CHINE :  
NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE,
LES MENACES

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Anaîs Voy-Gillis (*)
Économiste

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L’auteur nous avait déjà alertés sur le déséquilibre institué dans l’accord commercial entre la Chine et l’Union Européenne (pour lire le
précédent article, cliquez ICI).
 Elle nous reparle ici des nouvelles routes de la soie, en nous soulignant les dangers qu’elles font surgir.
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La Chine a lancé son projet de « nouvelles routes de la soie » en 2013, avec trois objectifs reconnus : améliorer les voies de communication, favoriser la coopération entre les pays membres, développer des flux permettant à la Chine de sécuriser ses approvisionnements en matières premières, et de favoriser l’exportation des biens qu’elle produit pour le reste du monde.

Le projet repose principalement sur la rénovation, l’acquisition ou la construction d’infrastructures de transports.

Le port du Pirée, en Grèce, a été cédé à la Chine en pleine crise grecque. Pékin, via l’entreprise publique de transport maritime Cosco, souhaite agrandir le port pour en faire une plaque tournante du commerce en Méditerranée.

Le projet de construction du chemin de fer Nairobi-Mombasa est financé à 90% par un prêt accordé par la banque d’exportation et d’importation de Chine.

La transformation, en autoroute ou en 4 voies, des routes permettant de rejoindre l’Europe s’accompagne de la construction pharaonique d’une route reliant directement la Chine et le Pakistan à travers l’Himalaya.

Le projet concerne également des aéroports, des pipelines, des centrales électriques, etc.

Les opérations financées, entre la Chine, les pays d’Asie et d’Europe, sont situés le long des anciennes routes commerciales de la Soie, mais concernent également le continent africain. En 2020, plus des deux tiers des pays du monde avaient signé des accords bilatéraux avec la Chine dans le cadre de cette initiative.

Carte d’après cepii.fr

De quoi s’interroger

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Les nouvelles routes de la soie posent des questions, à la fois sur les rapports entretenus par la Chine avec les pays participants,  mais également sur la gestion environnementale du projet, alors que le gouvernement chinois affiche l’ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060.

Depuis 2013, la Chine a investi environ 90 milliards de dollars par an dans cette initiative. Il s’agit là d’une estimation, au regard des différents acteurs intervenants dans le financement, et en l’absence de données consolidées.


Les investisseurs sont les banques d’Etat : la Banque de Développement de Chine (CDB), la Banque d’Exportation et d’Importation de Chine (China Exim Bank). Apportent également des capitaux les banques commerciales détenues par l’État (la Banque agricole de la Chine, la Bank of China (BOC), la China Construction Bank (CCB), la Banque industrielle et commerciale de Chine). Et il ne faut pas oublier les fonds d’investissements, comme par exemple le fonds de la route de la Soie.

La question environnementale n’est pas une préoccupation centrale du projet. Une étude du World Resources Institute (WRI) estime qu’entre 2014 et 2017 : 91 % des crédits accordés conjointement par les six grandes banques chinoises, 61 % des prêts de la China Development Bank (CDB) et de la banque d’import-export chinoise (China Exim Bank), finançaient des énergies fossiles.

La Chine continue à développer des centrales à charbon sur son sol, mais en développe également dans des pays partenaires du projet, ce qui va à l’encontre de ses ambitions environnementales. La neutralité carbone d’un pays ne peut pas se faire au détriment d’un autre ! Il est vrai qu’en avril 2019, des principes pour un investissement vert ont été signés par des institutions comme la Banque de développement et la Banque d’exportation et d’importation de Chine. Mais il reste à voir les principes se transformer en actions concrètes.

Par ailleurs, cette réflexion ne peut pas se faire sans un questionnement plus large sur le système productif actuel, la consommation massive de ressources naturelles, l’harmonisation par le haut des normes sociales et environnementales, la définition de critères communs d’investissements durables.
Autre question soulevée par les Nouvelle Routes de la Soie : l’endettement des pays partenaires, dont les capacités de remboursement ont été affaiblies par la crise. Depuis 10 ans, la Chine a prêté des sommes conséquentes. Elle détient 63% de la dette combinée due aux pays membres du G20, contre 45 % en 2013.
Au-delà du risque économique, l’action de la Chine fait l’objet de vives critiques dans plusieurs pays partenaires du projet. Au Pakistan, elle est accusée d’occuper de force les terres, alors que des ressortissants chinois ont fait l’objet d’attaques. Des accusations de corruption sont lancées en Éthiopie et au Kenya, où les projets financés semblent n’avoir pas ou peu de viabilité économique. Autre critique, l’endettement serait un moyen pour la Chine de prendre la main sur des infrastructures stratégiques dans les pays en défaut de paiement.
Toutefois, certaines dettes sont en cours de négociation pour annulation ou rééchelonnement.

Ainsi, le projet de nouvelles routes de la soie permet le développement d’infrastructures et l’amélioration des flux de la mondialisation. S’il présente des apports manifestes, il est également un outil géopolitique majeur pour la Chine à laquelle le reste du monde peine à répondre. 

Cet article a pour origine une vidéo mise en ligne le 1er juin sur Xerfi Canal.

En complément nous vous proposons :
Une autre vidéo, avec des images hallucinantes. Voir plus bas.
– Le dossier Thématique réalisé par espritcors@ire, en 2019 et en cours de réactualisation : “XI JINPING : La Chine à la conquête du monde”
– Dans ce numéro l’article du Club des Vingt  « Avec la Chine, choisir le dialogue »

En lien direct avec l’article précédent, nous vous proposons cette vidéo. Nous n’avons pas réussi à en identifier les auteurs. Elle date de décembre 2020. Les informations en notre possession précisent : « La Chine vient d’ouvrir à la circulation la route qui la relie au Pakistan. Elle est longue de 880 kilomètres, sa construction a coûté 65 milliards de dollars. Les travaux ont été réalisés en 36 mois ».

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(*) Anaïs Voy-Gillis est docteure en géographie et géopolitique de l’Institut français de Géopolitique (IFG). Ses travaux portent sur les enjeux et les déterminants de la réindustrialisation de la France. Elle travaille également au sein du cabinet June Partners et conduit des missions de conseil opérationnel auprès de clients industriels. Elle est membre de l’Observatoire Européen des Extrêmes.
Elle vient de publier « Vers la renaissance industrielle », Editions Marie B. (mars 2020), co-écrit avec Olivier Lluansi présenté dans la rubrique LIVRES de ce numéro 166.

 

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