Le message international de l’olympisme français

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Renaud Girard (*)
Journaliste
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L’auteur partage son regard sur les Jeux olympiques de 2024 qui, loin des idées préconçues et des préjugés des mois précédents, témoigneraient d’une organisation jugée exemplaire. Et de rappeler la raisons d’être des JO…

 

Les Français grincheux en ont été pour leurs frais. Ils avaient annoncé que les Jeux Olympiques de Paris 2024 seraient une catastrophe, ils sont un immense succès, populaire et planétaire.

Non sans parfois quelques raisons, nous avons tendance, en France, à critiquer nos autorités publiques. Nous pouvons aujourd’hui les féliciter triplement. Elles ont fait preuve d’audace en demandant les Jeux pour Paris ; d’intelligence en utilisant la Seine pour la cérémonie d’ouverture et en insérant des épreuves dans les lieux les plus historiques et symboliques de la Ville-Lumière ; d’organisation en canalisant de manière fluide les foules d’une fête sportive ayant battu tous les records de vente de billets dans l’histoire de l’olympisme.

Je suis tombé hier, par hasard, sur une légende de l’histoire des Jeux Olympiques, la nageuse américaine Donna de Varona, médaille d’or à Tokyo en 1964 dans le 400 mètres quatre nages, qui fit à l’époque la « cover » du magazine Life. Elle vient d’être réélue à l’instance exécutive du Comité national olympique américain. Elle m’a confié avoir été bluffée par la qualité et le professionnalisme de l’organisation française de l’événement.

Quand les Américains, qui sont des maîtres dans l’art de l’organisation et de la logistique, nous félicitent pour celles des Jeux, nous pouvons être fiers. Ces Jeux 2024 ont prouvé que les Français n’étaient pas condamnés à la désunion, à la paresse et à la résignation. Ils sont encore capables de relever des défis, de faire de grandes choses, à l’exemple de leurs ancêtres qui ont bâti Notre-Dame, le château de Versailles, la Tour Eiffel et le Grand Palais.

A l’occasion de ces Jeux de Paris, les Français ont montré au monde qu’ils avaient une administration sachant encore travailler, à l’image de celle des générations précédentes qui a imaginé, conçu, exécuté, le remarquable plan Messmer du 6 mars 1974. Ce gigantesque plan d’électrification nucléaire de la France (que des écolos irresponsables ont torpillé sans parvenir à le couler) a donné à notre pays une indépendance énergétique précieuse dans un monde géopolitiquement compliqué, tout en réduisant drastiquement nos émissions de CO2. A la fin du siècle dernier, beaucoup d’intellectuels français, au libéralisme mal digéré, se sont mis à se moquer du colbertisme. Autodénigrement ridicule : le monde entier admire les réalisations du colbertisme français.

Les Jeux de Paris 2024 constituent le plus beau des hommages à l’olympisme et à son génial fondateur, Pierre de Coubertin, qui en eut l’idée il y a plus de cent trente ans. Que les nations s’affrontent fraternellement dans un stade plutôt que sur un champ de bataille. Que leurs jeunesses se rapprochent, sur les gradins, comme dans le Village Olympique. Les 10 500 athlètes, 5 250 hommes et 5 250 femmes, qui ont participé aux Jeux seront toute leur vie des ambassadeurs de la paix entre les nations. Le rassemblement, autour du sport, à Paris, de 206 pays différents, est indiscutablement un magnifique acte de paix.

 Dans un monde où les guerres ont tendance à revenir, les trêves olympiques sont plus utiles que jamais. Le Maroc et l’Algérie ne se parlent pas et n’ont même pas de point de passage routier ouvert sur leur frontière commune. C’est absurde. Mais gageons que dans l’écrin du Village Olympique, les jeunes Marocains et Algériens échangent librement et avec bonheur.

Un député de la France insoumise avait proposé qu’Israël fût interdit de Jeux. Je suis totalement opposé à la pollution du sport par la politique. L’Etat d’Israël, depuis sa fondation en 1948, a toujours favorisé le sport, et ses athlètes sont les bienvenus en France. L’assassinat des athlètes israéliens aux Jeux de Munich de 1972 constitue le moment le plus triste de toute l’histoire de l’olympisme.

Personnellement, je regrette que les athlètes russes et biélorusses n’aient pas été invités à défiler sous leurs drapeaux. Vladimir Poutine a-t-il provoqué, par sa guerre d’agression, le malheur des jeunesses ukrainienne et russe ? C’est un fait d’histoire indiscutable. Mais rien d’utile ne viendra jamais des boycotts et des embargos appliqués aux grandes rencontres de jeunesses, communiant autour de valeurs communes fondées sur la fraternité humaine.

Qui niera que la participation d’athlètes nord-coréens aux jeux d’hiver de Séoul 2018 fut une bonne chose ?

A l’été 2008, il était devenu évident que les Etats-Unis avaient provoqué une terrible catastrophe humaine en Irak par leur invasion illégale de 2003. Heureusement qu’on n’a pas empêché pour autant les athlètes américains de défiler sous leur bannière aux Jeux Olympiques ! Même chose pour les Français après leur désastreuse intervention militaire en Libye de 2011, qui a mis le chaos dans ce pays et chez tous ses voisins.

L’olympisme, tel que le conçut le Français Pierre de Coubertin, n’a pas vocation à s’ériger en tribunal des nations. Il est là au contraire pour les rassembler, dans l’amour du sport et de la paix.  

Source : Chronique internationale du Figaro du mardi 6 août 2024
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(*) Renaud GIRARD, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure et de l’ENA, est journaliste et a couvert la quasi-totalité des conflits de la planète depuis 1984. Il est éditorialiste de politique étrangère au Figaro depuis 2013. Auteur de sept livres consacrés aux affaires internationales, il a reçu de nombreuses distinctions, dont le prestigieux prix Bayeux des correspondants de guerre pour son reportage « l’OTAN dans le piège afghan à Kandahar ». Il est également professeur de stratégie internationale à Sciences-Po.