Robotisation et létalité…
Une dérive institutionnalisée…

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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf

En 2018, 2019 et 2020, l’ancienne ministre des Armées, Florence Parly, ne manquait pas de préciser dans la presse, au gré d’une stratégie de communication à tout crin, que la France ne comptait absolument pas développer les robots tueurs, tranchant ainsi avec le positionnement des Etats-Unis. Dans une interview accordée au journal Les Echos en avril 2019, elle annonçait même la création d’un comité d’éthique, (voir l’article intitulé « Florence Parly : Oui à l’intelligence artificielle, non aux robots tueurs »).

En 2023, forces est de constater que, là encore, la réalité est toute autre, et que les autorités françaises tournent le dos à une approche intègre de l’éthique. Dorénavant, il s’agit de mettre en service un vecteur robotisé, terrestre, à capacité létale, pour acter son emploi dans le modèle d’Armée française 2040…

Officiellement, le projet de loi de programmation militaire (2024-2030) fait état d’un investissement de 5 milliards d’euros en faveur des «capacités dronisées adaptées aux différents contextes opérationnels », en misant surtout sur l’amélioration des capacités de détection et d’action à distance. Concrètement, il s’agit aussi d’accroitre sensiblement l’arsenal en munitions téléopérées.

Et l’on découvre que l’armée de terre travaille depuis plus de 2 ans, en partenariat avec des entreprises privées, sur la mise au point de robots terrestres capables de tirer des projectiles. C’est ce que vient de réaliser la Section technique de l’armée de Terre (STAT) en s’appuyant sur un robot THeMIS, créé par l’entreprise estonienne Milrem Robotics, dont le tourelleau téléopéré est de facture belge (société FN Herstal). Le système robotisé dispose de certaines capacités d’autonomie et a effectué des tirs à distance (600 à 800 mètres), certes sous contrôle humain.

Conjointement, les autorités françaises ont également décidé d’opter pour les robots kamikazes, au motif d’un alignement sur les choix stratégiques autant que tactiques effectués dans nombre de pays majeurs. Il s’agit ainsi de développer des robots dits bombardiers (programme « Sky Carrier ») et des drones kamikazes (programmes « Colibri » et« Larinae »). C’est-à-dire, pour le premier programme, des drones capables de lancer plusieurs dizaines de grenades sur des objectifs identifiés jusqu’à 10 kilomètres de distance. Et pour le second programme, des drones capables de s’écraser avec plusieurs kilos d’explosifs sur des cibles situées jusqu’à 50 kilomètres…Ces programme, d’abord classifiés, ont finalement été rendus publics en mars 2023.

Sur cette photo, le robot tueur reste télécommandé par un officier américain. Est-il inimaginable qu’il soit un jour autonome ? Photo US Defence Department

Le prétexte est aussi conforté par le prisme commercial et la concurrence internationale. Le général Yann Gravêthe, directeur de la délégation à l’information et à la communication de la défense, estimait ainsi, dans le journal Le Monde du 25 mars dernier : « On est en train de développer toute une gamme pour rentrer dans le match à bon niveau »

Et lorsqu’on soulève les principes éthiques, ou même le risque d’accorder trop de champ à l’intelligence artificielle, on rétorque, toujours et encore, que l’humain restera dans la boucle en matière de contrôle. Et l’on martèle que, jamais, l’intelligence artificielle, ne sera autonome…Que vaudront de telles certitudes dans quelques années ?

Entre aveuglement et éternelle course aux armements, les inquiétudes et mises en garde quant aux risques de dérives n’ont donc aucun effet. On peut imaginer ce à quoi va aboutir cette obsession pour l’intelligence artificielle, dont la montée en puissance constante ne pourra que l’inciter à acquérir coûte que coûte sa propre autonomie et à renforcer ses propres capacités. Des logarithmes n’ont-ils pas déjà montré leur capacité à se multiplier et donc à accroître leur potentiel ?

Comme pour les dérives en matière de gestion de la biodiversité, des ressources en eau, on viendra encore crier et paniquer dans une ou deux décennies devant la folie des hommes. Une de plus…

Il est vrai que notre monde semble s’enfoncer toujours un peu plus dans une longue nuit polaire d’incertitude et de bouleversements. Ce qui n’a pas échappé à Vincent Gourvil qui dresse ainsi un état du monde dans son article « 2023 : penser l’impensable ! » (rubrique Géopolitique).

Le mal être est de plus en plus prégnant dans les sociétés humaines, et le ravage de l’addiction aux stupéfiants est bien réel. Roselyne Fevbre en souligne ainsi l’aspect dramatique : « La drogue détruit consommateurs et aidants » (rubrique Humeurs).

Sur le champ militaire, Éric Stemmelen détaille les raisons qui ont fait que l’armée française ne pouvait pas gagner sa guerre au Sahel. Son analyse, antérieure au départ effectif de Barkhane, en résonne d’autant plus : « Armée française au Sahel : les bonnes questions » (rubrique Défense).

Sur le plan économique et financier, après des décennies de déstructuration des piliers de la nation sous les coups de butoir d’une technocratie hors sol, la France est confrontée à des chantiers et programmes d’urgence. Olivier Passet les rappelle : « Réforme des retraites : bombes économiques masquées. » (rubrique Economie)

Dans la mesure où nombre de pays basculent dans des situations conflictuelles, sur fond de tensions socio-politiques, avec des processus de rupture entre nation et pouvoir exécutif, nous vous invitons à vous plonger dans un ouvrage, paru début avril, qui revient sur la genèse de telles situations : Guerre civile ? d’Alessandro Monsutti et Franck Mermier, (collection Monde commun, aux éditions Presses universitaires de France), au gré d’un tour d’horizon mondial.

Enfin, André Dulou vous propose une nouvelle revue d’actualité en attirant notre attention sur le côté « opérationnel » de la Défense et de la Sécurité…

 Dans la rubrique VIDEO nous pourrons écouter ce que représente la guerre de haute intensité pour le GCA Bruno DURIEUX, Directeur de l’IHEDN

Bonne lecture.

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Conférencier et chargé de cours dans l’Enseignement Supérieur, il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF du 30 novembre 2020

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