CONCURRENCE 

EN EUROPE ?

de Jean Dominique Giuliani,
Président de la Fondation Robert Schuman

Le refus, le 6 février, de la fusion Alstom-Siemens par la Commission européenne a suscité la colère des gouvernements allemand et français, bien que salué par les syndicats d’Alstom et les habituels eurosceptiques. Difficile de s’y retrouver !

Les règles européennes de concurrence datent du siècle dernier, au moins dans leur inspiration. Parfaitement adaptées à l’économie du continent, elles ont permis de la moderniser, de l’ouvrir, de la décloisonner et de la renforcer. Elles ont fonctionné et les consommateurs européens en ont beaucoup profité.

Sont-elles encore adaptées au monde tel qu’il est, c’est-à-dire à cette compétition pour l’hégémonie que se livrent les grandes puissances qui utilisent tous les moyens à leur disposition pour terrasser leur compétiteur?

L’Europe a plus que son mot à dire dans cette course au leadership. Si son ambition est de demeurer dans le trio de tête des plus grands à la fin de ce siècle, elle doit changer de logiciel. Sa seule vraie priorité doit être d’assurer toute sa place sur la scène mondiale. Son droit et ses procédures doivent devenir des armes pour atteindre cet objectif.

Concrètement il lui faut alors revoir ses règles de concurrence pour juger des concentrations en fonction de la concurrence mondiale, conduire une politique commerciale basée systématiquement sur le concept de réciprocité, s’organiser pour protéger ses technologies et instaurer une préférence européenne pour les achats publics, comme partout dans le monde.

Ce n’est pas un secret de dire que ces recommandations ne font pas l’unanimité au sein de l’Union. Deux traditions s’y affrontent. L’une, plus commerçante et mercantile, considère que la petite taille de l’Europe l’oblige à se rallier à l’un des camps en présence et que, de toutes façons, elle n’a pas vocation à intervenir dans le jeu des acteurs économiques qui détermineront seuls les rapports de forces de demain. Elle peut s’appuyer sur ses succès à l’exportation.

L’autre, plus interventionniste, estime que l’utilisation des moyens publics, fut-ce au prix de monopoles étatiques, a permis des succès remarquables, scientifiques ou politiques. Elle peut arguer de l’existence d’une Europe spatiale, de l’excellence de sa recherche médicale, de la place de la création dans la société européenne et d’une ambition : la construction européenne n’est plus seulement un projet pour le continent, mais aussi un projet pour la planète.

Sont-elles conciliables ? Peu à peu les Européens prennent conscience que la survie du continent est désormais en cause. Le débat doit s’ouvrir entre les Etats membres parce que cette ambition et ces outils nécessitent une modification des traités et donc peut-être aussi une nouvelle Europe. Il ne sert à rien, en effet, d’accuser les institutions communes. Il vaudrait mieux se convaincre entre partenaires et, si ce n’est pas à 27, de trouver les voies et moyens d’avancer quand même.


(*)Jean-Dominique Giuliani préside la Fondation Robert Schuman, centre de recherche de référence sur l’Union européenne et ses politiques.

Conseiller spécial à la Commission européenne (2008-2010), il a précédemment été Maître des Requêtes au Conseil d’Etat, directeur de cabinet du Président du Sénat M. René Monory (1992-1998) et directeur à la direction générale du groupe Taylor Nelson Sofres (1998-2001). En 2001, il fonde: J-DG.Com International Consultants qu’il préside.

Membre du Conseil de Surveillance d’Arte France (depuis 2009) et Président de l’ILERI (Institut Libre d’Etude des Relations Internationales) (depuis 2019).

 

Note de la Rédaction d’ESPRITSURCOUF.fr :

1-    Les grands opérateurs mondiaux dans la construction ferroviaire. :

Chiffre d’affaire 2017 en Milliard d’Euros :

  • CRRC* (Chine) : 28 Md €
  • SIEMENS Mobility (Allemagne) : 8 Md €
  • BOMBARDIER Transport (Canada) : 7,4 Md €
  • ALSTOM (France) : 7 Md €
  • HITACHI TS (Japon) : 5,8 Md €
  • SIEMENS+ ALSTOM : 15 Md €

*CRRC : China Railway Rolling Stock Corporation, siège à Pékin

2-    Le droit de la concurrence européen a été mis en place par les Etats et confié à la commission européenne par le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), aussi appelé traité de Rome, est l’un des deux traités fondamentaux des institutions politiques de l’Union européenne avec le traité sur l’Union européenne. Il portait à sa création le 25 mars 1957 le nom de traité instituant la Communauté économique européenne, jusqu’à la signature du traité sur l’Union européenne le 7 février 1992 qui en modifia son contenu et le renomma en traité instituant la Communauté européenne. Il fut à nouveau modifié en profondeur à la signature du traité de Lisbonne le 13 décembre 2007 et devint le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

 
La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d'utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l'Europe. 
Elle développe des études sur l'Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l'étranger. 
Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l'organisation de conférences.

La Fondation est présidée par M.Jean-Dominique Giuliani.
La Fondation Robert Schuman est répertoriée dans la rubrique THINKTANKS 
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