BIDEN :
UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE
PRO EUROPÉENNE ?

Jean-Claude Beaujour (*)
Avocat international, Vice-président de France-Amériques


Dans notre précédente publication, Anthony Dabila s’interrogeait sur la politique étrangère de la nouvelle administration américaine. Un autre expert des relations franco-américaines se pose la même question, mais sous l’angle purement européen cette fois-ci. Les deux auteurs nous livrent des analyses identiques. Ils disent la même chose ! C’est rassurant, non ?

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Sans attendre que son rival lui concède un succès électoral sans réserve, Joe Biden avance à pas forcés en organisant son installation à la Maison Blanche, qui doit avoir lieu le 20 janvier prochain. Comment pourrait-il en être autrement puisque les indicateurs juridiques et politiques lui sont très favorables ? Il peut se prévaloir d’un succès électoral net, avec 80 millions de votes contre 74 millions à Donald Trump : une victoire sans appel là où, en 2016, Hillary Clinton n’avait obtenu que 3 millions de voix d’écart avec le président sortant. En outre, à ce jour, les recours judiciaires formés contre les résultats du scrutin ont tous échoué, notamment en Pennsylvanie, dont on se souvient qu’elle apporte au candidat près de 20 grands électeurs. Même la Cour Suprême a rejeté sans opinion dissidente le recours formé par l’attorney général du Texas. Enfin, ce lundi 14 décembre est le jour où se réunissent les grands électeurs pour élire le président. Ils désigneront Joe Biden.
Ce dernier a donc nommé plusieurs personnalités qui constitueront son gouvernement, contribueront ainsi à l’élaboration et à la mise en œuvre de sa politique étrangère (sous réserve le moment venu de confirmation par le Sénat). Il s’agit incontestablement de personnalités qui ont une expérience internationale confirmée.

La plus emblématique et connue du grand public est l’ancien Secrétaire d’Etat américain sous la présidence de Barack Obama, et ancien candidat à la présidence des Etats-Unis, John Kerry. Il sera en charge de la politique liée au changement climatique, Joe Biden s’étant engagé à ce que les Etats-Unis réintègrent l’accord de Paris, qu’avait négocié au nom des Etats-Unis un certain John Kerry.

Par ailleurs, au poste d’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, où se joue une partie non négligeable de la politique étrangère américaine, Linda Thomas Greenfield a été choisie. C’est l’une des diplomates afro-américaines les plus expérimentées, qui connait parfaitement le continent africain et les questions multilatérales. A 68 ans, la future ambassadrice, qui fut en poste à Genève, a une réputation et des convictions bien trempées. Elle avait été poussée vers la sortie sous l’administration précédente, la voici de retour en première ligne.

Photo Office of Elected President

Enfin, Antony Blinken, diplomate chevronné, est désigné pour le poste de Secrétaire d’Etat. Il fut le numéro 2 du département d’État sous Barack Obama, lorsqu’Hillary Clinton dirigeait les Affaires étrangères, plus atlantiste il a toujours été un fervent partisan du multilatéralisme. Blinken a passé sa jeunesse à Paris, où il a cultivé le goût et l’intérêt pour les relations transatlantiques. Francophone et francophile, il partage une véritable connaissance et une compréhension de la culture politique européenne.

Peut-on dire pour autant que la politique américaine à l’égard de l’Europe ou de la France sera fondamentalement différente ? Nul doute que sur la forme, nous assisterons dès le 20 janvier 2021 à un changement de style. Les nouveaux responsables connaissent leurs homologues dans les capitales européennes, et possèdent une pratique de la diplomatie internationale. Il y aura incontestablement une rupture avec les méthodes du président Trump. Ce dernier étant plutôt favorable à la méthode qui consiste à fixer son point d’ancrage et à négocier par la suite, alors que désormais il y a fort à parier que tous les partenaires négocieront, avant que certains ne fassent connaitre leur position sur un sujet donné.

Au-delà de la méthode, l’équipe de politique étrangère du président élu est indiscutablement favorable au multilatéralisme, avec une vision du monde multipolaire. Cette nouvelle équipe sera sans doute capable d’apaiser un certain nombre de tensions et de restaurer la confiance.

Antony Blinken,
le nouveau Secrétaire
d’Etat américain.
Photo OEP

Pour autant, il ne faut pas être naïf, car les questions de fond et les points de divergence demeurent. Rien n’indique que la future administration américaine aura une politique fondamentalement différente de la précédente. Tout d’abord, la Chine restera la principale préoccupation des Etats-Unis, qui ne manqueront pas de déployer tous leurs efforts pour contenir sa montée en puissance, aussi bien sur le plan commercial que sur le plan géostratégique. 

Ensuite, il n’y a pas à ce jour de signal d’évolution sur les sujets qui font débat pour les européens, tels que l’extraterritorialité des lois et le rôle des GAFA (sur lequel l’Union européenne est très divisée, certains pays européens comme la France ayant instauré une « taxe GAFA » et commencé à la collecter, quitte à subir des mesures de rétorsion commerciale). Sans oublier la question de l’OTAN, pour laquelle Joe Biden aura certainement les mêmes exigences que son prédécesseur, quant à l’augmentation des dépenses militaires européennes. On sait que certains pays européens entendent aborder la question du financement de l’OTAN sous l’angle de l’aide au développement. De même que les Etats-Unis auront certainement à intervenir dans la relation très tendue du moment avec la Turquie, membre de l’OTAN depuis 1952. Nous devrions avoir une première indication sur la politique Biden lors du prochain sommet spécial qui doit se tenir en Février 2021.

Il faut aussi ajouter la question iranienne, les rapports avec la Russie et le Proche-Orient. Or, c’est précisément sur ces différents terrains que les partenaires transatlantiques devront trouver le point d’équilibre, l’Europe ayant tout à gagner en étant indépendante, et en ne se comportant pas en suiveur. Il revient d’abord à l’Europe de continuer à donner du contenu à son projet d’autonomie stratégique afin d’être une véritable puissance géopolitique, pour mieux discuter avec les Etats-Unis.

La victoire de Joe Biden a pu susciter ici ou là des espoirs de voir évoluer la politique étrangère américaine. Mais il faudra suivre l’adage « c’est au pied du mur que l’on voit le maçon ». Il faudra attendre les décisions qui seront prises pour constater, ou non, une évolution significative de la nouvelle administration américaine.    


Rédigé le 12 décembre 2020
L

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(*) Jean-Claude Beaujour, Docteur en droit, diplômé de Harvard, est avocat au barreau de Paris. A ce titre, il a une pratique essentiellement orientée vers le règlement des litiges. Médiateur du CEDR (Center for Effective Dispute Resolution de Londres) et responsable de la commission médiation de l’ICC (International Chamber of Commerce). Jean Claude Beaujour est Vice-Président de France-Amériques et Board member de l’Institut européen de Berkeley university.
Il est l’auteur de l’ouvrage «
Et si la France gagnait la bataille de la mondialisation », Éditions Descartes, Paris 2013   Cet ouvrage est présenté dans la rubrique « LIVRES » du n°151 du 16 novembre 2020

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