Marc Bloch…
toujours vivant

Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf

Sur décision du président de la République, dévoilée lors de la commémoration des 80 ans de la libération de Strasbourg, les cendres du célèbre historien lyonnais Marc Bloch (1886-1944), officier combattant des deux guerres mondiales et résistant face à l’Occupant, vont être transférées au Panthéon.

Titulaire de 5 citations, donc 4 pour la Grande Guerre, de la Légion d’honneur, de la Croix de Guerre 1939-1945, et, à titre posthume, de la Médaille de la Résistance avec rosette (1946), Marc Bloch a su combiner finesse intellectuelle et renommée universitaire, à travers ses œuvres d’histoire médiévale et la création des Annales d’histoire économique et sociale (1929), en s’associant à un autre historien, Lucien Febvre (1878-1956).

Marc Bloch, au-delà ses grandes qualités d’historien et chercheur, a su faire montre du courage du guerrier puis du résistant, en dépit de sa polyarthrite, tout en témoignant d’une lucidité exemplaire et d’une capacité d’analyse et de rétrospective des faits, lors de la Bataille de France qu’il vécut de l’intérieur.

En soi, son ouvrage, L’Etrange défaite, écrit en 1940 et publié en 1946, se doit d’être lu et relu tant sa nature semble nous rappeler combien les limites et les stigmates de la période relatée perdurent encore à notre époque, preuve de leur récurrence dans l’histoire : des élites suffisantes, souvent coupées de la réalité et pétries de certitude, sans capacité de remise en question ; l’absence de vision stratégique, compensée parfois par des audaces tactiques fugaces, le manque prédominant d’entrain et d’imagination face à l’imprévu ; une armée française où le carriérisme est omniprésent, faisant perdre le sens de la rupture avec les références des guerres passées, et de l’innovation stratégique autant que tactique ; enfin, une société française fragmentée entre ceux qui osent et ceux qui subissent ou qui attendent, par opportunisme, avec le sens du calcul au gré des aléas.

En somme, c’est un travail sur soi que nous invite à faire Marc Bloch – comme bien d’autres figures de notre Histoire commune – mais qui ne peut se faire qu’en conscience.

À défaut, on en restera à une belle cérémonie de Panthéonisation,  sur fond de sensibilité mémorielle autant passagère, que l’on ravivera, certes volontiers, de manière cyclique et artificielle.

Or, notre communauté nationale, frappée de fragmentation croissante, a besoin quotidiennement que ses membres travaillent sur eux-mêmes pour s’élever et œuvrer avec humilité en gardant à l’esprit les Références et Repères dont la sagesse ne peut être contestée.

 

Dans notre nouveau numéro, la diplomatie est au cœur d’une nouvelle analyse de Vincent Gourvil tant elle lui semble avoir perdu de sa profondeur et de son éclat, comme coupée de toute référence historique : « Diplomatie et mémoire : la révélation des contraires » (rubrique HUMEURS).

Les questions ultramarines dans l’Océan indien, ô combien d’actualité, sont à nouveau à l’ordre du jour avec la deuxième et dernière partie de l’étude qu’y consacre Paul Villatoux : « La question des îles Éparses et l’importance stratégique du canal de Mozambique » (2ème partie) (Rubrique GEOPOLITIQUE)

Nous prolongeons nos réflexions à travers l’étude de Lucas Verhelst qui parachève son regard sur les approches en vigueur de la gestion environnementale : « Politiques environnementales. Entre déterminisme et déficit de méthode » (2ème partie) (rubrique ENVIRONNEMENT).

Laure Fanjeau, dans sa rubrique, met à l’honneur Marc Bloch, à travers une sélection de vidéos (rubrique VIDEOS).

André Dulou, enfin, avec son Sémaphore, avec un volet Défense et Sécurité, composé notamment d’un focus intitulé « Réprimer l’apologie du terrorisme » d’un rappel historique d’un autre grand auteur français de guerre, Maurice Genevoix qui a fait son entrée au Panthéon le 11 novembre 2020,  et diverses références de presse nationale et internationale.

Quant à la publication que nous mettons en avant, il s’agit du dernier ouvrage de David Alliot, La Carlingue. La Gestapo française du 93, rue Lauriston, paru aux éditions Tallandier (560 pages. 24.9 €). David Alliot revient sur les exactions que mène cette gestapo française, surnommée la Carlingue ; une bande d’ignobles individus que dirigent Henri Lafont et Pierre Bonny, aux ordres de l’occupant allemand, à Paris. Henri Lafont poursuivit ses crimes durant le printemps 1944 avec un groupe de miliciens employés contre les maquis en Corrèze et Dordogne.

Pour peindre ce tableau glaçant, David Alliot a su s’appuyer sur des témoignages et des archives en large partie inédites (rubrique LIVRES).

Bonne lecture

Pascal Le Pautremat

 


 

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF.