L’UNIVERSEL
ET
LA LAÏCITÉ

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.Christian Fremaux (*)
Avocat honoraire
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La ministre Marlène Schiappa a lancé un grand débat public sur la laïcité, qui est devenu prétexte à agitation. Une occasion d’exercer sa grogne que ne pouvait laisser passer notre auteur, très jaloux du caractère universel de la laïcité.

La laïcité, pour la plupart des citoyens qui la connaissent en pratique depuis plus d’un siècle, est un concept républicain à vocation universelle qui doit s’appliquer à tous sans distinction. Elle s’inscrit dans les rapports de tous ceux qui partagent un territoire et qui font nation.

C’est une liberté fondamentale pour ceux qui croient, comme pour ceux qui ne pensent spirituellement à rien, et pour l’ensemble de la population qui veut vivre en paix. La liberté de conscience doit rester dans la sphère privée et se conformer aux lois. Mais cette valeur fondamentale est interprétée dans tous les sens. Elle est parfois considérée comme un danger, et est donc critiquée, voire haïe. C’est un contresens absolu.

 Est- ce la notion d’universalisme qu’il faut relativiser, comment, jusqu’à quelles limites, faut-il faire de la république et de ses principes une auberge espagnole ?


Des embrouilles qui désespèrent

?
Nous devons éduquer et surtout convaincre, en particulier les nouveaux arrivés qui semblent avoir du mal à comprendre. Il va falloir expliquer et expliquer encore que ce qui est bon pour la liberté de conscience concerne tout le monde. La laïcité n’est pas une spécificité française. Le lointain prédécesseur de M. Erdogan,  Mustapha Kemal Atatürk, 1er président de la République turque en 1923, l’avait instaurée dans son pays.

Universel s’oppose à particulier. La République n’a pas à s’adapter à toutes les particularités et demandes. La laïcité ne peut pas se diviser en stricte observance ou en régime plus libéral, ouvert aux exceptions. A défaut le caractère d’universel n’a plus de sens.

La ministre veut s’adresser prioritairement aux jeunes, mais les plus anciens ont aussi besoin de cours de rattrapage, car ils ont vécu une période où l’on savait que le débat sur la place des religions dans l’État était clos après la loi de 1905. On s’est trompé, le débat n’est pas clos, l’actualité nous le prouve. Désormais, il faut trouver des solutions concrètes pour que chacun, différent de l’autre, ne s’estime pas victime éternelle et retrouve sa sérénité. .

Photo DR

La laïcité pour les « nuls ».

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Le président Macron, à la télévision américaine, atenté d’expliquer à sa façon ce qu’était la laïcité. Notre humanisme, nos principes, notre mode de vie sont combattus aux USA, surtout par des étudiants qui se disent intellectuels et qui crient au racisme, à l’inégalité, à la discrimination, au post-colonialisme. L’histoire de France n’a pas besoin d’être revue et corrigée de ses taches d’ombre, qui existent comme partout. L’universalité des droits de l’homme semble, pour certains illuminés des campus, ne pas avoir franchi l’Atlantique malgré la Constitution adopté en 1786 aux Etats-Unis.

Des étudiants américains qui se disent être des « wokes » (des réveillés) voient du mal partout : toutes les minorités particulièrement de couleur non blanche seraient des victimes, sont encore dominées, ne sont pas égales en droit. Notre devise qui y ajoute la liberté et la fraternité ne serait qu’une joyeuse farce d’hypocrisie et de soumission. On incite ainsi, de loin, à la révolte, la laïcité n’étant qu’un prétexte à interdictions, à brimades, à l’autoritarisme. Elle empêcherait la liberté de conscience de s’exercer. C’est confondant de bêtise. Il faut réagir et apprendre la citoyenneté à la française pour tous .

La laïcité c’est une liberté, l’émancipation qui permet de vivre au milieu des autres, en se complétant, dans un cadre républicain de devoirs collectifs, sans imposer quoi que ce soit à personne. L’État est le garant de la liberté de conscience. Il ne subventionne aucun culte, il reste neutre, mais n’interdit rien. L’universel permet de dépassionner et de dépersonnaliser le débat d’idées. Il ne peut être relatif, car tout ne se vaut pas. Il doit conduire au consensuel.

Dans son ouvrage « Le crépuscule de l’universel « aux éditions Cerf, Chantal Delsol écrit : « peut-être avons-nous été trop loin dans l’enthousiasme… en considérant qu’il s’agissait d’une utopie universelle » .Faisons comme le voulait le slogan de mai 68 : « soyons réalistes, demandons l’impossible ». Il faut y croire, sinon ce sera l’aventure.

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(*) Christian Fremaux, avocat honoraire du barreau de Paris, est diplômé de CEDS (centre d’études diplomatiques et stratégiques), auditeur de l’IHEDN, et président d’honneur, après en avoir été président actif pendant douze ans, de l’association des auditeurs de l’INHESJ (Institut National des Hautes Études de Sécurité et de Justice). Il a enseigné jusqu’en 2005 à HEC et dans plusieurs universités parisiennes. Il a été élu à l’Académie des Sciences d’Outre-mer et est actuellement président de séance auprès du Conseil des Prudhommes de Paris.
Il a publié de nombreux articles dans la presse régionale, nationale ou spécialisée. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « les Français victimes de leur administration » aux éditions Michel Lafon en 2002.

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