La drogue détruit
Consommateurs et aidants …

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Roselyne Febvre (*)
Journaliste
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Quand une famille compte dans ses membres un drogué, c’est un drame qu’elle préfère le plus souvent garder sous silence. Ce n’est pas l’attitude de l’auteur, dont le fils est atteint par ce mal. Pour elle,
l’addiction à la drogue est une maladie bien réelle (et pas une maladie honteuse), qui provoque des souffrances touchant la société dans son entier.

 

La culpabilité. Voilà ce qu’il reste aux familles et aux proches impuissants face à l’addiction. L’addiction à la drogue. A l’alcool. Au tabac. L’addiction d’un fils, d’une fille, d’un père ou d’une mère. D’un proche. Certains font le tour de France des châteaux ou la route des vins. D’autres font le tour des hôpitaux psychiatriques, des cliniques. On croit y pousser les portes de l’espoir pour qu’ils guérissent. On y découvre un monde soignant fait de diagnostics souvent contradictoires selon les médecins que l’on consulte.

Troubles insupportables

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Troubles bipolaires avec symptômes maniaques. Schizophrénies. Bouffées délirantes. Troubles de l’attention et de l’hyperactivité. Crises d’angoisse. Les diagnostics des uns contredisent ceux des autres. Les médicaments, antipsychotiques, neuroleptiques et autres prescriptions s’entremêlent, s’annulent et s’opposent la plupart du temps.

Si certains imaginent que dans les hôpitaux psychiatriques on crie ou on hurle, ils se trompent. Tout est silence, prostration. La souffrance ne fait pas de bruit, évanouie pour un temps, noyée dans les molécules, distribuées avec une régularité de moine. A matines, on chasse le malin à coups de cachets. Le soir, on ouvre la bouche pour recevoir l’hostie qui endort. Combien de fois ai-je laissé Arthur, mon fils, dans ces murs, car dehors il était un danger pour lui-même ? Et peut-être pour les autres.

Pieds nus, il sautait sur le capot des voitures en poussant des cris. Les bras en croix, il hurlait qu’il était le Messie. Cette scène tragique, dont chacun pourrait rire, a été le début d’un long cauchemar. Il avait commencé par fumer du cannabis avec des copains, à 16 ans, à la sortie du lycée ou en soirée. Puis très vite est arrivée la MDMA, connu aussi sous le nom d’ecstasy, la kétamine, un anesthésiant pour chevaux consommée dans les raves party ou dans les concerts pour décoller. Des champignons hallucinogènes vendus sur internet. Sur ces sites, nous sommes prévenus, ils n’envoient pas en Allemagne, en Suisse, en Grande Bretagne, en Norvège et d’autres pays. La France n’est pas indiquée.

Pourquoi ?

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Pourquoi cette destruction, ce saut vers l’inconnu, vers ces substances dont nul ne peut prévenir les effets ? Nul n’en sait rien. Pas même lui. A quoi bon végéter ? Se percher ? Le sait-il seulement ? Les drogues n’ont rien de rationnelles. Elles tuent, massacrent à petits feu. Que faire alors ? Renvoyer la responsabilité aux parents, aux proches ? Aux consommateurs ?

Photo Pixabay


Après tout, mon fils est majeur et vacciné. Il est un adulte consentant qui choisit la destruction sans l’imaginer ni la percevoir. Il est responsable de son propre sort. C’est à peu près la lecture sociale, ou sociétale, que l’on se fait des personnes droguées. Cette lecture-là est une erreur majeure pour deux raisons : parce qu’il s’agit d’une maladie, reconnue comme telle et dont il faut prendre la mesure de la gravité. Ensuite parce qu’en France, près de quatre millions de personnes consomment chaque jour de la drogue, du cannabis dans 80% des cas. Il ne s’agit pas d’un phénomène marginal. Beaucoup de jeunes ne peuvent plus travailler à l’école ni se concentrer et se referment sur eux-mêmes.

Chaque année on consacre une journée internationale aux addictions. Mais le sujet reste toujours aussi tabou, même si l’affaire Palmade a révélé au grand jour le tragique de la drogue et de ses méfaits.

L’Etat doit garantir notre protection

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La consommation de drogues ne saurait être ramenée et réduite à la seule responsabilité individuelle. Les trafics ne sont pas éradiqués et prospèrent, malgré la lutte engagée mais insuffisante. Il faut aussi agir  pour la prévention, et bien sûr condamner ceux qui vivent de ces  trafics. Il faut aussi agir pour réparer. C’est un enjeu de santé publique. La responsabilité est collective. A ce titre, l’Etat est le garant de nos protections. Aux côtés des collectivités et des associations.

L’Etat doit s’engager plus encore dans la lutte contre les addictions et la sensibilisation, des jeunes publics notamment. Dans un contexte où la crise sanitaire a plongé des millions de Français dans un grand désarroi, voire une réelle détresse psychologique, en particulier parmi les nouvelles générations. La tentation de sombrer dans l’alcool, les drogues en tous genres, l’excès de tabac et autres addictions est une menace de chaque instant. Selon la MILDECA (Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue Et les Conduites Addictives)  la France compte 900.000 usagers quotidiens.

IL convient, face à ce péril, que la puissance publique investisse massivement dans la recherche fondamentale. Dans le même temps, les moyens donnés aux hôpitaux psychiatriques doivent être revalorisés et leurs personnels soignants, si dévoués bien que souvent démunis,   reconsidérés. Plus qu’un enjeu de santé publique, c’est un enjeu civilisationnel, de société. La séquence politique qui s’ouvre peut et doit être l’occasion de repenser en profondeur notre médecine psychiatrique, afin de ne plus laisser les familles et les proches seuls face à leur culpabilité.


(*) Roselyne Febvre est journaliste de  télévision. Elle a exercé à Antenne 2, sur La Cinq, à France 3. Depuis 2006, elle est chef du service politique de France 24.  Elle raconte son combat pour sauver son fils dans un livre, Les battements de cœur du colibri, aux éditions du Rocher.

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