Violence et cruauté…spectateurs enjoués,
esprits déstabilisés
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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
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Comme chacun peut le constater, nous sommes plongés dans une conjoncture pleine d’incertitudes, de conflits ouverts et de guerres plus ou moins larvées ; de crises existentielles au cœur des Etats nations qui cherchent un nouveau souffle ; de tensions économiques et sociales d’une intensité hors norme depuis les années 1980 ; de surcroît, avec toujours davantage de troubles comportementaux au cœur des communautés humaines.
Si un certain mal-être a gagné en prégnance nos sociétés, pour des raisons à la fois endogènes et exogènes, force est de constater que le monde des fictions, cinématographiques et télévisées, les reflète allégrement voire s’en délecte. On peut même légitimement se demander s’il ne les amplifie pas, dans une certaine mesure, au gré d’une « pop culture » qui semble ne plus avoir de limite en se gargarisant de tous les dérives et les excès. On parle des violences sexistes et sexuelles qui ternissent le monde du cinéma, mais bien peu de la violence des images et la médiocrité – hélas – de pléthores de scenaris livrés à un public de plus en plus jeune, depuis notamment les plateformes et les sites de streaming.
Le monde du 7ème Art n’a jamais produit autant de films, de téléfilms et de séries – nous n’en citerons aucun ici – qui témoignent d’une complaisance pour la noirceur humaine, à travers de véritables allégories de la violence sous toutes ses formes, entre voyeurisme et sadisme esthétiquement mis en images. Ce n’est, certes, pas nouveau. Mais depuis une trentaine d’années, et d’autant plus depuis la dernière décennie, on perçoit clairement une nette multiplication d’« œuvres » de ce type.
Tueurs en série ou tueurs à gages, familles mafieuses, intrigantes et criminelles, gangs et trafiquants de drogue ou d’armes, vengeurs solitaires, maniaques et avides d’homicides fracassants, déjantés en tout genre, entre sexe, drogue et tueries abrutissantes…sans oublier les films d’horreur, particulièrement immondes et grotesques mais pourtant plébiscités par un public conséquent.
Et quand il s’agit de mettre en avant des thématiques de politique fiction, on n’échappe pas, là non plus, à des démonstrations appuyées, lourdes, lentes autant qu’inutiles.
Rarement, en dehors du cercle restreint des experts en psychologie comportementale, sont évoqués les problèmes d’identification à ces fictions malsaines et toxiques, de certains jeunes – ou moins jeunes –, à l’esprit perturbé. Des individus passent à l’acte, commettent délits ou méfaits et se mettent en scène sur les réseaux sociaux, véritables caisses de résonnance de délires égocentriques, en diffusant les images de ses propres exactions criminelles… À Nantes, le 24 avril dernier, un jeune de 15 ans a poignardé plusieurs de ses camarades dont une à mort ; à La Grand-Combe, commune du Gard, le 25 avril, un homme assassine un Malien en pleine mosquée et affirme avoir cherché à devenir un tueur en série. Deux exemples récents qui ne sont que les tristes maillons d’une chaîne interminable de tragédies qui s’épaissit.
En reflet macabre à un certain basculement dans la violence, on note la tenue, en février dernier, à Paris, d’une exposition qui réunissait divers objets ayant appartenu à des Serial Killers définis comme célèbres…C’est dire le degré de fascination malsaine dans laquelle nous avons basculé.
Perversité, identification, voyeurisme, cynisme…tout est là pour témoigner d’une dérive de nos sociétés. Comment ne pas s’inquiéter, in fine, de la perte de repères d’une partie de la jeunesse empreinte d’un recours banalisé à la violence, au quotidien ; qui sur un terrain de football et dans les vestiaires, sous prétexte bien niais d’un résultat défavorable ; qui dans un établissement scolaire, ou à proximité ; qui dans les quartiers où les armes en circulation font que l’on se prend très vite pour un de ses « héros » de fiction glaçants et pathétiques. Scarface, depuis des années, est ainsi une référence pour nombre de jeunes de réseaux de narcotrafiquants ou de bandes de petits voyous de la rue qui se rêvent caïds.
Sur la période 2016-2023, le nombre d’agressions, violences sexuelles, agressions et escroqueries s’est sensiblement accentué. Depuis 2021, les homicides comme les tentatives d’homicide ont augmenté d’environ 13%, les agressions physiques sur des personnes âgées de 15 ans, de plus de 5 %, et les violences sexuelles, de 8 %. Entre 2015 et 2023, les victimes de fraudes et d’escroqueries sont passées de 250 900 à 411 700, soit une hausse moyenne de 7% par an, avec une nette accélération depuis 2019-2020, sachant que les vols sans violence ont diminué de 3% depuis 2020. Avec une augmentation de 9 % en 2023, les crimes cybernétiques (fraudes bancaires, vols de données personnelles) ont, pour leur part, augmenté de 9% pour la seule année 2023.
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Pour ce 256ème numéro d’Espritsurcouf, Laure Fanjeau, dans sa rubrique, prolonge cette question de la violence à l’écran comme au cœur de nos sociétés, à travers notamment le pod-cast d’une émission de France culture et une vidéo qui présente l’analyse de Boris Cyrulnik quant au concept élargi de la violence, « Violence pulsionnelle et violence totalitaire ». Elle revient, cette semaine, sur les origines d’une fête chère à la Légion étrangère honorée chaque 30 avril : la fête de Camerone (rubrique LU, VU ET ENTENDU … POUR VOUS).
Paul Charles, pour sa part, rebondit sur les tensions à la fois diplomatiques et de communication dont pâtit la France dans ses relations avec divers pays africains dont l’Algérie, dans un Maghreb fragmenté : « Diplomatie France Afrique : Une France en difficulté face à un passé qui la rattrape » (rubrique HUMEURS).
L’Afrique également est au cœur de l’article de Claude Séry qui met en exergue trois fleuves de l’ouest du continent en soulignant leurs fonctions plurielles : « Les fleuves Cavally, Bia et Tanoé, vecteurs de coopération transfrontalière en Afrique de l’Ouest » (rubrique GEOPOLITIQUE).
Dans le domaine des conflits qui endeuillent notre monde, Michel Goya fait un état de la situation sur la guerre russo-ukrainienne, dans la mesure où nous sommes dans une phase particulière tant l’incertitude demeure quant à la possibilité d’établir une paix…relative : « Le pacte des flous. Quelles garanties pour la sécurité de l’Ukraine ? » (rubrique DEFENSE).
Enfin, André Dulou, avec sa REVUE D’ACTUALITE, parachève notre rendez-vous bimensuel, en faisant le tour des nombreux problèmes auxquels le monde a à faire face : Tous azimuts. Un monde vraiment incertains. , avec entre, autres sujets, la diplomatie américaine et ses conséquences, la tertiarisation continue de l’économie, l’Intelligence artificielle et la cybersécurité. En page d’histoire, André Dulou revient sur le Traité d’Aix-la-Chapelle et la fin de la guerre de Dévolution, le 2 mai 1668.
Côté LECTURE à CONSEILLER, nous mettons en lumière un ouvrage qui interpelle et sensibilise sur l’importance de préserver les espaces océaniques. Une question existentielle majeure car, là aussi, la violence avec laquelle les océans sont abimées, pollués et désacralisés laissent craindre que d’ici 2050, ils pourraient quasiment être vides de toute vie sous l’effet d’une acidification toujours croissante de leurs eaux : Philippe Vallette, Sabine Roux de Bézieux,, « Préserver l’avenir de l’humanité. L’océan en 100 questions. » Ed. Tallandier, 2025, 320 pages (20,90 euros). L’ouvrage est paru le 17 avril 2025 (rubrique LIVRES).
Bonne lecture
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(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF. |
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