NOTRE-DAME DE PARIS
UN SYMBOLE UNIVERSEL !

par Jean-Pierre Arrignon (*)
Professeur des Universités

Cette semaine nous venons compléter le Billet écrit sur Notre Dame de Paris par Jean Claude Menou par un message rédigé par un auteur régulier de ESPRITSURCOUF et membre d’espritcors@ire

En cette nuit tragique du 15 avril 2019, la célèbre charpente dite « la forêt » qui couvrait Notre-Dame de Paris est partie en fumée, détruite par un terrible incendie qui, un temps, a menacé de faire disparaître cette œuvre sublime de l’Opus francigenum/Œuvre française.

Notre-Dame de Paris est bien plus qu’un bâtiment ; elle est d’abord la « Maison de Dieu », celle où Dieu se révéla à Paul Claudel à Noël 1886 et celle qui présenta au monde entier cette Croix lumineuse de son autel, illuminée par les flammes de l’incendie, nous rappelant que la « Croix victorieuse et vivifiante » était lumière et espérance.

Notre-Dame de Paris est bien sûr le symbole de la foi catholique, mais aussi le symbole de l’histoire de la France et, enfin, le symbole universel.

La cathédrale est d’abord la résidence de l’évêque. Notre-Dame de Paris a été le cadre du vœu de Louis XIII de consacrer la France à Notre-Dame et d’en faire « la fille aînée de l’église ». Soumis à un début de règne difficile et lui-même atteint de graves ennuis de santé, Louis XIII est sensible à la suggestion de sœur Anne-Marie de Jésus Crucifié, religieuse stigmatisée, de consacrer la France à la Sainte Vierge. L’année suivante, en 1637, Louis XIII fait sienne cette suggestion « dans le secret de son cœur ». Avec la reine Anne d’Autriche, il entreprend alors de nombreux pèlerinage dans l’espoir d’obtenir un héritier attendu depuis 22 ans. Dès que la reine est enceinte, Louis XIII publie le 10 février 1638 l’édit officiel qui consacre la France à Marie. Dans toutes les églises de tous les diocèses de France, Il instaure chaque année une procession, le 15 août, pour la fête de l’Assomption et ordonne qu’une représentation de son acte de consécration soit dressée dans le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Dès lors Notre-Dame de Paris est le symbole vivant de la catholicité dont la France est proclamée « fille aînée de l’église ».

Dans cette logique, Notre-Dame de Paris se définit dès son origine comme symbole de l’Histoire de France. Lorsqu’en 1163, l’évêque de Paris, Maurice de Sully, lance la construction de sa nouvelle cathédrale qui devait remplacer la cathédrale Saint-Etienne. L’édifice est conçu dès l’origine comme une œuvre française, un opus francigenum, appelé plus tard, par mépris, art gothique.  Notre-Dame de Paris est le symbole de la dynastie des Capétiens, face à sa rivale, la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, symbole de la dynastie des Plantagenets dont la construction est lancée, à Poitiers,  en 1160 par Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenet. Ces deux cathédrales sont chacune le symbole d’une monarchie qui affiche son identité par son architecture.

Tout naturellement Notre-Dame de Paris a été le lieu symbolique d’événements nationaux et de la chrétienté. Elle a d’abord été le lieu des grandes célébrations d’unité que sont les Te Deum : Le premier en juin 1389, suite à la bataille de Kosovo au cours de laquelle le sultan turc Mourad I (1368-1389) fut tué par une coalition chrétienne menée  par les Serbes ! Puis y furent célébrés le Te Deum du 17 novembre 1918 célébrant la fin de la Première guerre mondiale, sans la présence du Président de la république, Raymond Poincaré, interdit par Clémenceau, puis celui du 26 août 1944, en présence du général de Gaulle, célébrant la liberté retrouvée. Notre-Dame de Paris fut aussi le lieu du sacre de Napoléon I le dimanche 2 décembre 1804 et le lieu des funérailles de saint Louis le 21 mai 1271, puis celles de G. Pompidou le 6 avril 1974 et des cérémonies  commémoratives des décès du général de Gaulle, le 12 novembre 1970 et de François Mitterrand le 11 janvier 1196. Sans conteste, Notre-Dame de Paris est un symbole fort de l’histoire nationale.

Enfin sa beauté lui a permis de devenir en 1991 un patrimoine mondial de l’UNESCO en même temps que les rives de la Seine. Son rayonnement universel Notre-Dame le doit bien sûr à son architecture qui se répandit dans tout l’Occident, mais elle le doit aussi à la littérature notamment au roman de Victor Hugo, Notre Dame de Paris, 1482, publié en 1831 :
Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître ;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !

aux poètes de Gérard de Nerval (1808-1855) :
Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront, pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant Victor :
-Alors ils croiront voir la vieille basilique,
Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort

à Ossip Mandelstam (1891-1938), poète et essayiste russe :
Mais plus j’examinais ton bastion, Notre-Dame,
Tes côtes monstrueuses et jamais domptées,
Plus je pensais : dans la pesanteur qui nous damne
Je saurai à mon tour créer de la beauté !

Cette universalité de Notre-Dame de Paris a trouvé une expression musicale dans la Comédie musicale Notre-Dame de Paris, (1998).

Notre-Dame de Paris a façonné une nation, un pays et l’Humanité ; c’est pour cela qu’elle a suscité tant d’émotions et qu’elle  doit être restaurée pour continuer à créer de la beauté !


(*)Jean-Pierre Arrignon

 Historien français, spécialiste du Moyen Âge et de la Russie.

Agrégé d’histoire et Docteur d’État, il a fait ses études à l’École pratique des hautes études. Il a soutenu sa thèse intitulée La chaire métropolitaine de Kiev, des origines à 1240 (Sorbonne, 1986) sous la direction d’Hélène Ahrweiler. Ses recherches portent sur le monde slave médiéval : politique, religieux, militaire, culturel entre le VIIe et le XVe siècle. Son intérêt s’étend également à l’orthodoxie, à l’histoire de la Russie contemporaine, en particulier autour de Vladimir Poutine. En qualité de Professeur des Universités, il a enseigné à l’université de Poitiers où il a occupé les fonctions de doyen de la faculté des Sciences humaines et ensuite à l’Université d’Artois. Il fut aussi chargé de conférence à l’EHESS (Centre d’études byzantines, néo-helléniques et du sud-est européen).

De janvier 1995 à 2000, Jean-Pierre Arrignon a présidé le Centre de Culture européenne de Saint-Jean-d’Angely. Il a été cofondateur de la Maison Poitou-Charentes à Yaroslavl (Russie). Il a été Conseiller Défense auprès du préfet de région Poitou-Charentes. En 1994, il a été élu Expert du Gouvernement polonais pour l’UNESCO. Sous la présidence de René Monory, Président du Sénat, Jean-Pierre Arrignon a été membre du Conseil d’administration de la Fondation pour la Prospective et l’Innovation.

Jean-Pierre Arrignon est auditeur de l’IHEDN depuis 1986 (session de Toulouse)et conférencier national. Depuis 2008, il est Vice-Président de l’AR15 IHEDN Nord/Pas-de-Calais.

En 1994, il est élu Docteur Honoris Causa de l’université de Iaroslavl (Russie).

Il partage sa vie et son temps entre la France et la Russie.

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