FRANCE-CULTURE : RADIO-KAGAME !

Richard Labévière
Rédacteur en chef

Déjà que les matins d’été de France-Culture se sont avérés particulièrement catastrophiques – animés par un p’tit gars inculte commettant des fautes de français à chaque phrase – (questions du genre : ça vous est venu comment…), l’édition du 3 août a passé toute les bornes de l’incompétence, de la complaisance et de la désinformation. En perpétuelle augmentation, les redevances de l’audio-visuel public ne sont pas illégitimes, mais à l’écoute de la station, soi-disant « mieux-disante culturelle », on se demande…

Toujours est-il que pour fêter la prochaine élection à vie de Paul Kagamé à la tête du Rwanda, la radio de Service Public avait invité une ancienne de Radio France Internationale (RFI), Madeleine Mukamabano, célèbre égérie du dictateur rwandais, porte-voix de l’ONG Survie et de tout un réseau – « Liaison Rwanda » -, dans lequel sévissent Jean-Pierre Chrétien, Jean-François Dupaquier et toutes sortes d’autres fêlés. Attention, comme pour la Palestine et la Syrie, on est – ici – dans le religieux, les miracles, l’apologie et l’interprétation !

Après avoir loué des élections ultra-propres « au point que l’Union européenne n’envoie même pas d’observateur » et une « réussite économique mondiale exemplaire », l’animateur se réjouit de voir Kagamé prendre prochainement les rênes de l’Union africaine avant de demander à Madeleine : « mais pourquoi un tel charisme ? » Elle : « le génocide a inauguré une nouvelle façon de faire de la politique… » Au sujet de ce paradis sur terre – même si l’animateur cite FIDH et Amnesty pour se dédouaner – pas une question travaillée sur le sort exécrable des opposants, leur assassinat à l’étranger, ni sur les violations quotidiennes des libertés civiles et politiques : certainement une nouvelle façon de faire de la politique… A l’évidence, l’animateur n’y connaît pas grand-chose ; pire : il n’a pas préparé…

Sous la fascination du Gourou des Grands lacs, l’animateur encore : « mais Paul Kagamé : quel homme c’est ? » Ca, c’est de la question coco ! Madeleine : « un homme qui protège et rassure dans un pays où règne désormais l’esprit de compétition et de réussite ! » Quel personnage ! C’est la Banque mondiale qui va être contente ! Cette demi-heure de communion passée, l’animateur nous annonce en deuxième partie : « de nouvelles révélations sur le rôle de la France dans le génocide… » Hallucinant !

On retrouve alors l’inénarrable Patrick de Saint-Exupéry (PSE), qui a fait du génocide rwandais un inépuisable fonds de commerce. Envoyé spécial du Figaro sur l’opération Turquoise en 1998, il n’aura de cesse que d’accuser l’armée française d’avoir directement participé aux massacres… Vu l’incompétence et l’impréparation de l’animateur, ce fut encore plus désastreux qu’avec Madeleine, sinon parfaitement honteux pour les acteurs et les observateurs de l’époque. L’auteur de ces lignes a été l’envoyé spécial de plusieurs médias sur cette opération de l’armée française, instamment demandée à François Mitterrand par Nelson Mandela lors du sommet de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) à Tunis en juin 1998, puis encadrée par la résolution 929 du Conseil de sécurité des Nations unies. En dépit de ces vérités historiques, PSE remet névrotiquement le couvert depuis vingt ans, accusant les armées et le gouvernement français de l’époque d’avoir « participé » au génocide rwandais !

Cette fois-ci, PSE a exhumé une note d’un haut fonctionnaire français selon laquelle Hubert Védrine – à l’époque secrétaire général de l’Elysée – aurait ordonné le réarmement des forces rwandaises… Les vrais historiens, qui connaissent les « ruses » de l’archive, savent que les hauts fonctionnaires se contredisent souvent, et surtout que leurs commentaires ne supplantent nullement les actions des opérationnels, engagés sur le terrain ! Mais bon ! Ni l’animateur, ni PSE ne vont s’abaisser à ce genre de considérations épistémologiques abandonnées au sommeil dogmatique des matinales de France-Culture !

A l’époque, le Rwanda était confronté à une guerre civile qui faisait rage depuis le début des années 1990. Il fallait alors garantir l’application des accords d’Arusha[1] et prévenir les infiltrations du FPR de Kagamé, soutenu par l’armée ougandaise ainsi que les services spéciaux britanniques et américains. Evidemment, là-dessus – l’animateur complètement sec – laisse PSE déverser sa bile et cracher une nouvelle fois à la face des officiers de Turquoise, le général Lafourcade, le colonel Jacques Hogard et tant d’autres, qui ont pu sauver des milliers de réfugiés.

Pour se dédouaner, on nous sert encore un petit son d’Hubert Védrine (qui n’est ni sourcé, ni daté !), suivi de nouvelles affirmations unilatérales, anachroniques et diffamantes, avant de faire la promotion d’une revue dirigée par PSE et d’annoncer ces prochaines prestations estivales…

Franchement, les auditeurs d’une radio de Service Public méritent un peu plus de rigueur, sinon de respect. Sans compter les différents journaux – qui ne relèvent pas le niveau – dans lesquels, tels des perroquets, les jeunes flashistes de France-Culture ânonnent des dépêches dépassées et mal triées concernant les crises du Venezuela, du Brésil et de Syrie. Aucune connaissance, aucune valeur ajoutée, aucune mise en perspective ! Ils sont sympas les intermittents du spectacle, mais il y a quand même des limites…        

Certes, Guillaume Erner et sa joyeuse équipe ont droit à des vacances – mais s’il vous plaît – Mesdames et Messieurs les responsables de l’audiovisuel public français, confiez donc ces émissions de Service Public à de vrais professionnels… et pas aux copains des copains du petit monde parisien de la radio…

Richard Labévière

      

[1] Les accords d’Arusha ont été négociés de juin 1992 à août 1993 entre l’État Rwandais et le Front patriotique rwandais de Paul Kagame, afin de mettre un terme à la guerre civile rwandaise commencée en 1990. Cinq accords furent signés à partir de juillet 1992. Le dernier accord fut signé le 4 août 1993. Ces accords prévoient à terme l’intégration politique et militaire des différentes composantes internes (à l’exception des partis ouvertement racistes anti-Tutsi) et externes de la nation rwandaise (le FPR) et le départ des troupes françaises (à partir d’août 1992). Une mission des Nations Unies, la MINUAR, fut créée le 5 octobre 1993 pour veiller à leur application.

 

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