Les larmes d’Abraham…
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Pascal Le Pautremat
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
Cinquante ans (moins un jour) après la guerre du Kippour (6-25 octobre 1973), le 7 octobre 2023 restera gravé dans l’Histoire d’Israël comme le moment de la pire attaque meurtrière perpétrée à l’encontre de ses habitants. Menée par des commandos terroristes, elle a provoqué la mort de plus de 1 400 personnes, dont certaines au terme de sévices et de tortures que des officiers supérieurs et généraux chevronnés n’avaient jamais vues en 40 ans de participation à des guerres et opérations diverses.
Rien de surprenant, par conséquent, au regard de l’histoire tragique de ce Peuple, que chaque citoyen israélien, de religion juive, soit convaincu que les partisans de leur extermination se renouvellent sans cesse, dans ce monde contemporain, dans le prolongement de l’Holocauste, comme des pogroms de la fin du XIXième siècle et même du début du XXième siècle en Europe centrale et orientale.
Depuis près de deux semaines, on voit combien la question israélo-palestinienne est ravivée alors que, depuis 2020, les relations d’Israël avec divers pays arabes (Emirats arabes, unis, Bahreïn) étaient en voie de normalisation. Cela faisait suite aux Accords d’Abraham (septembre 2020) qui avait pu être signés, par l’entremise active de l’administration américaine, sous la présidence de Donald Trump. Les relations étaient tellement au beau fixe que certains estimaient que les élites au pouvoir de ces mêmes pays arabes avaient oublié la question de non-établissement d’un Etat palestinien.
Les négociations avec l’Arabie saoudite, pour leur part, ont été suspendues le 14 octobre, suite aux actions de coercition et d’attrition lancées par Tsahal sur la bande de Gaza et sur la ville éponyme : assassinats ciblés de chefs et responsables du Hamas – actions qui vont se poursuivre dans la durée y compris à l’étranger – frappes missilières avec la difficulté extrême de ne pas toucher les civils – ce qui est impossible dans les opérations urbaines ; de surcroît lorsque l’adversaire – le Hamas – retient les Gazaouis sur place et bloque les routes principales qui leur permettraient de gagner le sud du territoire. De manière sporadique, des accrochages ont d’ailleurs éclaté entre des Palestiniens et les sbires du Hamas. Mais aucun média en France n’en fait état…
Aussi, la guerre de la communication est-elle des plus vives pour condamner les actions militaires de l’Etat d’Israël, avec le risque que sa contre-offensive, en dépit de sa légitimité en réaction aux attaques directes subies, ne se retourne contre lui.
Toujours est-il que, depuis le plan de partage proposé par une Commission restreinte de l’ONU, et adopté ensuite, le 29 novembre 1947, on voit combien les monde occidental et moyen-oriental ont été incapables d’aller jusqu’au bout d’un processus qui, sans être parfait, pouvait constituer un point d’ancrage initial, pour aller de l’avant, de manière constructive, pas à pas. Au lieu de cela, les cristallisations sont allées bon train, avec des aveuglements dogmatiques qui ont engouffré deux peuples aux origines sémites pourtant communes, dans une longue série de conflits et de guerres (guerres israélo-arabes puis crises israélo-palestiniennes), qui se poursuivent donc… 76 ans plus tard… Abraham doit être bien triste de voir ainsi ses enfants s’entretuer.
Pour les uns, cette situation désastreuse est imputable aux Israéliens. Pour d’autres, elle relève de la dynamique offensive des pays arabes (de 1948 à 1973) puis de leur soutien à divers courants terroristes, entre le Jihad islamique palestinien, émanation des Frères musulmans, créé en Egypte à la fin des années 1970, le Hezbollah, créé en 1982, (qui dit soutenir les Palestiniens mais refuse leur installation au Liban), et le Hamas, né en 1987. Le Hamas règne en maitre absolu, depuis 2007, sur la Bande Gaza, après avoir, soi-disant, remporté des élections face au Fatah. En réalité, les membres du Hamas traquèrent et tuèrent plus de 600 représentants du Fatah, en quelques jours (12-14 juin 2007).
C’est bien une faute collective, internationale, qui demeure en premier lieu. Car aucun Etat, aucun homme politique, depuis plusieurs générations, en dehors d’Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat – adversaires dans la force de l’âge devenus de sages amis – nous ont fait croire un temps soit peu, avec les accords d’Oslo (1993), à la possibilité de trouver ENFIN, un début d’entente décisive et constructive. Mais leurs postures ne faisaient pas l’unanimité dans leur propres camp. Tout espoir disparut en effet tragiquement avec l’assassinat de Rabin, le 4 novembre 1995, par un jeune étudiant d’extrême droite juive, manifestement manipulé et bénéficiaire de complicité pour avoir pu s’approcher au plus près du Premier ministre.
La solution, à l’avenir, ne peut que reposer sur l’apparition d’une Troisième voie palestinienne, en mesure de proposer des acteurs politiques crédibles, loin de tout lien avec le Hamas comme avec le Hezbollah, capable de redynamiser le principe d’une Autorité palestinienne qui doit être reconsidérée, avec une implication réelle de l’ONU. De même, en Israël, cette république démocratique doit pouvoir retrouver le sens de composition d’un corpus politique modéré et clairvoyant.
En attendant, les organisations terroristes islamiques sont ravies de pouvoir attiser, une fois de plus, l’hostilité des « Arabes de la rue » à travers le monde, tant à l’égard des Occidentaux, que des Juifs et des Chrétiens. Tout est ramené à une approche primaire autant que binaire et pléthore de pauvres êtres sont prêts à se laisser convaincre.
Un nouveau cycle d’attentats frappe notre pays comme divers pays européens, où sont implantés de solides bastions fondamentalistes. Les Frères musulmans rayonnent, étendent leurs ramifications tandis qu’une partie des milieux politiques sont dans le déni, par méconnaissance sinon ignorance des réalités. Et nos réactions sont d’une mollesse affligeante…En dehors de messages, de twittes, de déplacements tonitruants et médiatisés, des uns et des autres, rien ou presque… Ah si, pardon, la création d’une journée de solidarité pour les enseignants…
Dans ce nouveau numéro d’Espritsurcouf, nous vous invitons à découvrir le papier de Renard Girard intitulé « La résolution du problème palestinien ne peut plus être indéfiniment repoussé » (Rubrique Humeurs).
Vous pourrez également lire l’interview de David Vauclair qui porte sur « La place de la religion dans un monde de divergences » (rubrique Géopolitique).
Victor Denis, en matière de questions militaires, dresse le panorama des forces françaises déployées en Europe de l’Est, dans le contexte de guerre russo-ukrainienne qui se poursuit même si elle a disparu du champ médiatique : « Le dispositif français en Europe de l’Est » (rubrique Défense).
Sur le plan des questions de société, Paule Nathan et Karine Vuillemin proposent une analyse du transgenrisme, sujet sensible autant que délicat, mais qui mérite d’être abordé : « Le transgenrisme à l’étude » (rubrique Société).
André Dulou, enfin, nous propose une nouvelle Revue d’actualité et souligne notamment le jeu du Hamas et du Qatar face à Israël. Il aborde également les questions de sécurité intérieure et la gestion des fichés S, après le meurtre de Dominique Bernard, à Arras.
Côté publication, vous découvrirez le dernier ouvrage de Teddy Palassy (dir.), Forces spéciales et unités d’élite. Au coeur de leurs émotions (éditions Solar). Il y réunit 15 témoignages d’opérateurs mettant en avant les répercussions psychiques de leurs missions connues pour être, par définition, d’une dangerosité extrême. Loin de la dimension esthétique, avec moults équipements, et matériel hight tech, c’est bien d’humains dont il s’agit, qui, certes triés sur le volet, témoignent aussi de fêlures qu’ils osent reconnaître ou admettre pour mieux les apprivoiser dans un souci de résilience.
Bonne lecture
(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF. |
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Rendez-vous 03 novembre 2023 pour le N°224
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