Les entreprises de services
de sécurité et de défense

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David Hornus, Thomas Burckel,
Lou Escriba (*)
Manager et analystes de l’ESSD Corpguard
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Le secteur d’activité de la sûreté-sécurité fait souvent l’objet de confusion et d’amalgames. Qui peut citer les caractères qui différencient les sociétés militaires privées (SMP), les entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD), les sociétés de sécurité privée (SSP) ? Les auteurs viennent ici clarifier quelques éléments concernant ces activités, notamment vis-à-vis de la législation française.
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Le mercenariat est une pratique bien distincte des activités de sécurité et de défense privées. Les Conventions de Genève du 12 août 1949 relatives à la protection des victimes des conflits armés internationaux le qualifient selon six critères cumulatifs. Ainsi, est dit mercenaire tout combattant étranger aux parties en conflit, « spécialement recruté dans le pays ou à l’étranger » et qui « prend une part directe aux hostilités ». Ce combattant doit également avoir un « avantage personnel » à participer à ce conflit, qui doit prendre la forme d’une rémunération « nettement supérieure à celle » de ses homologues de l’armée régulière. Le mercenaire de métier est recruté moyennant finance par un État, une entreprise, un mouvement politique ou toute autre organisation. Il se distingue donc du militaire de carrière dont les activités sont réglementées et conformes à la loi de son pays d’origine.

Terminologie

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Les sociétés militaires privées (SMP) se développent majoritairement à partir des décolonisations des années 60-70 puis après la fin de la Guerre froide. La SMP implique un cadre contractuel avec une société qui possède un statut juridique, à la différence du mercenaire qui propose ses services au plus offrant et sans cadre réglementaire. Les compétences des SMP vont donc, selon le GRIP (Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et le sécurité), des opérations de combat de première ligne, aux fonctions de conseil et d’entraînement, en passant par la logistique, ou la maintenance et la collecte de renseignements pour les forces armées nationales. Les SMP emploient des contractors, qui sont habilités à appuyer de manière armée des soldats réguliers sur un théâtre de guerre. En France, cette pratique est illégale, mais la traduction française de “Private Military Company” par “Société Militaire Privée” entraîne une ambiguïté que les commanditaires français ont bien du mal outrepasser.

 

Un travail de légitimation conséquent est engagé depuis de nombreuses années pour clarifier la raison d’être de ces entités, leur respect des normes françaises et internationales en matière de conduite des opérations et de déontologie, les distinguant de l’image sulfureuse associée aux SMP. Leur rôle se cantonne exclusivement à la fourniture des prestations de conseil, de sûreté, de renseignement, d’accompagnement ou de formation de personnels, à la demande de gouvernements, d’ONG ou d’OI, mais aussi d’entreprises privées, dans le cadre d’un contrat préalablement établi et réglementé.  La mission d’une ESSD est donc d’anticiper, de prévenir et de gérer les risques pour le client qu’elle encadre.

 

Enfin, les Sociétés de sécurité privées (SSP) ont un spectre d’activités plus restreint que les ESSD. Leurs missions regroupent essentiellement des activités de gardiennage, de sécurisation de sites, de protection physique et d’investigations. Ces sociétés emploient des agents assermentés, et le personnel recruté n’est généralement pas apte à mener des opérations en zone sensible ou requérant des savoir-faire spécifiques propres aux ESSD.

Différents culturels

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En matière de sécurité privée, la France accuse un retard certain, notamment face à l’omniprésence et à la domination du marché international par les firmes anglo-saxonnes. La conception particulière du monopole de l’État dans ses fonctions régaliennes a longtemps retardé le développement de partenariats publics-privés (PPP), qui ne faisaient pas partie de la culture française et suscitent encore une forme de tabou chez certaines de nos élites politiques et militaires. Aujourd’hui, face aux restrictions budgétaires et de contingent dans le domaine militaire, il apparaît pourtant indispensable de considérer la coopération, voire la coproduction, entre les entités publiques et privées en matière de sécurité et de Défense.

Formation d’un bataillon Ivoirien par la société Corpguard dans le cadre d’un mandat de l’ONU pour le maintien de la paix (2016-2017).
Photo DH

De leur côté, les anglo-saxons ont toujours eu recours aux acteurs non-étatiques de la sécurité. Leur mobilisation s’inscrit dans la culture libérale de ces pays où le continuum de sécurité est institutionnalisé. Prétextant des coûts financiers engagés plus faibles, le principal avantage de ce mode d’action pour les États se trouve en réalité dans l’intervention “profil-bas” sur des zones à haut potentiel stratégique. Les SMP constituent un relais d’influence indéniable pour des pays comme les États-Unis, qui ont depuis longtemps adopté une logique politique et militaire interventionniste. De plus, l’opinion publique supporte de moins en moins l’engagement et les pertes militaires pour des causes pouvant paraître incompréhensibles pour elle.

 

En France, la coutume veut que la sécurité relève exclusivement du domaine régalien. L’héritage napoléonien se retrouve dans la centralisation de certaines fonctions, et notamment la sécurité. La transcription au niveau national des PPP reste donc timide.

 

Malgré les attaques terroristes qui ont touché le pays et qui restent dans toutes les mentalités, l’État français échoue à assurer ses responsabilités en matière de sécurité intérieure (le nombre de victimes de coups et blessures volontaires a augmenté de 12 % en 2021).Les incidents au Stade de France le 28 mai 2022 en sont l’illustration la plus récente, des images honteuses pour notre pays qui font encore le tour des médias internationaux.

 

L’armée et les forces de sécurité régaliennes n’ont plus les moyens ni les effectifs nécessaires pour agir proportionnellement face aux nouvelles menaces. C’est a fortiori sur ce créneau que les ESSD tentent de s’imposer. Cependant, le recours au secteur privé pour des missions de sécurité ne fait pas encore partie des mœurs françaises, et la sécurité privée se résume trop souvent à des missions de gardiennage, le reste relevant du pré carré des autorités publiques.

Légitimation

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En France, l’éthique et la gouvernance constituent les principaux leviers d’amélioration des ESSD. A ce titre, l’Association du Code de conduite international des entreprises de sécurité privée (ICoCA)  est le pilier des ESSD. Né en 2013 à Genève, il est issu de la volonté de mettre en œuvre un contrôle indépendant de ces sociétés. Il encadre l’activité en élaborant des normes en lien avec les droits de l’Homme et le droit international humanitaire. Autre exemple, la norme ISO 18788 crée un “système de management des opérations de sécurité privée”. Elle s’inscrit dans la volonté de mettre en place un cadre normatif opérationnel et managérial pour les organismes de sécurité privée.

 

Ces standards internationaux sont particulièrement recherchés par les donneurs d’ordre institutionnels (ONG, OI, bailleurs de fonds) ou les multinationales. Pourtant, leur adhésion n’est pas obligatoire : preuve en est, à ce jour, seules deux sociétés françaises sont certifiées ICoCA. Il semble que l’obtention de certifications, bien que reconnues, ne soit pas un facteur déterminant dans le choix des sociétés et l’attribution de contrats par le gouvernement.
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(*) David Hornus est diplômé d’un 3ème cycle en “Stratégie d’Intelligence économique” de l’École de Guerre Économique ; Il dirige l’ESSD Groupe Corpguard, rare société à être certifiée ICoCA et ISO 18788, et intervient dans le management des risques et dans le cadre d’assurance “Risques spéciaux”. En 2017, Corpguard a assuré la formation d’un bataillon armé en Côte d’Ivoire.

David Hornus raconte son parcours dans son ouvrage “Danger Zone” sorti en mai 2022.

(*) Thomas Burckel, 23 ans, est étudiant en master « Sécurité, Défense et Gestion des Risques » à l’ILERI,  est analyste junior chez Corpguard.

(*) Lou Escriba, 23 ans, qui est étudiante en Master « Intelligence stratégique et gestion de crises » à l’Université Jean moulin Lyon 3. ,  est analyste junior chez Corpguard.


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