Panottoman
et courtisans
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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
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Ainsi en ont décidé les urnes…
Recep Tayyip Erdoğan, qui dirige en quasi autocrate la Turquie depuis plus de 20 ans, d’abord comme Premier ministre puis Président de la République depuis 2014, a bénéficié, dimanche 29 mai, d’un nouvel élan d’une partie de la population turque pour remplir un mandat de cinq années…sur fond de régime présidentiel ciselé par ses soins. À 69 ans, il a donc été réélu au terme d’un second tour qui l’a vu réunir 52,16% des suffrages exprimés, contre son adversaire de centre-gauche Kemal Kiliçdaroglu (74 ans) qui a obtenu 47,84% des voix.
Islamiste notoire depuis sa période estudiantine, Recep Tayyip Erdoğan est le cofondateur de l’AKP, Parti de la justice et du développement ; parti qui porte bien mal son nom.
Voilà donc un homme qui peut se targuer d’être largement courtisé et d’avoir les coudées franches pour faire ce que bon lui semble. Par convenance diplomatique ou realpolitik, Recep Tayyip Erdoğan a reçu les félicitations des Etats-Unis, de l’OTAN, dont la Turquie est membre, de la Russie et de plusieurs Etats européens, dont la France…Chacun le ménage et le courtise… La Turquie d’Erdogan est loin d’être saluée pour son respect des droits de l’homme, mais bien ménagée par nombre de chefs d’Etat européens.
Erdoğan en est bien conscient et joue les potentats irritables. Il nous a habitués à cela, menaçant parfois de fermer les détroits du Bosphore et des Dardanelles, conspuant telle ou telle décision européenne, mais paradoxalement toujours désireux d’intégrer l’Union européenne. Et surtout, exemple d’ambiguïté extrême, la Turquie ne manque pas de vendre des systèmes d’armes à l’Ukraine, notamment des drones, tout en coopérant sur le champ énergétique avec la Russie.
La diplomatie turque, par ailleurs, va pouvoir continuer à promouvoir un discours panottoman auprès des communautés turques d’Europe…d’Allemagne et de France en particulier. Avec un mot d’ordre similaire à celui affiché en 2015 et en 2017 : les Turcs d’Europe ne relèvent que de la Turquie, puissance ottomane ressuscitée. Ils doivent donc se référer à Ankara et procréer pour la grandeur de la Turquie et de son rayonnement…Un discours passé inaperçu ou tu par les médias mais bien colporté et perpétué par le mouvement islamiste turc, Millî Görüş, véritable confédération dont le siège est implanté à Cologne, et qui étend ses réseaux à travers de nombreuse villes européennes.
On ne peut que le déplorer : la pesanteur du climat politique est de plus en plus conséquente, comme liée à une conjoncture toujours plus empreinte de tensions et de conflits divers. La violence étatique saisit Gilbert Robinet qui estime que les dérives fascisantes sont palpables et loin d’être cantonnées à un seul courant politique : « Quand la bêtise réinvente le fascisme » (rubrique Humeur).
Vincent Gourvil, quant à lui, porte un regard critique sur la diplomatie française et notamment à l’égard de la Syrie qui profite, actuellement, d’un processus de normalisation de ses relations avec les pays du Moyen-Orient : « Bachar à Djeddah : la surprise » (rubrique Géopolitique).
Tom Dash, pour sa part, dresse un état des lieux quant aux relations entre Corée du Sud et Etats-Unis, à l’heure où la posture nord-coréenne, sur fond d’essais répétés de missiles, engendre crispations et inquiétudes : « Séoul-Washington, l’avenir de l’alliance » (rubrique Sécurité).
Le phénomène guerre fait aussi l’objet d’un focus particulier dans ce numéro, via le travail de Jean-Claude Favin Levêque. dont le dernier ouvrage, « L’origine de la guerre. Les sciences de l’Homme et la violence collective (XIXe-XXIe siècles »), paru en avril 2023 aux éditions L’Harmattan, est proposé dans la rubrique Livres. Jean-Claude Favin Levêque, dans un article, nous recentre sur le regard que portent méthodologiquement les scientifiques sur le phénomène guerre ; la guerre dont tout le monde cherche à savoir si elle est inscrite ou non dans nos gènes : « De la guerre et de ses origines » (rubrique Défense)…
Enfin, André Dulou, nous propose sa nouvelle revue de presse avec un éclairage particulier sur « les flottes chinoises ».
Dans la rubrique VIDEO, nous revenons sur un aspect économique fort,« les possibilités de sortie de la crise actuelle » et faisons un focus sur le nouveau véhicule blindé de l’infanterie légère, le SERVAL, qui arrive dans les unités (au 3° RPIMA).
Bonne lecture
(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Conférencier et chargé de cours dans l’Enseignement Supérieur, il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. |
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