ELECTIONS US :
UN NOUVEAU LIEN TRANSATLANTIQUE
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Jean-Claude Beaujour (*)
Avocat international
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Ce 9 novembre Jean-Claude Beaujour nous a transmis une mise à jour de son article paru le 2 novembre avant les élections américaines :
L’Europe sait que désormais Joe Biden sera le prochain président des Etats-Unis mais elle s’interroge sur les contours de la politique étrangère qui sera menée par Washington, à partir du 20 janvier 2020.
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Chacun des deux candidats, dans son programme, a fait connaître les grandes lignes de ce que devrait être sa politique étrangère. Mais il faudra attendre le 20 janvier 2021, jour de la prise officielle de fonctions, ainsi que les premières décisions de la nouvelle administration Biden pour être fixé. Les interrogations, voire les inquiétudes européennes, sont plus que légitimes pour deux raisons.
Tout d’abord, parce que l’Amérique semble regarder essentiellement vers le Pacifique et en particulier vers la Chine. La cristallisation de la relation sino-américaine sur fond de guerre commerciale et de course pour le leadership mondial donne aux relations internationales un curieux sentiment de bipolarité. Ce sujet a d’ailleurs été l’un des thèmes d’affrontement des candidats lors de la primaire démocrate.
Ensuite, les évènements de ces derniers mois ont fait la preuve que nous vivons plus que jamais dans des sociétés interdépendantes. Il est illusoire, de part et d’autre de l’Atlantique, de faire croire à ses concitoyens que chaque pays doit vivre centré sur ses seuls intérêts nationaux, même s’il est naturel qu’un pays se préoccupe en premier lieu de ses ressortissants. Ne pas se rendre à l’évidence serait une erreur d’appréciation de la situation du monde et une erreur stratégique. Comment imaginer un monde bipolaire organisé autour des seuls Etats-Unis et de la Chine, excluant l’Europe et la Russie ? Ou encore l’Afrique qui s’est fixée aux termes de l’Agenda 2063 un plan directeur et un schéma visant à se transformer en puissance mondiale ! Le Nigeria, par exemple, sera le troisième pays le plus peuplé de la planète d’ici à 2050, devant les Etats-Unis (4ème) mais derrière la Chine (2ème) et l’Inde, qui viendra en première position.
Il est d’autant plus difficile d’imaginer la future politique étrangère des Etats-Unis qu’elle sera fonction des orientations du nouveau président et des résultats définitifs au Congrès. Selon que le président élu aura au Congrès une majorité confortable (Chambre et Sénat), voire pas de franche majorité, sa politique étrangère en sera affectée. Ainsi, Joe Biden, qui a déclaré chercher à restaurer le leadership américain, a dit vouloir renouer le dialogue avec les alliés, sans véritablement préciser ce qu’il entend faire.
C’est pourquoi, plutôt que d’attendre une réponse unilatérale de Washington et d’être dans l’expectative des décisions qui seront prises, il semble intéressant de reposer de manière non exhaustive cinq grands sujets qui feront l’objet de discussions entre les Européens et la future administration américaine, afin de redonner du sens à la relation transatlantique. Certains considèrent que seules la guerre et la force ont du sens en diplomatie, tout en oubliant qu’en définitive on finit toujours par passer par la case coopération ; cette dernière seule apte à conduire à la paix et à la stabilité de nos régions.
Cinq chantiers
Le premier chantier est sans aucun doute celui relatif à la sécurité de l’Europe et du financement de l’OTAN. On se souvient que le président Trump, lors du sommet de l’alliance atlantique de juillet 2018, avait déjà menacé les pays membres de se retirer de l’OTAN s’ils ne respectaient pas leur engagement, pris en 2006, de contribuer à hauteur de 2% de leur PIB à ses dépenses. Ce débat dit du « Burden Sharing » (partage du fardeau) n’est donc pas nouveau aux Etats-Unis et il est assumé aussi bien par les Républicains que par les Démocrates.
Partant, la question du financement de l’alliance reviendra, quel que soit le candidat élu. Il est donc essentiel que les Européens s’y préparent.
Le deuxième chantier consiste à repenser la gouvernance mondiale en faveur du multilatéralisme. Les Etats-Unis se désintéressent des structures internationales, alors qu’ils en ont été les promoteurs. La crise du Covid a montré que le monde gagnerait à renforcer sa gestion commune des crises. Peut-on imaginer que l’Europe parvienne à convaincre les Etats-Unis que le traitement conjoint de certains sujets s’impose à tous, au bénéfice de toute la planète ? Le virus du Covid aura mis par terre les économies de tous les États à travers le monde. Il aurait certainement été préférable de gérer conjointement cette crise sanitaire afin d’éviter un embrasement généralisé.
Le troisième chantier est le changement climatique. Alors que le président Trump avait engagé le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, Joe Biden s’est prononcé lui en faveur de sa réintégration dès le 20 janvier, il existe une opinion publique américaine assez favorable au développement durable. L’Europe a donc tout intérêt à trouver des zones de convergence avec les institutions privées et publiques américaines pour réaliser des projets communs. Tout ceci ne pourra que consolider le lien transatlantique.
Le quatrième chantier porte sur la lutte contre le terrorisme, qui devra nécessairement faire l’objet d’une coopération transatlantique plus forte. Nous devons aller plus loin des deux côtés de l’atlantique, au sein d’un bureau commun, afin de mutualiser les moyens d’information et de lutte.
Enfin, la présence européenne aux Etats-Unis ne peut se limiter à la seule capitale de l’état fédéral. Elle devrait être étendue à la côte ouest du pays. Un représentant de l’Union européenne devrait être présent en Californie, berceau des nouvelles technologies et surtout le plus grand État du pays, peuplé de 40 millions d’habitants, représentant 14,5% du PIB national et qui serait, s’il était indépendant, la 5e puissance économique mondiale. Ce serait un formidable message adressé à l’administration américaine: pour l’Europe, être présente sur la côte pacifique au même titre que les autres pays d’Asie, ce serait montrer son attachement à la diplomatie économique européenne, et pas seulement institutionnelle.
En définitive, puisque le monde a changé, et que la relation entre les Etats-Unis et l’Europe est nécessairement différente, ne vaudrait-il pas mieux imaginer la relation transatlantique autour de projets structurants ? Cette démarche aurait peut-être l’avantage de chercher à rencontrer aussi bien les intérêts des Américains que ceux des Européens.
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(*) Jean-Claude Beaujour, Docteur en droit, diplômé de UCL et Harvard, est avocat au barreau de Paris. A ce titre, il a une pratique essentiellement orientée vers le règlement des litiges. Médiateur du CEDR (Center for Effective Dispute Resolution de Londres) et responsable de la commission médiation de l’ICC (International Chamber of Commerce). Jean-Claude Beaujour est vice-président de France-Amériques et board member de l’Institut européen de Berkeley University
Il est l’auteur de l’ouvrage « Et si la France gagnait la bataille de la mondialisation », Éditions Descartes, Paris 2013 .
Bonne lecture et rendez-vous le 16 novembre 2020
avec le n°151
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