Indonésie,
pays non aligné

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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF

Les représentants des plus grandes puissances se sont réunis à Bali dans le cadre du G20, avec un mot d’ordre de la part des autorités indonésiennes : favoriser la paix.

L’espace indopacifique présente des enjeux multiples. D’ici 2040, il pourrait représenter jusqu’à 57% du PIB mondial. Mais les tensions y sont vives et les enjeux de développement déterminants. Il s’agit notamment de relever les défis portant sur l’endiguement de la prolifération nucléaire, la lutte contre le terrorisme islamique et les organisations criminelles transnationales, ou encore contre les actes de piraterie maritime, la pêche illicite. Enfin, il est urgent d’y promouvoir de nouvelles politiques en matière d’écologie.

La zone immense, 239,28 millions de km² et 36 États, est le théâtre du rapport de force entre la Chine, expansionniste, et les Etats-Unis qui veulent la contenir. Les deux puissances rivalisent à travers la mise en place de deux zones de libre-échange : le Partenariat économique régional global (RCEP, Regional Comprehensive Economic Partnership), d’initiative chinoise, entrée en vigueur en janvier 2022 (15 pays partenaires), et le partenariat économique en Asie-Pacifique (IPEF – Indo-Pacific Economic Framework) voulu par Washington (13 pays pour 40% du PIB mondial).

Première économie de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie, avec ses 278 millions d’habitants, est le quatrième pays le plus peuplé du monde. Pour son président Joko Widodo, élu en 2019, la priorité est donnée au développement économique diversifié, avec un renforcement de la démocratie. Pour autant, les Indonésiens souffrent d’un processus d’inflation qui contrecarre les volontés d’ouverture à l’international. 

Il s’agit aussi d’accompagner le pays dans sa transition énergétique et de le faire participer activement à la lutte contre la déforestation, dont l’industrie de l’huile de palme est largement responsable. L’Indonésie est en effet le premier producteur et exportateur d’huile de palme avec 60 % du marché mondial. Huitième émetteur mondial de gaz à effet de serre, le pays semble déterminer à relever le défi de leur baisse drastique. Déjà, à court terme, il projette une réduction de 29 % d’ici 2030.

Les prises de conscience se font mais il faut accélérer l’accompagnement financier et économique du régime pour permettre la mise en place progressive de nouvelles activités de substitution. D’autant que l’opposition au régime en place, à savoir le courant islamiste, ne manque aucune occasion pour tenter de gagner en influence.

Shangaï ? Dubaï ? Los Angeles ? Non, Djakarta, capitale de l’Indonésie.
Photo DR

D’autre part, l’Indonésie se veut le porte-parole des pays en développement et réaffirme le concept des pays non-alignés qui avait prévalu à la conférence de Bandung en 1955. Elle démontre ainsi sa volonté de ne pas s’immiscer dans une lecture bipolaire des relations internationales.

Prônant le dialogue au détriment de la guerre, et profitant qu’il en assure la présidence jusqu’à la fin 2022, le président Joko Widodo avait invité au sommet du G 20 les présidents Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine. On sait ce qu’il en est dans l’immédiat.

De son côté, l’Allemagne semble de plus en plus tentée par une nouvelle dynamique, loin du couple rassurant conforté avec la France depuis des décennies. Vincent Gourvil porte ainsi notre attention sur cette nouvelle posture allemande (rubrique Humeurs).

Sur le champ du conflit russo-ukrainien, la menace nucléaire et les politiques de dissuasion sont au cœur de l’analyse du général Norlain, dont la première partie « Ukraine : dissuasion nucléaire en échec » a été publiée dans le numéro 199 (rubrique Défense).

Nous n’oublions pas le continent africain avec l’étude que consacre Victor Denis aux relations tumultueuses et conflictuelles entre le Rwanda et la République démocratique du Congo « (rubrique Géopolitique) et celle de Killian Guyon, focalisée sur la piraterie dans le Golfe de Guinée (rubrique Sécurité)

Dans un tout autre registre,  Monsieur Patrick Ollier nous a accordé un entretien et  Jean-Pierre Ferey nous offre un regard sur le Grand Paris dont la dimension économique ne peut être ignorée (rubrique Économie).

Dans la rubrique LIVRES , pour mieux comprendre les enjeux actuels de la guerre en Ukraine, nous présentons Le géant empêtré, dernier ouvrage que vient de publier Anne de Tinguy éminente historienne, spécialiste de la Russie.

Enfin, dans la rubrique VIDEOTHEQUE, nous vous proposons la saga des porte-avions français et le porte-avions français en projet.

Bonne lecture.

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Conférencier et chargé de cours dans l’Enseignement Supérieur, il a enseigné à l’École Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Il intervient aussi dans les sociétés et les structures publiques en matière d’analyses géopolitiques et géoéconomies. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu” est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF du 30 novembre 2020