La guerre …
et ses brouillards …

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Pascal Le Pautremat (*)

Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
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Carl von Clausewitz (1780-1831), célèbre théoricien militaire d’origine prussienne, ne manquait pas de rappeler combien les « brouillards de la guerre » devaient toujours être à l’esprit tant des planificateurs que des acteurs de terrain, des opérateurs pour actualiser le propos à la guerre contemporaine. Ce qui revient à rappeler le principe atemporel de l’humilité dans l’action, au-delà de la réflexion qui pourrait paraitre la plus aboutie tant les aléas de toutes sortes, les imprévus peuvent lourdement et gravement contrecarrer les objectifs stratégiques et leurs dynamiques de concrétisation tactiques.
A propos l’art de la guerre, rappelons un élément de premier ordre : la guerre est surtout et avant tout synonyme de bruits et de fureurs, de souffrances, de douleurs, de chocs physiques et psychologiques.
Certes, il est des hommes qui s’enivrent de la guerre, à l’instar du général (et comte) Charles de La Salle (1775-1809), hussard à tout crin qui, d’Espagne, écrivit à sa femme : « Je t’aime comme la fumée du tabac et le désordre de la guerre.»… Il mourrut à Wagram, le 6 juillet 1809, tué d’une balle plein front, à 34 ans…
Bien des spéculateurs sur la guerre, nombre des personnalités politiques devraient aussi se remémorer que la guerre a donc – surtout – un coût humain… Et qu’un soldat, n’en déplaise à certains, n’a pas nécessairement vocation contractuelle à mourir, même s’il accepte ce risque dans son for intérieur, motivé par son dévouement au nom d’une cause qu’il juge juste, légitime et noble.
Les militaires français d’hier et d’aujourd’hui ne le savent que trop bien.
Aussi, rappelons combien les opérations de ces dernières décennies témoignent de l’âpreté des engagements pour notre armée nationale. Après l’ex-Yougoslavie (89 tués), l’Afghanistan (90 tués), les opérations dans la zone pansahélienne via l’opération Serval puis Barkhane sont là pour rappeler que nous y avons perdu, à la date du lundi 24 janvier 2022, 60 hommes (53 « morts pour la France » et 7 autres, victimes d’accidents). À ces chiffres, lourds, s’ajoutent ceux des milliers de blessés qu’il ne faut surtout pas oublier, de surcroît lorsqu’il s’agit des « blessures invisibles » ; des hommes qui manifestent un état de stress post-traumatique (ESPT). Ne serait-ce que depuis 2009, l’Institution recense près de 3 000 militaires atteints des problèmes psychiques… Sans compter ceux qui se déclareront dans les mois à venir ; car le mal survient parfois plusieurs mois après la fin de mission.

Transposer dans l’actualité immédiate, les questions conflictuelles sont focalisées sur l’Europe de l’Est, avec en vecteur commun : la Russie et les hypothèses quant à la stratégie adoptée par Vladimir Poutine… qui sait user de l’art des « brouillards de la guerre ». Cela a inspiré Jean-Dominique Giuliani qui, dans la rubrique Humeurs, exprime un certain regard sur le régime russe que l’on ne partage pas nécessairement mais que l’on doit présenter, dans un souci d’approche plurielle de la question. Dominique Dubarry, pour la rubrique Géopolitique, insiste, pour sa part, sur la Lituanie et la Biélorussie.
Les notions d’anticipation et de projection n’ont donc pas perdu de leur importance. « Gouverner, c’est prévoir » rappelle Xavier Raufer tout en déplorant que « Nos gouvernements en sont incapables », dans son article de la rubrique Sécurité. Et de déplorer combien les capacités d’analyse et de planification sur les moyen et long termes font désormais défaut au pouvoir exécutif.

C’est sans doute en tenant compte de toutes ces réalités que la ministre de Armées, Florence Parly, a tenu aussi à rappeler, lors de ses vœux, le positionnement de la France et ses visions sur les champs sécuritaire et jeux d’alliances. Jean-Pierre Ferey, dans la rubrique Défense, nous rapporte son analyse et point de vue sur le discours de la Ministre.
Dans la Revue d’actualités, André Dulou n’a pas manqué d’insister sur la question ukrainienne en réunissant des articles précieux, sans oublier de dresser un beau panorama sur les questions du moment, notamment en Economie, Défense et sécurité.
Enfin, j’attire votre attention, pour la rubrique Livre, sur la parution d’un nouvel ouvrage d’histoire (j’insiste sur ce point), richement documenté, de Didier Sapaut :  Histoire et patrimoine de la Police parisienne ; ouvrage pour lequel il a bien voulu répondre à nos questions.

Bonne lecture.

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Conférencier et chargé de cours dans l’Enseignement Supérieur, il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr, et au collège interarmées de Défense. Il intervient aussi dans les sociétés et les structures publiques en matière d’analyses géopolitiques et géo-économies. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu” est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF du 30 novembre 2020

Bonne lecture et rendez-vous le vendredi 11 février 2022
avec le n°183
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