Intelligence artificielle,
vecteur de déshumanisation spéculative

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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf

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On perçoit très nettement, de plus en plus chaque mois, la ligne de démarcation entre deux mondes aux conceptions totalement opposées. D’un côté, les êtres humains soucieux de préserver des pans entiers d’activités créatrices, entre scénarios, décors, figurations, mais aussi création musicale et littéraire – en somme toute la dimension intellectuelle spécifique à la pensée humaine. De l’autre, des investisseurs et carnassiers de la finance, focalisés de manière criminelle mais en totale roue libre sur la dynamique de rentabilité et de spéculation en cherchant à remplacer sans vergogne artistes et scénaristes par l’Intelligence artificielle, déclinée jusque dans la création de chanteurs factices.

Au milieu de cette dualité, on perçoit, stupéfaits autant qu’atterrés, la candeur de masses totalement ignorantes ou inconscientes face à ce qui se trame.

Pourtant il n’est pas difficile de se pencher sur le dossier pour constater les effets dominos et l’indigence de ces producteurs sans âme, sans humanité. A Hollywood, massive et inédite depuis 1960 à cette échelle, la grève des scénaristes a laissé pantois et incrédules pléthores de professionnels. Lancée à la mi-mai 2023 par deux de leurs syndicats, la Writers Guild of America East et la WGA West, la grève des scénaristes a pris de l’ampleur à la mi-juillet, grâce au renfort de l’un des principaux syndicats des acteurs, la Screen Actors GuildAmerican Federation of Television and Radio Artists (SAG-AFTRA), forte de plus de 160 000 professionnels conscients de ce qui se trame et les menace eux-aussi à terme.

Si la hausse des salaires fait partie des réclamations tout comme une meilleure protection de leurs droits face aux plateforme de streaming, ne nous y trompons pas ! Il s’agit pour les uns et les autres d’obtenir de la part des puissants studios hollywoodiens des garanties franches quant à la préservation de leur art face à la numérisation : scénarios et dialogues créés par l’Intelligence artificielle, numérisation des acteurs pour créer des réplicants à l’écran…Bob Iger, puissant patron de Disney, symbole criant de l’ultralibéralisme hollywoodien, a méprisé les revendications en estimant qu’elles étaient « irréalistes »…Une honte quand on connaît les profits inouïs du Groupe Disney. En 2022, ils ont augmenté de 497 % pour atteindre les 617,8 millions de dollars ((soit 570,2 millions d’euros).

Photo Pixabay

En Corée du Sud, la K pop, pourtant institution quasi sacrée, est elle-même exposée aux vicissitudes de la création artistique : mélodies, et même chanteurs sont en voie d’être, sinon remplacés, pour le moins concurrencés par girls et boys bands numériques. Sans compter que les chansons sud-coréennes peuvent être déclinées dans plusieurs langues à partir de la bande originale, grâce à l’IA. Et divers instigateurs de ces jeux de manipulation et mutation, sans la moindre conscience quant à la gravité de leurs programmes d’investissement et de créations algorithmiques, en viennent même à imaginer des créations sonores hybrides, combinant voix humaine et intrusion artificielle.

Enfin, comment ne pas le souligner une fois encore, dans le domaine de « l’art militaire », on voit combien les industries de défense multiplient les recours aux drones. Ceux-ci se vulgarisent et les opinions publiques semblent s’y habituer sans guère de préoccupations. Drones navals, terrestres, se combinent avec des systèmes missiliers de plus en plus complexes… Demain, on verra, en premier échelon d’un théâtre d’opération, des escouades d’androïdes appuyés par des essaims de drones, les hommes venant en deuxième échelon pour exploiter les percées et prises de position acquises par les robots.

Par pure mauvaise foi, certains diront que les évolutions technologiques accompagnent l’être humain depuis l’aube des temps. Sauf que nous ne sommes pas du tout dans la même logique, puisque le processus de conception et de création est désormais l’apanage de la machine…

Fin XIXe siècle, en Chine, une partie de la population s’était révoltée face à la percée industrielle portée par les Occidentaux, en raison de la multitude de petits métiers qu’elle forçait à disparaitre. Aujourd’hui, face à l’emprise effarante de l’IA, personne ne se révolte véritablement, encore moins en Chine, alors que les enjeux comme les conséquences sont largement pires…

Les sujets d’agacement ne manquent décidemment pas sur le plan culturel. On voit par exemple la langue française au cœur d’une politique publique, émanant donc de notre propre gouvernement, sciemment contreproductive pour préserver la cohésion nationale. Cela ne manque pas de faire réagir, à l’instar de Christian Benoît (rubrique Humeur).

La cohésion nationale est bien au cœur de la problématique que posent les violents troubles qui ont marqué le territoire national, entre la fin juin et le début du mois de juillet, à travers plus de 500 communes. La torpeur fut de mise au sein de la population, excepté pour quelques groupes de citoyens, notamment à Lorient, visés depuis par la justice. Une situation qui a fait réagir le général Bertrand Cavallier, ancien haut responsable de la Gendarmerie nationale (rubrique Sécurité).

En matière de questions militaires, Jean-Claude Allard nous offre un focus sur la « troisième dimension, une très ancienne tentation de l’armée de Terre » (rubrique Défense).

Sur le plan des questions socio-économiques, Olivier Passet souligne combien l’ultralibéralisme a pris soin de faire disparaitre les distinctions entre vie professionnelle et champ personnel : « Frontières abolies entre travail et loisirs » (rubrique Economie).

Dans la rubrique Livres, nous tenons à rappeler la parution, en avril dernier, de l’Atlas militaire et stratégique des éditions Autrement, de Bruno Tertrais et du cartographe Hugues Piolet, qui pourra être fort utile à celles et ceux désireux de faire un point de situation internationale en matière de polémologie.

Enfin, la revue d’actualité d’André Dulou aborde, comme à l’accoutumée, une belle variété de thèmes. Le sujet principal porte sur la loi de programmation qui s’effectue sans Livre blanc. La mer Baltique, les BRICS (pays dits émergents), le Niger, sont au sommaire des questions géopolitiques. Le volet économique met en avant la perdition industrielle de l’Allemagne, les accords de défense économique entre la Pologne et Israël, et, enfin, les difficiles politiques de recrutement en milieu entrepreneurial. Le domaine Défense et sécurité vient parachever cette revue d’actualité, en insistant sur les nouveaux commandements de la Gendarmerie ou COMGEND, la préparation des troupes parachutistes et sur la création d’une nouvelle brigade d’artillerie en 2024.

Vous trouverez dans la Vidéothèque un film du ministère de la Défense intitulé « Les sapeurs sauveteurs de l’armée de terre », consacré aux unités de la sécurité civile (ForMiSC, Formations Militaires de la Sécurité Civile), qui relèvent de l’Arme du Génie et sont mises à la disposition du ministère de l’Intérieur. Actuellement, 1 402 sapeurs-sauveteurs sont répartis entre trois unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (les UIISC 1, 5 et 7 de Nogent-le-Rotrou, Corte et Brignoles). Une nouvelle unité, l’UIISC 4, doit être prochainement créée à Libourne.

Bonne lecture.

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF.

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