RECONQUERIR NOTRE LIBERTE
PAR LA MER

par Richard Labévière (*)
Journaliste, spécialiste en R.I.
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Au moment où le Président de la République est allé à Cherbourg pour le lancement du SUFFREN, le premier sous-marin nucléaire d’attaque du programme Barracuda, ( le dernier SNLA, Le Terrible, a été construit il y a plus 10 ans) il est utile de se poser la question :

Pourquoi la France a besoin d’une marine forte ?

C’est l’une des autres grandes leçons toujours actuelles de la Guerre de Trente ans : chaque monade doit se défendre pour persévérer dans son existence. La nécessité d’une « défense nationale » – non inféodée à quiconque – est devenue encore plus urgente dans le contexte de la mondialisation actuelle.

Suite à l’effondrement national de mai 1940 et à l’appel à résister du généralde Gaulle, c’est par la mer qu’a commencé à s’affirmer la France Libre, qu’elle a entrepris l’œuvre de reconquête. C’est d’abord l’épopée de l’Ar-Zenith, qui s’embarque de l’ile de Sein pour l’Angleterre, plusieurs dizaines de jeunes Bretons répondant à l’appel du 18 juin. Deux mois après la tragédie de Mers el-Kébir, c’est encore par la mer, au large de Dakar que les Forces Françaises Libres et la marine britannique tentent un débarquement. En novembre 1941, le général de Gaulle dépêche l’amiral Muselier au Canada pour préparer une opération amphibie afin de libérer Saint-Pierre-et-Miquelon, resté aux mains du gouvernement de Vichy. Depuis Halifax en Nouvelle-Ecosse, l’amiral regroupe ses forces : le sous-marin Surcouf et les trois corvettes MimosaAconit et Alysse. Malgré l’opposition des Etats-Unis et du Canada, le général de Gaulle – soutenu par Winston Churchill – donne l’ordre à Muselier de lancer l’opération. Le 23 décembre 1941, la flottille française appareille et aborde les îles le 24 à trois heures du matin. En une vingtaine de minutes et sans tirer un seul coup de feu, l’affaire est entendue. Le lendemain, une consultation populaire donne une majorité de 98,2% des suffrages exprimés en faveur de la France libre. Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi l’une des premières terres françaises ralliées à la France libre. Les Américains sont furieux…

Durant cette période tragique de notre histoire, les Forces navales françaises libres ont été le fer de lance d’opérations décisives pour la résurrection du pays : les coups portés aux sous-marins allemands U-Boote, les victoires contre l’Afrika-Korps de Rommel en Afrique, de même que les missions de ravitaillement de l’URSS par l’Arctique… Une histoire faite de grands succès militaires, de pertes amères et de courage, dont les héros se nomment Honoré d’Estienne d’Orves, Philippe Kieffer, les marins de l’île de Sein et bien d’autres. Les Marins libres sont les seuls Français à débarquer en Normandie le 6 juin 1944, avant de participer à la Libération de Paris puis à celle de l’Europe.

Le livre de Luc-Antoine Lenoir (Résister sur les mers – Une histoire de la Marine française libre. Editions du Cerf, juin 2018) se referme par ces mots : « alors que la France prend actuellement conscience des ressources de son vaste espace maritime et de la nécessité d’y asseoir sa souveraineté, la Marine nationale tient une nouvelle occasion de montrer son savoir-faire unique, et d’écrire de nouvelles pages de grandeur sur tous les océans du globe. Elle l’a déjà bien compris. Aux Français d’en faire de même ».

En effet, nous y sommes et il est bien clair que forte de son deuxième espace maritime mondial et de son premier domaine sous-marin, la France est aujourd’hui en position de reconquérir de grandes parts d’indépendance et de souveraineté aliénées par la mondialisation contemporaine. Faut-il encore que notre pays coordonne sa stratégie navale à une vraie stratégie maritime définie par une « politique maritime » claire et ambitieuse.

La stratégie navale est fixée par le Plan Mercator à l’horizon 2030/2035. Cela dit, et malgré la dernière loi de programmation militaire, les questions de « masse critique » et du maillage de nos espaces maritimes et sous-marins se pose de manière récurrente. Malgré ses qualités opérationnelles sur un large éventail de missions qui fait de la Marine nationale l’une des premières du monde, il faut dire clairement aujourd’hui que l’on manque de bateaux et de marins. A cet égard, les discussions à venir sur le remplacement du Charles-de-Gaulle (arrivant en fin de mission en 2038) seront décisives : un porte-avions nucléaire ou deux… nucléaires ou conventionnels et avec quel système d’armement ?

Comme le dit Régis Debray, il est des économies qui coûtent chers ! La permanence à la mer de notre Groupe aéronaval (GAN) est devenue une incompressible nécessité. L’hypothèse d’une indisponibilité probable de notre porte-avions (pour entretien et révision) dans le contexte d’une crise internationale majeure affaiblit grandement sa pertinence stratégique. Pour cette raison, avec Régis Debray nous proclamons deux porte-avions, sinon rien !!!

Quant aux incidences de deux porte-avions sur le sort du contribuable français ! Gérer un budget, c’est faire des choix politiques !
Pour défendre sa place et ses intérêts dans une mondialisation de « la guerre de tous contre tous », notre pays doit pouvoir compter sur une Marine nationale de premier plan, disposant de plus de bateaux et de marins. Ce constat ne résulte pas d’un militarisme forcené mais de la réalité du monde actuel et à venir. Fidèle à la mémoire de ceux de l’île de Sein jusqu’à nos commandos marine dernièrement tombés au champ d’honneur, les Français doivent assurer eux-mêmes leur défense et leur sécurité. Leur présence sur tous les océans et mers du globe leur en offre l’opportunité. En répondant à l’appel de cette voix profonde de la mer, si majestueusement décrite par Michelet, la France d’aujourd’hui est en mesure de délivrer à nouveau un message universel. Faisons-le !
 Comme disait Tabarly, la mer ce n’est pas seulement ce qu’on a dans le dos lorsqu’on fait face à la plage…

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Il a été rédacteur en chef à la Télévision Suisse Romande (TSR) et à Radio France International(RFI). Rédacteur en chef bénévole de Défense, la revue de l’Union-IHEDN (Institut des hautes études de défense) de 2003 à 2011, il exerce depuis 2010 comme consultant en relations internationales et en question de défense et sécurité. Depuis 2012 Vice-Président d’espritcors@ire (Observatoire de la Défense et de la Sécurité, réseau d’experts des questions de défense et de sécurité). Depuis 2014, il est rédacteur en chef du site Proche & Moyen-Orient – Observatoire Géostratégique. Il est aussi membre de la rédaction du mensuel Afrique-Asie et d’ESPRITSURCOUF.fr Rubrique « Géopolitique ». Il est officier de réserve opérationnelle de la Marine nationale.

Richard Labévière écrit régulièrement
 sur 
le site Proche & Moyen-Orient 
répertorié dans la rubrique Revues et Lettres
 de la “Communauté Défense et Sécurité” d’ESPRITSURCOUF.fr

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