Genre et Climat :
Inégalités de genre et transition écologique
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Eloïse Herbreteau (*)
Diplômée en Licence de sciences politiques
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A la fin de l’hiver 2024, l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) organisait une conférence-débat dans le cadre de l’Observatoire Genre et Climat. En portant un regard combinant question de genre et transition écologique, l’autrice en restitue ici les grandes lignes.
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Cet événement a rassemblé des expertes de divers horizons pour discuter de l’impact du changement climatique sur les femmes et de la nécessité d’intégrer une approche genrée à la transition écologique. Sachant que, selon l’ONU, 80% des personnes déplacées par le changement climatique sont des femmes.
Parmi les intervenantes figuraient Anne Mahrer, co-présidente du collectif Les Aînées pour le climat, Elise Naccarato, responsable du pôle « Inégalités climatiques » chez Oxfam France, Marie-Cécile Naves, directrice de recherche et directrice de l’Observatoire Genre et géopolitique de l’IRIS, Aminata Niakate, avocate et membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi qu’Éléonore Duffeau, chercheuse à l’IRIS et modératrice de la conférence.
Genre et climat : des inégalités accentuées
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Le débat a mis en évidence les inégalités de genre qui exacerbent les effets du changement climatique, notamment dans les pays du Sud, où les femmes sont souvent en première ligne face aux catastrophes environnementales. L’un des enjeux majeurs est de garantir une justice climatique, qui reconnaît les femmes non seulement comme des victimes, mais aussi comme des actrices essentielles de la transition écologique.
Marie-Cécile Naves a apporté une analyse géopolitique, mettant en lumière la mobilisation des femmes dans la défense de l’environnement et de leurs droits. Elle a souligné l’émergence des mouvements écoféministes à travers le monde et évoqué des figures emblématiques comme Sônia Guajajara, activiste brésilienne et actuelle ministre des Peuples autochtones. Selon elle, les réseaux féministes jouent un rôle crucial dans la lutte contre les crises environnementales, à travers des initiatives locales marquées par une forte créativité et une résilience exemplaire.
Elise Naccarato a insisté sur la précarité économique des femmes face aux changements climatiques. Occupant en majorité des emplois informels et précaires, elles sont particulièrement vulnérables. Elle a également déploré le manque de données genrées sur l’environnement, alors qu’une femme sur trois dans le monde n’a pas accès sécurisé à l’eau potable. Pour elle, l’absence de statistiques précises empêche d’adapter efficacement les politiques publiques aux réalités de terrain.
Aminata Niakate a mis en avant les actions menées par le CESE pour défendre les droits des femmes et leur inclusion dans les politiques environnementales. Elle a évoqué le cas des femmes déplacées en raison du changement climatique et dénoncé leur sous-représentation dans les secteurs clés de la transition écologique. « Les femmes sont largement absentes des emplois “verts” et des instances décisionnelles, alors même qu’elles sont en première ligne face aux catastrophes climatiques », a-t-elle rappelé.
Les 4 leviers de l’action féminine pour l’environnement
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La conférence a identifié quatre axes majeurs sur lesquels les femmes agissent pour une transition écologique plus inclusive :
- La bataille du récit : lutter contre la désinformation et imposer des narratifs scientifiques dans les médias.
- Le partage d’expertise : repenser la transmission des savoirs pour influencer efficacement les politiques publiques.
- Les politiques publiques : intégrer la question du genre dans les stratégies climatiques et les décisions institutionnelles.
- La pérennité des partenariats : renforcer la coopération entre organisations féministes et environnementalistes pour une action durable.
Un exemple juridique : Les Aînées pour le climat
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Un moment clé de la conférence a été l’intervention d’Anne Mahrer, qui a relaté le combat juridique mené par son collectif Les Aînées pour le climat en Suisse. En 2016, cette association a intenté une action judiciaire contre le gouvernement suisse pour inaction face à la crise climatique. Après un rejet au niveau national, l’affaire a été portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). En mars 2023, la requête a été jugée prioritaire et renvoyée devant la grande chambre. En avril 2024, le verdict a établi que l’inaction climatique constituait une violation des droits humains, renforçant ainsi la nécessité de respecter l’Accord de Paris.
Les chiffres qui témoignent des inégalités
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Les discussions ont également mis en lumière des statistiques préoccupantes sur les inégalités de genre face au changement climatique :
- 70 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont des femmes (ONU).
- 96 % des victimes des inondations aux îles Salomon en 2014 étaient des femmes.
- Les femmes ne représentent que 18 % des emplois “verts” liés à la transition écologique.
- Aux conférences internationales sur le climat (COP), elles ne constituent que 35 % des participants.
- 70 % des emplois dans les secteurs sociaux et de la santé sont occupés par des femmes, contre seulement 8 % dans l’énergie et moins de 10 % dans la construction (OIT 2017).
A l’avenir : Intégrer pleinement le genre dans la transition écologique
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Cette conférence a démontré l’urgence d’adopter une approche intersectionnelle dans les politiques climatiques. Il est indispensable de reconnaître l’impact différencié du changement climatique sur les femmes et de leur donner une place active dans la transition écologique. Cela passe par une meilleure intégration dans les secteurs économiques en mutation, une reconnaissance de leur rôle dans les solutions locales, et un renforcement de leurs droits à travers des actions juridiques et institutionnelles.
L’avenir du climat ne pourra être durablement transformé sans l’inclusion des femmes dans les décisions écologiques et économiques. En somme, la transition verte ne pourra être juste et efficace que si elle est aussi féministe.
Tableau récapitulatif :
Domaines |
Constats/Inégalités |
Exemples ou données clés |
Leviers d’action identifiés |
Déplacements climatiques |
Les femmes représentants la majorité des personnes déplacées environnementales |
80% des déplacé(es) climatiques sont des femmes (ONU) |
Prise en compte du genre dans les politiques d’asile, accès à la sécurité et à l’emploi |
Emploi |
Sous-représentation des femmes dans les secteurs de la transition écologique |
18% des emplois verts sont occupés par des femmes |
Formation, quotas accès élargi aux filières scientifiques et techniques |
Précarité économique |
Les femmes sont plus exposées à la pauvreté surtout dans le Sud global |
70% des pauvres sont des femmes (ONU) |
Programme de résilience économique ciblés et soutien à l’entrepreneuriat féminin |
Représentation politique |
Faible participation féminine dans les instances de décision climatiques |
35% des participantes au COP sont des femmes |
Parité dans les délégations, appui aux réseaux féminins dans la gouvernance climatique |
Santé et accès aux ressources |
Les femmes ont un accès inégal à l’eau, à la santé et aux ressources naturelles |
1 femme sur 3 n’a pas un accès sécurisé à l’eau potable |
Intégration des besoins spécifiques dans les politiques de développement durable |
Mobilisation et activisme |
Rôle moteur des femmes dans les luttes environnementales locales et internationales |
Exemple : Sônia Guajajara (Brésil), Les Aînées pour le climat (Suisse) |
Soutien aux mouvements écoféministes, reconnaissance juridique de leur action |
Données genrées |
Manque criant de statistiques genrées sur les impacts environnementaux |
Très peu de données différenciées collectées par les institutions environnementales |
Intégration systématique du genre dans les outils statistiques et d’évaluation publique |
La conférence est visible sur le lien suivant :
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(*) Eloïse Herbreteau est étudiante à l’Université catholique de l’Ouest (campus de Nantes) en 3ème année de licence de sciences politiques, le parcours géopolitique et stratégie internationale. Elle se spécialise en relations internationales. Eloïse Herbeteau est actuellement en stage de fin de licence au sein de la revue Espritsurcouf. |
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