Quel futur pour l’Union Européenne ?

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Alors que l’Europe s’apprête à élire, en 2024, ses représentants au parlement européen, Jean Dominique GIULIANI, président de la fondation Robert Schuman, attire l’attention sur les risques qui pourraient menacer la future évolution de l’Europe.
futur élargissement de l’Union européenne est présenté comme inéluctable et incontournable au motif que de prédatrices puissances rôdent aux frontières de l’Europe et se réjouiraient de l’y affaiblir. Devant cette pression se multiplient les propositions de réformes des institutions européennes, un consensus de fait reconnaissant qu’elles sont indispensables.
Ainsi la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, puis un groupe d’experts franco-allemands, enfin un rassemblement de personnalités européennes éminentes regroupées dans un « Manifesto », ont présenté leurs propositions pour modifier les traités européens. Toutes ses suggestions sont intéressantes. Ont-elles pour autant des chances d’être acceptées ? Les États membres sont-ils en mesure de réformer les traités européens ? Rien n’est moins sûr hélas.

Nécessaires réformes

Une action extérieure indépendante ?

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Les défis géopolitiques sont considérables alors que les guerres se rapprochent du territoire européen et que l’architecture internationale des années 1945-1950 s’effrite jour après jour. Les progrès de l’Union européenne dans les domaines de politique étrangère et de défense ne pourront advenir sans l’implication et l’engagement des États membres. C’est une leçon que Robert Schuman nous a léguée.

Pour faire face à l’aggravation de la situation internationale, l’action extérieure de l’Union européenne devrait être indépendante de la Commission et tous les services qui y contribuent rattachés à un Service diplomatique commun relevant, dans un premier temps, du Conseil européen. Le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité y gagnerait en prérogatives et l’actuel titulaire de cette fonction, Josep Borrell a fait la preuve qu’une voix européenne forte peut s’exprimer pourvu qu’elle soit unique, car les querelles entre institutions devraient s’effacer devant la gravité de la situation internationale.

Le parlement, légitime ?

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S’il veut vraiment être le représentant légitime de la volonté populaire des Européens, le Parlement européen doit accepter que sa représentativité soit un jour réellement démocratique et qu’un député européen représente le même nombre de citoyens à Malte qu’en Allemagne. C’est hélas loin d’être le cas. Il y gagnerait pourtant en légitimité, notamment auprès des Cours constitutionnelles européennes, et pourrait alors plus librement se préoccuper de questions de souveraineté comme la politique étrangère ou la défense. En attendant, il ne devrait pas interférer dans la résolution des grandes questions stratégiques que doit surmonter l’Europe et qui engagent la responsabilité des États membres.

Les États, pour leur part, devraient imaginer de nouvelles formules de coopérations plus étroites pour ces sujets fondamentaux. Un conseil de défense ? Un organe chargé de leur sécurité collective ?  Un accord intergouvernemental renforçant leur solidarité ? Plusieurs formules peuvent voir le jour sous l’empire de la nécessité. Beaucoup de ces évolutions relèveraient de modifications de la pratique actuelle plutôt que de réformes des traités. Nombre d’entre elles ont été identifiées qui concernent la gouvernance européenne. Elles contribueraient à une meilleure efficacité des politiques européennes et renforceraient surtout, par les clarifications qu’elles apporteraient, le sentiment d’appartenance des citoyens à un ensemble politique efficace qui pèse et existe sur la scène internationale.

Avant même une révision des traités, c’est donc une véritable revue de détail et des changements dans la pratique quotidienne des responsabilités européennes, qui pourraient le mieux préparer l’Union européenne à son éventuel élargissement.

Non à l’Europe qui protège

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La campagne pour les élections européennes semble devoir bientôt démarrer.
Il est à craindre qu’on y retrouve le bien mauvais slogan de « l’Europe qui protège », déjà largement utilisé assez bêtement dans nombre de campagnes passées

D’abord cela voudrait dire que l’Europe ne protège pas ses États membres et ses citoyens. Qu’aurions-nous dû affronter seuls sans elle pendant la crise sanitaire ? Que pèserait chacun de nos pays tout seul dans une négociation commerciale avec la Chine ? Que serait le sort de nos monnaies nationales, sans l’euro, face aux déficits des uns, aux pesanteurs des autres, aux difficultés économiques de tous ?


Les gouvernements nationaux l’ont compris depuis longtemps : les solidarités européennes les aident à affronter des défis nouveaux, nombreux et inédits. Les citoyens aussi, qu’il faudrait arrêter de prendre pour des imbéciles : L’Union fait la force ; ils le pensent, ils le savent d’instinct. D’autant plus que nos États ne parviennent plus à assumer toutes leurs fonctions essentielles : La sécurité ? Elle s’est bien dégradée ! La prospérité ? Elle est bien attaquée ! La santé ? Elle est bien coûteuse !  La croissance ? Elle est bien faiblarde ! Et ce sont nos gouvernements qui se tournent vers leurs partenaires pour tenter de réussir à plusieurs ce qu’ils ne peuvent plus faire seuls parce que nous vivons désormais à l’heure des États-continents. Mais ce slogan de « l’Europe qui protège » est surtout critiquable parce qu’il ignore le vrai défi du continent. Ce n’est pas de se protéger, bien sûr une exigence évidente, mais c’est surtout de se projeter dans l’avenir, dont il faut de toute urgence se préoccuper.

À nous endormir confortablement réfugiés derrière d’imaginaires protections, nous avons déjà commencé à nous laisser distancer par les autres grandes puissances. Pour rebondir c’est « l’Europe qui innove » qui devrait figurer dans les programmes électoraux ; « l’Europe qui ose », « l’Europe qui investit », « l’Europe qui entreprend », l’Europe qui croit en l’avenir et le prépare avec enthousiasme.

(*) Jean-Dominique GIULIANI est Président de la Fondation Robert Schuman, centre de recherche de référence sur l’Union européenne et ses politiques. Conseiller spécial à la commission européenne (2008-2010, il a précédemment été Maître des Requêtes au Conseil d’Etat, directeur du cabinet du Président du Sénat (1992-1988) et directeur à la direction générale du groupe Taylor Nelson Sofres (1998-2001). Il a fondé J-DG.Com International Consultants, qu’il préside. Membre du Conseil de Surveillance d’ARTE France (depuis 2009) et Président de l’ILERI (Institut Libre d’Etude des Relations Internationales) depuis 2019.

Vous pouvez suivre Jean-Dominique Giuliani sur son site : https://www.jd-giuliani.eu/

La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d’utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l’organisation de conférences.


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