Des militaires arrêtent des casseurs

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Interview
du général (2s) Bertrand Cavallier

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Cet article n’est pas d’un format habituel. Fin juillet, la Voix du Gendarme a publié une interview du général Cavallier. Ses propos sont empreints d’une vision politique, mais certaines phrases résonnent si fortement qu’il nous a semblé légitime de vous les faire connaitre.

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Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, alors qu’un peu partout des émeutes mettaient le feu à la France, des militaires en civil ont interpellé des casseurs à Lorient, ce qui a évidemment suscité de nombreuses et diverses réactions. La population lorientaise a majoritairement applaudi cette initiative, si l’on en croit le quotidien régional Le Télégramme.

Mais trois députés bretons, élus sous la bannière de la France Insoumise, ont saisi le parquet dans le cadre de l’article 40 du code de procédure pénale, qui dit : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Les députés émettent un doute sur la légalité de l’intervention des militaires. Une enquête judiciaire a été ouverte et l’armée a diligentée une enquête de commandement.

La revue professionnelle la Voix du Gendarme a sollicité l’analyse de l’un de ses conseillers, le général Bertrand Cavallier, un expert en maintien de l’ordre, aujourd’hui à la retraite.  Il assène quelques vérités qui donnent à réfléchir. En voici des morceaux choisis.

La Voix du Gendarme : à votre sens, des militaires qui ont arrêté des émeutiers auraient ils agi sans aucune espèce de loi ou de règlement le permettant, comme le prétend le ministre de l’Intérieur ?

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Bertrand Cavallier : dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, à Lorient, le centre de la ville, mais aussi certains quartiers ont été la proie de plusieurs  dizaines d’émeutiers qui se sont livrés aux casses de commerces, à des multiples dégradations notamment par l’effet d’incendies. Comme dans nombre d’autres communes, les forces de l’ordre ont été confrontées à des troubles d’une ampleur et d’une intensité inédite, rendant ainsi plus complexe leur capacité à rétablir l’ordre. 

Dans ce contexte dégradé, qui a sidéré la population, quelques personnes ont procédé à l’interpellation de fauteurs de troubles, et les ont remis aux fonctionnaires de la police nationale.

Que ces jeunes gens soient des militaires ou non, la question centrale n’est pas là. Selon les informations ouvertes (c’est-à-dire à la disposition du public), il semblerait que ce soit bien des individus appartenant à des unités militaires de la Marine nationale implantées localement, lesquelles en tant qu’entités sont étrangères à ce qui s’est passé. L’action de ces militaires, hors service, il faut le rappeler, aurait relevé d’une initiative personnelle qui est celle de citoyens prêtant main forte aux forces de l’ordre. Ce serait là plutôt, de mon point de vue, un acte de bon citoyen. Il tranche évidemment avec la passivité générale que l’on constate aujourd’hui dans la population, mais qui est compréhensible eu égard aux risques physiques mais aussi juridiques pris par ceux qui prennent de telles initiatives.

Dès lors que ces personnes ont interpellé des auteurs de délits flagrants punis d’emprisonnement (incendies volontaires…), et qu’ils les ont mis à disposition, en l’occurrence de fonctionnaires de police, ils ont possiblement agi dans le cadre de l’article 73 du code de procédure pénale, ce qui est principalement l’objet de l’enquête judiciaire ouverte. L’article 73, je vous le rappelle, dispose que « dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender lauteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche”. […]

LVDG : en tant que chef militaire, comment auriez-vous réagi ?
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BC : Je n’ai point besoin de rappeler tout d’abord quo’un chef soutient ses subordonnés. […] Dans des circonstances analogues, je les aurais donc félicites pour leur audace, en cohérence avec l’essence même de leur engagement professionnel : servir leur patrie, protéger la nation. En cohérence, également, avec l’élan inhérent à leur jeunesse […]

Je les aurais aussi mis en garde. Car dans l’état actuel de notre société, et de ses faiseurs d’opinions, ils se seraient ainsi exposés physiquement, juridiquement, mais également socialement.

LVDGquels enseignements tirez-vous de cet évènement ?

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BC : Tout d’abord, je fais confiance aux magistrats. Leur sagesse et leur indépendance seront précieuses pour apprécier les faits considérés avec justesse.

Mais au-delà, ces actions doivent nous inciter à nous poser les vraies questions. Des questions évidemment dérangeantes.

Ces émeutes constituent un nouvel épisode de la dégradation de la situation de notre pays, de la généralisation de la violence, de l’expansion continue de zones dites de non droit, y compris au cœur de territoires jusqu’ici préservés. Qui peut nier cela aujourd’hui ?

Ces violences sont révélatrices d’une nouvelle oppression, qui contraint dans le quotidien les populations, qui réduit leurs libertés fondamentales. Qui peut nier l’émergence d’un phénomène hybride, qui combine le goût de l’argent facile, le désir de conquête, un suprémacisme contestant nos valeurs culturelles ? […]

Les forces de l’ordre ont été massivement engagées, mais elles ont été, en maints endroits, objectivement dépassées. L’ordre républicain, le pacte social républicain, ont été sérieusement ébranlés. Dans certaines communes, des maires, désemparés, ont désormais évoqué leur objectif de mieux armer leur police municipale, de la doter de drones, de doubler les effectifs… Mesure compréhensible compte tenu de leur désarroi et de celui de leurs administrés, mais dénaturant cependant le principe d’une police municipale, et qui ne saurait régler le problème de fond.

L’ordre républicain, plus globalement, le pacte républicain, doivent être impérativement restaurés. Partout et en tout temps. Cela va nécessiter des mesures éminemment politiques, énergiques, radicales et globales, telles qu’un Georges Clémenceau pourrait les prendre.

Mesures qui ne sauraient d’ailleurs, même si ce n’est qu’un aspect du problème, exempter les forces de sécurité d’une vraie réflexion sur leur productivité et la réalité de leur proximité avec la population.

Ces évènements nous renvoient à des questionnements essentiels sur la conception de notre société, qui ont marqué notre histoire, et qui ont notamment opposé Robespierre et Condorcet en 1793. Le premier affirmant que “quand la garantie sociale manque à un citoyen, il entre dans le droit naturel de se défendre lui-même”, le second rappelant que “ dans tout gouvernement libre, le mode de résistance à l’oppression doit être réglé par la constitution”
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Article paru dans La voix du gendarme, le 26 juillet 2023. Pour le consulter dans son intégralité 

:https://lavoixdugendarme.fr/interpellation-de-casseurs-par-des-militaires-a-lorient-lanalyse-du-general-bertrand-cavallier/

(*) Bertrand Cavallier, général de Division, a exercé de multiples commandements dans la gendarmerie départementale et dans la gendarmerie mobile.  Ancien instructeur à l’École Spéciale militaire de Saint-Cyr, il est aussi instructeur commando, et instructeur d’intervention professionnelle. Il est l’un des experts de référence en matière de maintien de l’ordre.

LA VOIX DU GENDARME est répertorié dans la rubrique REVUES  et LETTRES de la Communauté Géopolitique, Économie, Défense et Sécurité d’Espritcors@ire

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