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MERKEL : LE BILAN
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;Hugo Marneffe (*)
Johann Airieau (*)
Journalistes-stagiaires
chez ESPRITSURCOUF
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Depuis 2005, donc depuis 16 ans, Angela Merkel est à la tête de l’Allemagne, grâce à des « Grandes Coalitions » composées autour de sa formation politique, la CDU-CSU (centre-droit). Cette longévité a donné au pays une image de stabilité, ce qui rend les élections fédérales du 26 septembre d’autant plus décisives.
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’Allemagne sous Merkel est marquée par de bons résultats économiques malgré les crises traversées. Ces succès trouvent leurs racines dans la période antérieure. L’Allemagne profite notamment de la mise en place de l’euro et des lois Hartz du Chancelier Schröder, qui ont permis au pays de gagner en compétitivité via une faible inflation et une stagnation des coûts salariaux. Le gouvernement Merkel poursuit l’objectif de compétitivité du début des années 2000. 

Economie, le point fort
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Après la crise de 2008 et la récession de 2009, qui donne lieu à une baisse de 4,7% du PIB et affecte les exportations allemandes, la politique économique devient plus pragmatique. Les plans de relance accroissent les exportations et permettent la reprise dès l’année suivante, et l’équilibre budgétaire en 2012.

Cette séquence est immédiatement suivie d’un retour à une politique restrictive, marquée par l’application du mécanisme de frein à la dette dès 2011.  L’économie outre-Rhin résiste au chômage grâce, selon certains, à la loi Hartz IV qui restreint les indemnisations, et au recours massif au chômage partiel, fortement subventionné par le gouvernement durant la crise.

Angéla Merkel prêtant serment lors de sa première intronisation, en 2005. Photo DR

Dès lors, en 2016, tous les indicateurs sont au vert, notamment celui des excédents commerciaux qui atteignent 297 milliards de dollars, un montant supérieur à celui de la Chine. Cependant, la faiblesse structurelle de la consommation est une préoccupation que les excédents budgétaires, à partir de 2014, contribuent à combattre, via des mesures sociales comme le salaire minimum et la politique migratoire. Certaines limites sont néanmoins observables comme le faible niveau d’investissement. 

Problèmes de justice sociale
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Ces résultats cachent certaines carences. La paupérisation des jeunes et de certains retraités, la persistance des inégalités entre les Länder de l’ouest et de l’est ; et la difficile reconversion des anciennes régions industrielles sont des faiblesses qui continuent de peser sur la population allemande. Un mécontentement existe alors et se traduit notamment par d’importantes grèves en 2007 et 2008. Le pays souffre aussi de la précarité de certains emplois, Eurostat met en avant une proportion élevée de travailleurs pauvres (9,5% en 2017). 

Pour pallier ces défauts, sous la pression du SPD (centre-gauche), qui en a fait une condition sine qua non pour former une coalition,  le minimum vieillesse a augmenté et un salaire minimum a été instauré. C’est une véritable rupture avec le modèle traditionnel outre-Rhin,  basé sur l’autonomie des partenaires sociaux. Le salaire minimum fixé à 8,5 euros de l’heure en 2015 s’élève à 9,35 en 2020, sans pour autant affecter l’emploi comme certains le craignaient.

La crise migratoire
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L’Allemagne est aussi marquée par le traitement des réfugiés lors de la crise de 2015, où elle accueille 1,1 million de migrants, soit cinq fois plus que l’année précédente. Car Angela Merkel a adopté une politique d’ouverture qui a l’avantage, supposé, de compenser la faible croissance démographique et le vieillissement de la population par des travailleurs étrangers et qualifiés.

Des mesures pour limiter les abus du recours au droit d’asile, faciliter les expulsions et favoriser l’intégration sont la contrepartie d’une telle politique. Les dépenses supplémentaires qui en découlent contribuent par ailleurs à soutenir la consommation intérieure allemande. En outre, plus de moyens sont attribués aux collectivités afin d’intégrer les migrants. 

Cette gestion est particulièrement approuvée par les Verts (parti centriste et écologiste) et Die Linke (classé à l’extrême gauche). Saluée notamment par Ban-­ki Moon, le secrétaire général de l’ONU, elle donne cependant lieu à une croissance de la xénophobie qui s’est traduite par de bons résultats électoraux de l’AfD (extrême droite). La politique du gouvernement s’est alors durcit rapidement sous la pression des conservateurs de la CSU. 

Manifestations contre la politique d’immigration d’Angéla Merkel. Photo DR

L’attaque du coronavirus
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La pandémie a amené à une baisse de 10,2% du PIB au deuxième semestre 2020. Le recours massif au chômage partiel et la mise en place des aides d’urgence ont permis d’atténuer les conséquences économiques. Les industries ont évidemment souffert, notamment du manque d’approvisionnement et de demande, dans le secteur automobile en particulier. Des mesures de baisse de la TVA et de bonus enfant de 300 euros par famille ont contribué à relancer la demande.

L’Allemagne a subi des restrictions moins sévères qu’en France, et les services de santé ont augmenté leurs capacités de réanimation. A noter que la numérisation et la transmission des informations ont été améliorées pour une gestion et une coordination plus efficace. 

Certaines mesures ont cependant été plus controversées, comme la fermeture unilatérale des frontières et l’interdiction d’exportation de matériel médical au reste de l’UE. Par ailleurs, les mesures restrictives prises pour Pâques ont suscité un fort mécontentement et obligé la chancelière à s’excuser. Gérer la crise n’a  pas été simple, à cause du modèle fédéral qui répartit de façon complexe les compétences et donne lieu, par exemple, à des systèmes de comptabilisation différents selon les Länder.

Une position internationale affirmée
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« L’ère Merkel » a contribué à ancrer l’Allemagne comme partenaire stratégique de rang européen et mondial en ce début de XXIe siècle.

Concernant le secteur de la défense, il faut rappeler la délicate situation de l’Allemagne à ce sujet, notamment en raison des conséquences de la Seconde Guerre mondiale. Après la réunification du pays en 1990, la cour constitutionnelle a autorisé en 1994 les forces armées allemandes à intervenir dans la zone d’influence de l’OTAN. Depuis, la position militaire internationale de l’Allemagne a varié : entre son intervention en Afghanistan dans le cadre de la FIAS (Force Internationale d’Assistance et de Sécurité) en 2000, et son abstention au Conseil de Sécurité de l’ONU concernant l’intervention en Libye en 2011. Cette décision a affaibli la position de l’Allemagne auprès de ses alliés.

En 2014, au moment de la crise ukrainienne, l’Allemagne a joué un rôle majeur au niveau européen dans les ripostes contre Moscou. Après les attentats terroristes en 2015, le gouvernement a cherché l’approbation parlementaire afin d’envoyer un avion de reconnaissance et une frégate en Syrie, ainsi que pour aider les troupes françaises au Mali, manifestant sa solidarité envers son voisin. Le livre blanc de la défense allemande de 2016 a montré une volonté d’investissements accrus dans le secteur militaire, notamment au niveau européen. Berlin veut augmenté son budget de la défense pour atteindre 39,2 millions d’euros en 2020. Cette position, entamée par le gouvernement de Merkel, va probablement se trouver renforcée par le Brexit et rester un axe de la politique internationale allemande dans les prochaines décennies.

L’entente entre Angéla Merkel et Emmanuel Macron n’a pas toujours été sereine. Photo DR

Au niveau franco-allemand, l’ère Merkel s’est caractérisée par une stabilité allemande et des variations françaises. Elle ne représentait pas seulement un Etat voisin, mais le binôme stable du couple moteur de l’Union européenne. 

Pourtant elle n’est pas exempte de tout reproche. En effet, en ce qui concerne les programmes d’armement, l’Allemagne s’est souvent montré réticente. C’est notamment le cas avec le programme MAWS qui doit remplacer les avions de patrouille maritime français et allemands. L’Allemagne préfère remplacer des PC-3 Orion par des Poséidons américains en 2025, plutôt qu’attendre que le programme aboutisse. Ce n’est pas le seul projet que le comportement de notre voisin met en dange. Le programme de chars MGCS et celui de l’hélicoptère Tigre Mark 3 semblent aussi compromis pour le moment. En outre, le système de combat aérien SCAF a connu de mauvaises passes, car l’Allemagne considère qu’elle favorise trop les industries françaises. Elle remet en cause la répartition des tâches et le leadership français global sur le projet.

Sans Merkel, l’Allemagne va entrer dans une nouvelle ère dont elle va devoir choisir la dynamique lors des élections de septembre. Les choix offerts aux allemands sont nombreux et les instituts de sondages restent pour l’instant d’une grande prudence dans leurs prévisions.

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(*) Hugo Marneffe. Diplômé d’un Bachelor de Relations Internationales et de Sciences Politiques. Il effectue actuellement un Master de Diplomatie au sein de l’École des Hautes Études Internationales et Politiques de Paris et prépare une thèse sur les nationalismes dans l’Union Européenne. Engagé dans le domaine associatif, il s’investit au sein de la Fédération Francophone de Débat. et Journaliste-stagiaire chez ESPRITSURCOUF

(*) Johann AIRIEAU est diplômé d’une licence d’histoire de l’Université Lumière Lyon 2, dont une année a été réalisée à l’Université de Virginie. Il est actuellement étudiant en master de relations internationales aux Hautes Etudes Internationales et Politiques et réserviste dans l’Armée de Terre et Journaliste-stagiaire chez ESPRITSURCOUF


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