : entre 1921 et 1923, la France a financé Hitler !

Aujourd’hui comme hier, sur l’échiquier politique, les extrêmes, leurs partis, leurs discours, restent les vecteurs d’attaques sournoises ou violentes de ceux qui n’aiment ni notre imparfaite démocratie ni notre mode de vie. L’actualité est marquée par la présence de ces formations politiques, en France comme en Allemagne par exemple. le parti AfD, ouvertement nostalgique du Troisième Reich, demande ainsi la réhabilitation d’Hitler, pratiquant l’assassinat politique, arrivé en tête aux récentes élections dans les Lander issus de l’ex RDA.

Il faut cesser d’être dupes des manœuvres qui se trament dans ces partis et officines, qu’ils soient de droite ou de gauche. L’objectif est d’affaiblir un pays qui ne partage pas le même point de vue, qui fait obstacle à un projet de puissance. C’est ainsi qu’agissent ces agents d’influence : affaiblir l’autre, par la confusion des esprits, par la division du peuple, par la diffusion d’un sentiment d’impossibilité, d’échec, d’abandon.

Nous aussi, Français, devons revenir sur une période trouble. C’était il y a longtemps, et pour des raisons que même des historiens allemands jugèrent finalement assez bonnes : à ses tous débuts, Adolf Hitler fut aidé par les services secrets français. Dite comme cela, la phrase peut surprendre, voire choquer. Cette affaire, aussi ahurissante soit-elle, n’est qu’un élément parmi tous ceux qui jalonnent un siècle entier de « relation infernale » entre la France et l’Allemagne. Au moment où nos opinions publiques comprennent de mieux en mieux l’urgence de renforcer la construction européenne et d’assurer en commun la paix sur notre continent, il ne faut plus hésiter à ouvrir les placards de l’Histoire et à en sortir tous les cadavres qui peuvent encore y traîner. Surtout s’ils sont vieux d’un siècle !

Au lendemain de la Grande Guerre

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L’affaire peut se résumer assez simplement. Lorsque se termine la guerre de 1914-18, l’Allemagne se trouve dans une situation paradoxale : elle est vaincue mais aucun combat n’a eu lieu sur son sol, aucune destruction, aucune perte, aucun blessé parmi les civils. Si rien ne saurait mettre en doute le talent militaire et la bravoure des armées alliées, le capitaine Charles De Gaulle, dans La discorde chez l’ennemi, le premier livre qu’il publie en 1924, estime que les dissensions politiques et stratégiques au sein des dirigeants allemands et austro-hongrois ont été déterminantes dans l’issue de ce conflit. Parmi les soldats démobilisés et le peuple allemand, la rancœur est immense envers ses élites.

Dès 1920, l’extrême-droite bavaroise, catholique et royaliste, rêve de séparer la Bavière de cette Prusse de gauche, protestante et républicaine. À Munich, les tribuns pullulent dans les arrière-salles enfumées des brasseries, tentant d’embrigader les innombrables anciens combattants dans une nébuleuse de petits partis. Parmi eux, celui qui se fait remarquer très vite par son talent d’orateur, son charisme, ses outrances, Adolf Hitler.

Hitler avec quelques- uns des premiers membres de son mouvement, en septembre 1923 à Nuremberg. Photo Bundesarchiv DP

Dès 1921, un officier français, le commandant Xavier Augustin Richert, affecté sous couverture en Sarre pour y susciter des réseaux francophiles, de passage dans la capitale bavaroise, découvre cet Hitler qui, à l’époque, ne représente pas grand-chose mais qui picore dans le marigot extrémiste les idées, les hommes, et même la croix gammée, avec lesquels il tente de constituer un parti. Sa grande idée, c’est de s’adresser aux anciens combattants, démobilisés sans solde et sans travail, qui noient leur misère et leur colère dans leurs pintes de bière. S’ils adhèrent au jeune parti nazi, ils reçoivent gratuitement des chaussures solides, des vêtements chauds et neufs ; ils sont nourris et logés durant ces weekends et périodes d’exercices paramilitaires, où ils retrouvent la fraternité de gens qui leur ressemblent.

La France à la manœuvre

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Tout cela est astucieux mais coûte beaucoup d’argent. Le commandant Xavier Augustin Richert, comprend rapidement le parti que la France pourrait en tirer. D’autant que ces extrémistes luttent presque tous pour la rupture entre la Bavière et la Prusse et pour l’instauration d’une monarchie bavaroise amie de la France. Si cela advenait, c’en serait fini du bellicisme allemand. Soutenir ces nazis, les encourager dans leur projet de putsch séparatiste, Richert, et derrière lui Poincaré, voit bien ce que cela apporterait à la France mais aussi à la paix mondiale. C’est bien ce que comprend en 1984 l’historien allemand Herbert Behrendt qui fait de Poincaré, si l’opération Richert-Hitler avait fonctionné, le potentiel « sauveur de la paix en Europe ».

L’agent secret français s’attelle donc à la tâche, monte son réseau, réunit des proches du Führer, les aide à concevoir leur putsch, les abreuve d’argent français d’autant plus précieux que l’inflation gangrène déjà la monnaie allemande. Il emmène même à Paris, à l’Assemblée Nationale, les deux principaux responsables du réseau pour qu’ils rencontrent divers responsables politiques français, bref il remplit sa mission avec un certain talent. Mais avec un manque évident de discrétion puisque tout laisse à penser que le « réseau Richert » sera dénoncé à la police de Berlin par les services secrets anglais, Londres ne souhaitant pas que la France tire un trop grand bénéfice politique de cette opération… Entre alliés, tout est permis !

Le putsch est programmé en février 1923, puis repoussé en mars, mais avant sa réalisation, tout le réseau est arrêté par la police de Munich, à l’exception de Richert qui a le temps de sauter dans un train déguisé en modeste ouvrier alsacien.

Télégramme, chiffré évidemment, pour annoncer un premier report du putsch des nazis. Document de l’auteur

Cette fuite ne doit rien au hasard ou à la chance : le chef de la police de Munich, Ernst Pöhner, déjà secrètement très proche d’Hitler, voulait éviter les révélations qu’aurait pu faire Richert. En novembre 1923, cette fois sans l’aide des Français, les nazis déclenchent leur propre putsch, qui est un échec complet. Hitler est arrêté et emprisonné. C’est à ce moment-là qu’il écrit Mein Kempf et devient une figure politique nationalement connue en Allemagne. Chez les nazis, l’idée de la scission bavaroise n’est plus à l’ordre du jour, c’est au contraire le projet de la « Grande Allemagne » qui s’impose.

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(*) François Bayle, journaliste, écrivain, communicant, est depuis 10 ans installé à Bruxelles où il assiste des entreprises et personnalités françaises dans leur démarche européenne. Passionné d’histoire, il a participé à des recherches approfondies sur la relation franco-allemande, dont il se sert pour éclairer l’état actuel du « couple franco-allemand », souvent appelé « le moteur de l’Europe ». Il vient de publier « Histoires secrètes du couple franco-allemand », présenté dans la Rubrique LIVRES de ce numéro d’ESPRITSURCOUF

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