Economie française
Entre ombre et lumière
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Ambre Lucas (*)
Étudiante en Sciences Politiques
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En 2020, la France, suite à la pandémie du COVID-19, a enregistré une contraction inédite de 8,2 % de son produit intérieur brut (PIB), marquant la plus forte récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement a mis en place de multiples mesures de soutien, mais la guerre russo-ukrainienne ne contribue pas à une franche reprise économique.
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En 2020, lorsque le pays se retrouve touché par une crise sanitaire sans précédent, le gouvernement français se voit dans l’obligation d’installer des mesures barrières pour limiter l’expansion de l’épidémie. Face aux difficultés économiques que provoque la situation, le pouvoir met en place une multitude de soutiens spécifiques afin d’aider certains secteurs fortement touchés comme le tourisme, l’hôtellerie ou bien encore certains pôles industriels, obligés de stopper ou de réduire de manière drastique leurs activités. Avec pour conséquence une augmentation du taux de chômage, qui est passé, selon l’INSEE, de 7,2 % au deuxième trimestre à 9,1 % au troisième trimestre. Heureusement, les mesures de chômage partiel ont permis de préserver de nombreux emplois et d’éviter une augmentation encore plus significative du chômage, qui s’est stabilisé à 6% en fin d’année.
L’inflation se met en place
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Néanmoins, les mesures visant à maintenir à flot la situation économique française ne sont pas suffisantes, et entraînent une augmentation du déficit budgétaire du pays. Car le gouvernement, qui a dû accroître ses dépenses pour financer les mesures de soutien, a aussi dû faire face à la baisse des recettes fiscales liée à la récession économique (selon l’Insee le déficit public est établi pour l’année 2020 à 211,5 milliards d’euros soit 9,2% du PIB). Par conséquent, pour stimuler la reprise économique, la France a mis en place un plan de relance d’un montant de 100 milliards d’euros sur deux ans, visant à soutenir l’investissement, l’innovation, la transition écologique et la transformation numérique.
En 2021, après la pandémie et les campagnes de vaccination, le pays a connu une reprise économique très rapide. Dès l’annonce d’un retour progressif à la normale, les ménages ont recommencé à aller au restaurant, à voyager et, plus globalement, ils ont réalisé tous les projets qu’ils n’avaient pas pu faire durant le confinement. La consommation effective des ménages, qui était descendue à – 6,5% en 2020, est remontée à + 6 % en 2021. Mais l’offre n’a pas suivi au même rythme, de nombreuses usines confrontées aux difficultés d’approvisionnement et de recrutement, dans le secteur de l’automobile en particulier, ont mis beaucoup de temps à retrouver un rythme de production « normal ».
Par conséquent, la demande qui se faisait de plus en plus pressante face à une offre restreinte a entraîné une altération qui a fait monter l’ensemble des prix pour les biens et les services. C’est ainsi que débuta une période de forte inflation, qui fut aggravée en février de l’année 2022 par les conséquences de la guerre russo-ukrainienne.
Une reprise économique fragilisée
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Le conflit en Ukraine a eu de nombreuses répercussions sur les prix des matières premières, tant énergétiques qu’alimentaires. L’Ukraine est un important producteur de denrées agricoles alors que la Russie est le premier exportateur mondial de gaz et deuxième exportateur concernant le pétrole. À titre d’exemple, depuis février 2022, le cours du baril de Brent a augmenté de 77 à 120 dollars dès les premiers jours du conflit, et le cours du gaz sur le continent européen s’est envolé très rapidement.
À la suite des levées des mesures restrictives dues à la pandémie de Covid-19, entre décembre 2020 et octobre 2021, les prix de l’énergie avaient considérablement augmenté (le gaz à + 41 % et les carburant à + 21%). La guerre en Ukraine n’a fait qu’accentuer cette tendance dans l’ensemble de la zone euro. C’est ainsi qu’en octobre 2022, le taux d’inflation annuel de l’énergie a atteint 41,9 % avant de diminuer en février 2023 à 13,7%.
Sont venues s’ajouter les conséquences des sanctions économiques contre la Russie, telles que l’interdiction d’exporter certains biens et certaines technologies, ou encore l’interdiction de fournir des services de transport maritime de produits pétroliers vers des pays tiers. Par conséquent, les pays qui faisaient affaire avec la Russie furent contraints à une réorganisation coûteuse.
Le reconfinement de la Chine, en mars 2022, en raison d’une recrudescence des cas de Covid-19, a aussi, par voie de conséquence, provoqué un regain d’inflation et perturbé le reste de l’économie mondiale. Outre son impact concernant la production industrielle qui a diminué de 2,9% d’après les statistiques officielles, on fait également état d’un ralentissement du commerce maritime ce qui a sérieusement impacté pendant trois mois les usines et les ports. Ce retard a eu pour conséquence de renchérir les coûts de production et de transport, et de perturber globalement la logistique mondiale.
L’évolution de l’inflation
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La très forte reprise économique, la guerre en Ukraine et le reconfinement chinois, voilà donc trois facteurs qui expliquent l’inflation actuelle. Face à ces réalités, on peut donc s’interroger sur l’évolution possible de l’inflation à l’échelle mondiale.
Dans ce contexte difficile, l’économie européenne continue malgré tout de résister. La France est d’ailleurs l’un des pays européens aux taux d’inflations annuels les plus faibles, avec 6,9% en avril 2023. Concernant sa croissance économique, cette dernière avait connu un ralentissement en fin d’année 2022 mais pour cette année elle devrait rester sur un rythme trimestriel positif de 0,1%.
Pour faire face au risque d’effondrement de l’économie, de nombreux pays se sont vus dans l’obligation de creuser leur déficit budgétaire pour pouvoir mettre en place des programmes d’aide. La France a connu une augmentation de ses dépenses publiques de + 5,1 % en 2020 et de + 4% en 2021. Cette hausse a certes stimulé la demande, mais a aussi parallèlement accentué l’inflation. C’est pour cela qu’à l’été 2022, le gouvernement français a mis en place une série de mesures visant à soutenir le pouvoir d’achat, comme l’encadrement des prix des carburants et de l’énergie, la protection des différents types de ménages, le renforcement des aides à la mobilité…
Les différentes politiques budgétaires et monétaires visant à enrayer l’inflation ont permis de prédire pour cette année 2023 un ralentissement de la croissance mondiale à 1,7 %. Néanmoins, il est important de prendre en compte les différentes politiques économiques des pays et les tensions financières qui peuvent exister entre elles. Sans occulter une aggravation de l’inflation, tous ces éléments exposent l’économie mondiale à un risque de récession.
Perspectives pour la France
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La France, qui dispose d’un important parc nucléaire, est beaucoup moins dépendante que d’autres pays quant aux énergies fossiles. Elle reste cependant frappée par la hausse des prix de l’énergie (+ 3,7% par rapport au trimestre précédent). Compte tenu du bouclier tarifaire institué pour ralentir l’augmentation des prix de l’électricité et du gaz (augmentation limitée à 4% en 2022 et à 15% en 2023), les finances publiques sont lourdement endettées. Et le bouclier tarifaire, présenté comme un moyen de soutenir les plus démunis, ne sera pas éternel, et il faudra donc trouver une autre solution pour y remédier.
En ce qui concerne le PIB, la France bénéficie d’une certaine productivité industrielle en hausse (+ 0,7%), ainsi que d’une augmentation des exportations et d’une diminution des importations. Cela a entraîné une évolution positive de 0,6% dans le secteur du commerce extérieur. Toutefois, notre balance commerciale reste largement déficitaire (758,1 milliards d’euros d’importations de biens en 2022 contre 594,5 milliards d’euros d’exportations de biens). Malgré cela, le premier trimestre de l’année 2023 a connu une croissance de 0,2% selon l’Insee.
En ce qui concerne l’emploi, une tendance plutôt positive a été observée en 2022 et le pays continue de créer des emplois.
Concernant la consommation, elle s’est retrouvée affectée par le choc des prélèvements extérieurs sur les ménages. Elle diminue plus rapidement que prévu. Après avoir baissé de 0,2 % au premier trimestre 2023 en comparaison avec le dernier trimestre de l’an passé, la consommation des ménages continue de marquer un repli, avec une diminution de 2,3% malgré un ralentissement de la hausse des prix.
En dépit de quelques points d’amélioration de l’activité économique française, celle-ci pourrait très vite se trouver en difficulté, compte tenu du contexte international où de nouveaux défis s’annoncent, que ce soit dans le cadre financier (un krach boursier est possible), dans la cadre géopolitique ou dans le cadre du réchauffement climatique. Restons optimiste cependant, une accalmie est toujours en prévision : en l’absence de choc, l’inflation total diminuerait nettement sur la deuxième partie de l’année, pour s’établir à 5,6 % en moyenne annuelle.
(*) Ambre Lucas, diplômée d’une licence histoire, est actuellement étudiante en deuxième année de Master Conflictualités et Médiation. Elle a rédigé un mémoire sur l’Histoire et la Mémoire du Holodomor en Ukraine. Elle est actuellement journaliste stagiaire chez Espritsurcouf |
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