DÉFENSE ET POLITIQUE : L’ENJEU DE LA PRÉSIDENTIELLE
Patrick Toussaint
Cette campagne est tout à fait surprenante et parfois complètement surréaliste.
Si l’on regarde, avec beaucoup d’attention, car il est plutôt discret, le volet de la défense des programmes des différents compétiteurs, on relève des choses tout à fait surprenantes.
Cela va de la nécessité d’avoir un fusil français pour nos troupes (ce qui fut fait dans les années 1975-1980 à un coût prohibitif) au repli de la France dans son hexagone sans s’occuper vraiment de ce qui se passe dans le monde.
Ce qui est curieux est que l’on entend partout dire que la sécurité est au cœur des préoccupations des Français.
Paradoxalement, lorsque l’on écoute les débats, lorsque l’on lit les journaux, la sécurité n’est, le plus souvent, abordé que le biais de la sécurité dans l’hexagone et par la nécessité de cesser d’avoir recours à l’armée sur ce théâtre d’opérations.
Or, « La défense nationale est la première raison d’être de l’Etat » disait à Bayeux le Général de Gaulle ».
Puisque tout le monde est gaulliste à présent, il serait peut-être bon de lire ce qu’il a dit ou écrit et de méditer sur ses pensées.
Tout le monde est d’accord qu’il est nécessaire d’arrêter la désastreuse politique de déflation, à tout prix, à la fois des effectifs et des moyens et qu’il faut augmenter le financement des besoins de la défense car les ravages de la non prise en compte des financements nécessaires de la défense depuis 35 ans sont effroyables.
Toutefois, l’on s’en tient à une montée progressive des financements pour atteindre le seuil de 2% du PIB voir même de 3% et pas tout de suite mais progressivement.
Il est absolument certain que les financements de la défense doivent augmenter progressivement mais ce ne sera possible pour un certain nombre de besoins qui, s’ils ne sont pas résolus rapidement, vont obérer ce redressement.
Quel est le problème ?
Ce « surge », dirait nos amis américains, passe, d’abord, par une augmentation de nos effectifs.
L’augmentation des effectifs résulte de l’attractivité de fonction militaire et cette attractivité repose sur deux paramètres : l’un lié au renouvellement des engagements et l’autre de l’attractivité pour les jeunes non encore engagés.
Il faut savoir que le besoin en personnel a représenté un besoin de 26.000 personnels en 2016 et sera au moins aussi élevé en 2017.
L’armée française de ces dernières années n’a pas eu trop de problèmes dans le passé car les jeunes étaient attirés, en bonne partie, par les opérations extérieures (les fameuses OPEX) mais cela ne sera beaucoup moins le cas, d’une part, parce que les conditions des OPEX sont perçues comme moins intéressantes et trop dangereuses ( par exemple 60 % des véhicules ne sont pas protégés et que les matériels sont souvent en panne malgré les efforts considérables de maintenance et aussi non modernisés – on pense aux Mirage 2000 ), et d’autre part, parce que la vie militaire n’est plus aussi attractive : trop d’enchainements des opérations intérieures et extérieures donc surchauffe qui atteint la vie de famille et le besoin de repos et moins d’entrainement dans des cadres modernes (CENZUB, CENTAC à mettre à jour eux aussi) d’où moins de réengagements et moins d’engagements supplémentaires.
Quelles sont les points sur lesquels il faut agir :
1/ résoudre le problème du logiciel de paiement des soldes : Monsieur Le Drian, qui est un bon ministre de la Défense, semble n’avoir pas pu régler ce point qui pourrit la vie des militaires au jour le jour et surtout en OPEX ;
2/ rétablir, par une action rapide, le problème du logement des militaires dans les casernes et dans les logements extérieurs pour les familles.
Ce problème est parfaitement connu des chefs d’état- major. Par exemple le CEMAT chiffre le besoin à 6 € par mètre carré alors que le financement actuel est de 2 € par mètre carré ce qui ne suffit pas à freiner la dégradation des immeubles. Il faut aussi penser au logement des troupes engagées sur le territoire national.
3/ amélioration de la condition financière des personnels de la Défense donc revalorisation des rémunérations ;
4/ reconstitution des stocks de munitions et de rechanges ;
5/ mise à niveau de la maintenance ce qui est un vaste problème mais dont le coût pourrait peut-être réduit par la mesure suivante ;
6/ et, sans doute, accélérer la livraison de matériels neufs comme le VBRM blindé, au lieu d’avoir à remettre en état des véhicules anciens non protégés comme le VAB qui a 40 ans : la remise en état de ces véhicules, après leur passage dans la zone de combat du théâtre sahélo-saharien, implique de tout démonter jusqu’à la caisse nue pour pouvoir enlever le sable abrasif de cette contrée et ses insuffisances ne seront pas , pour autant, résolues.
Toutes ces opérations ne peuvent être réalisées qu’avec un financement immédiat destiné à la solution de problèmes immédiats.
La Défense ne pourra pas éluder un emprunt (de l’ordre de trois milliards selon les estimations) qui n’empêchera que l’objectif de 2 % voire 3 % du PIB devra être atteint très vite.
Patrick TOUSSAINT
03/04/2017.