Quelle architecture de sécurité
pour le XXIe siècle ?

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Vincent Gourvil (*)
Docteur en sciences politiques

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Quel nouveau système de sécurité internationale pourrait être en mesure de répondre aux nouveaux défis conjoncturels ? Telle est la question à laquelle l’auteur apporte sa réponse argumentée. Un regard qui vient nourrir le débat. Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur.

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« L’impasse peut devenir le début d’une voie » (René Barjavel). Encore faut-il faire preuve de clairvoyance ! La tâche n’est pas aisée. D’une impasse, il est difficile de sortir. Il en va ainsi de la crise du système multilatéral (surtout son obsolescence) que le monde traverse. Elle est expliquée, commentée, disséquée. Mais, au-delà d’un diagnostic souvent approximatif, évolutif, de vérités qui dérangent, le temps du remède ne semble pas encore venu.

Dans un nouvel espace international, les nouvelles règles régissant les rapports entre États tardent à se mettre en place. Si certains évoquent l’idée d’une nouvelle architecture (de confiance) et de sécurité, rares sont encore ceux qui en définissent une esquisse autour de quelques grands principes de base. Ce qui constitue le point de départ incontournable pour stabiliser le monde de demain. De notre point de vue, nous devrions nous inspirer des réflexions d’un architecte chargé de bâtir un nouvel édifice. Trois questions se posent alors, celles des fondations, des murs et du toit de notre éventuelle « Maison commune ».

LES FONDATIONS : LE CIMENT DE LA CONFIANCE
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Aucun système organisationnel pérenne ne peut exister sans un minimum de confiance entre ses éléments constitutifs : les États dans la société internationale. Or, au XXIème siècle, la défiance prend le pas sur la confiance. Elle constitue l’un des meilleurs carburants de la conflictualité. Or, le retour à la confiance est indispensable pour bâtir un nouvel ordre international.

Nous en sommes encore loin en ce temps de conflit russo-ukrainien marqué par les habituelles imprécations des uns et des autres. S’y ajoute le conflit au Proche-Orient. Bâtir la confiance n’est jamais facile tant cela suppose persévérance et volontarisme. Cela passe par le recours à deux importants éléments constitutifs de la diplomatie : le dialogue et l’inclusion.

Comment imaginer de résoudre un problème en refusant de parler avec l’autre (celui avec lequel l‘on est en désaccord) et en l’excluant des cercles traditionnels de discussion (celui que l’on qualifie d’infréquentable) ? Ceci relève de l’évidence.

Les structures mises en place après la Seconde Guerre mondiale (système onusien) et durant la Guerre froide (système de la CSCE avec le document sur les mesures de confiance, puis de l’OSCE) en fournissent le meilleur exemple. Le voulons-nous ? Le pouvons-nous ? Tant que nous n’aurons pas franchi cette étape, il y a fort à parier que les fondations de l’édifice international demeureront fragiles, incapables de jouer leur rôle d’amortisseur de conflictualité. Une fois, ce cap délicat franchi, nous pourrons envisager d’édifier les murs de notre « Maison commune ».

LES MURS :  LE CREUSET DE LA SÉCURITÉ
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Si Emmanuel Macron évoque, à juste titre, depuis plusieurs années, l’indispensable mise en place d’une « architecture de confiance et de sécurité », c’est bien la preuve qu’existe une relation symbiotique entre les concepts de confiance et sécurité. Le second ne va pas sans le premier. Et, c’est alors que le problème se complique. Comment induire un sentiment – si subjectif soit-il – de sécurité chez votre rival s’il n’a pas confiance en votre parole ?

Dans ce domaine, les Occidentaux, Américains au premier chef – si prompts à s’ériger en donneurs de leçons – ne sont pas exempts de tout reproche. Ils mélangent souvent droit et morale, principe et opportunité, cris d’orfraie et indignation à géométrie variable. Ils affaiblissent eux-mêmes l’Etat de droit et les règles internationales. Il ne suffit pas de dresser le constat de la conflictualité croissante. Toutes choses faites pour affaiblir la confiance de votre partenaire, votre rival, votre ennemi, et, par voie de conséquence, la sécurité internationale. La sécurité se construit par des actes et non par des paroles creuses, caractéristiques de la société de la communication. Sans confiance, les traités ne sont que de vulgaires chiffons de papier que l’on peut déchirer à l’occasion d’une crise. Une maison aux murs montés de bric et de broc a de fortes chances de se fissurer au moindre vent mauvais. C’est ce que nous constatons malheureusement chaque jour aux quatre coins de la planète. Si tant est que nous montions des murs solides, que devrait-il en être de la toiture ?

LA TOITURE : LE COURONNEMENT PAR LE DROIT

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Va-t-on vers un monde sans droit ? La question n’est pas une hypothèse d’école dans un monde marqué par la prégnance des rapports de force, de puissance et de la désuétude de la loi universelle. Un monde fragmenté et contradictoire au sein duquel l’addition des menaces peut déboucher sur un conflit mondial. Un échiquier international dont les pièces ne cessent de bouger.

Mais, dans ce contexte de fluidité, quelles doivent être les caractéristiques de la norme internationale au XXIe siècle ? Plus qu’une fin en soi, elle doit être un moyen de parvenir à coucher sur le papier quelques principes clairs, reconnus par tous, bannissant le recours à l’ambiguïté constructive, ferment de moultes déconvenues. La norme ne crée pas la sécurité. Elle l’accompagne lorsque celle-ci s’est bien ancrée dans les esprits comme étant dans l’intérêt de tous et pas seulement des puissants. Elle la parachève au point que, dans un monde idéal, elle deviendrait inutile en dépit de l’adage latin « ubi societas, ubi jus ».

Aujourd’hui, l’ONU, réduite à l’impuissance – en dépit de son stock impressionnant de conventions et de conférence (« Pacte sur le futur », septembre 2024, devant déboucher sur un agenda pour la paix) – exerce un magistère verbal dont nul ne craint les avertissements. Preuve en est que le droit ne constitue pas la panacée universelle aux maux du monde du XXIème siècle contrairement à la pensée dominante française habituée à l’inflation normative comme solution à tous les problèmes. Il nous faut en tenir compte dans la construction du toit de notre future « Maison commune ».

« La politique est l’art de concilier le désirable avec le possible » (Aristide Briand). La nature reste impénétrable et l’Histoire imprévisible.

Face à un monde en convulsions, il est temps de mettre fin au désordre international et de recréer les conditions d’un ordre pacifique et stable par un renouveau des institutions internationales.

Soyons originaux, créatifs pour adapter les principes à la réalité nouvelle ! Ne cédons pas à la tentation de la facilité, celle d’un droit soumis aux impératifs de la communication. Celle qui fait office d’action.

Il ne suffit pas de constater la recomposition en cours de l’ordre stratégique. Il ne suffit pas de dresser le constat d’échec d’un système multilatéral mis en place en 1945. Il faut le repenser pour redéfinir son logiciel sur la base d’un dialogue et d’une coopération concrète. Cessons de manipuler les mots pour échapper au réel. Après le temps des questions, vient celui des réponses sur des sujets fondamentaux. C’est à ces conditions que nous pourrons bâtir une architecture de confiance et de sécurité pour le monde du XXIe siècle !

(*) Vincent Gourvil est le pseudonyme d’un haut fonctionnaire, par ailleurs Docteur en sciences politiques.

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